Il y a quelque temps, nous apprenions la mise en faillite de La Cordée. Lors de cette annonce, la présidente précisait « cette décision est une stratégie qui nous permettra d’entamer une transformation nécessaire ». Et puis la Covid-19 est arrivée. Et désormais les transformations nécessaires deviennent indispensables. Cette pandémie mondiale nécessite que l’ensemble des acteurs de l’économie et des gouvernements revoie leurs priorités et travaille dans l’urgence. Outre l’aspect sanitaire, évidemment prioritaire, 2 objectifs apparaissent : la préférence locale et la capacité à être présent en ligne. Le 5 avril dernier, le gouvernement québécois l’a bien compris et a lancé une initiative pour combler ces 2 manques.

Le Panier Bleu, un bon début

Le Panier Bleu (c’est son nom), permet aux commerces québécois d’être présents en ligne et d’être identifiés par les consommateurs québécois et… et c’est tout.

Le Panier Bleu est un bon début pour permettre aux consommateurs de savoir ce qui est québécois et ce qui ne l’est pas. Plus de 2154 commerces se sont déjà inscrits et cela augmente chaque jour. Cette médiatisation est sans doute un coup de pouce appréciable pour les distributeurs et les marques d’ici. Loin de moi l’idée de juger une telle mesure qui en plus a été plébiscitée depuis le début par les distributeurs et les consommateurs. Et on le sait tous le consommateur a toujours raison.

Néanmoins, si l’on croit, comme on l’entend partout, qu’il y aura un avant et un après Covid-19, et si nous croyons que les choses doivent changer, alors pourquoi ne pas tenter de l’anticiper ? Comment pourrait évoluer le Panier Bleu ou encore, quels pourraient être les autres projets qu’il faudrait imaginer pour continuer le mouvement et aller dans le bon sens comme l’initiative de la start-up Prologue AI qui géolocalise plus de 2000 entreprises qui ont soumis leur candidature au Panier Bleu ainsi que les entreprises qui ont ajouté des services spéciaux pour faire face au confinement?

Le Panier Bleu répond à la question « que dois-je acheter pour pouvoir privilégier l’achat local en cette période de crise » Malheureusement, cela ne répond pas à la question la plus importante du commerce numérique mondial depuis déjà quelques années : comment ?

L’indispensable commodité

Si Amazon, Facebook ou encore Netflix sont si populaires, c’est parce qu’ils offrent le meilleur service, c’est-à-dire la meilleure commodité. La commodité se définit comme étant la facilité à avoir accès à quelque chose. Au quotidien, pour chaque consommateur que nous sommes cela se caractérise par une exigence, celle d’avoir tout à portée de clic. On ne supporte plus d’avoir des freins ou des irritants, quel que soit notre parcours d’achat (ou notre expérience client au global).

La commodité c’est ce qui fait que nous ne comprenons pas pourquoi il est si compliqué d’acheter des poivrons biologiques fait au Québec en ligne et se les faire livrer alors qu’on peut avoir un composant électronique complexe d’un grossiste chinois en 24 h.

En identifiant les bons produits, à consommer pour l’économie locale, le gouvernement a fait la moitié du travail. La prochaine étape c’est de rendre ce produit accessible en ligne et de le payer en ligne. La 3e étape sera de garantir la livraison de ce produit en un minimum de temps et la quatrième sera de pouvoir garantir l’ensemble de cette expérience à un nombre de gens croissant.

La nécessaire restructuration des magasins de première nécessité.

10 idées de restructuration centrée sur l’expérience client.

L’après-Covid, ce sera d’abord la fin du confinement, mais le gouvernement nous l’a dit, ce ne sera pas la fin des 2 mètres de distanciation sociale. Alors comment on fait pour faire son épicerie dans ces conditions ? Sur les sites de Metro et IGA on peut découvrir combien et quels sont magasins contaminés par la Covid19. C’est logique, les établissements ouverts (car nécessaires) sont devenus des foyers de contamination.

Imaginons que IGA ait décidé de fermer 50 % de ces magasins pour pouvoir garantir à leur consommateur et à leurs employés une sécurité sanitaire maximale et proposer une expérience d’épicerie en ligne améliorée. Fermer 50 % des magasins physiques, mais promouvoir leur plus grand magasin ouvert 24H/24H : leur site Internet.

Comment auraient-ils pu faire ?

Premièrement l’enseigne aurait renforcé la structure technique de son site Internet pour anticiper l’accroissement à venir du trafic.

Deuxièmement la marque aurait averti l’ensemble de ses consommateurs de la nouvelle configuration des magasins (grâce à la base de données cumulées) afin d’anticiper les réactions négatives. On rassure, on explique on sensibilise les consommateurs à l’évolution des services.

Troisièmement, la marque aurait communiqué avec une campagne de recrutement visant à doubler leurs effectifs (sorte d’effort de guerre).
Plus de gens pour préparer les commandes et même éventuellement, pour les livrer. Permettre à la population de manger est un métier valorisant

Quatrièmement, avec l’appui de nouveaux employés l’ensemble des magasins auraient fait un inventaire complet des ressources à date et anticipé les demandes à venir en fonction des demandes précédentes, en croisant les inventaires déjà réalisés. Gérer les commandes existantes et passées permet d’anticiper l’avenir.

Cinquièmement, pour anticiper la gestion énorme des commandes en ligne et simplifier l’expérience d’épicerie en ligne des non-initiés, IGA aurait proposé un panier « de base » pré rempli (avec un rabais ?) en ligne contenant l’ensemble des marchandises qu’achètent en moyenne un foyer québécois (données pré enregistrées car comptabilisées depuis l’ouverture des sites d’achat en ligne).

Ce panier de base aurait été équilibré avec l’apport du programme de nutrition de Santé Canada (des fruits, de légumes, des produits laitiers, etc.).
Rien ne doit obliger à mal s’alimenter, un organisme bien nourri se défend mieux.

Idéalement ce panier de base aurait pu avoir 3 déclinaisons : vegan, ordinaire, 100 % d’ici.

Sixièmement, à chaque première visite, le site demanderait aux clients détenteurs de carte de fidélité, de renseigner leurs numéros afin que le système puisse leur proposer l’ensemble de leur épicerie habituelle et ainsi leur permettre de gagner du temps et d’alléger le trafic.

Septièmement toute commande passée sur le site Internet aurait été géo localisée afin d’être prise en charge par le magasin le plus proche de l’adresse de la personne en fonction de sa commande.

Huitièmement, l’ensemble de l’enseigne aurait mis au point un envoi de courriel pour s’excuser lors de chaque commande non conforme. Anticiper les erreurs inévitables dans ce type de circonstances est bénéfique pour tous.

Neuvièmement, une fois les commandes attribuées aux bons magasins, les personnes travaillant de manière sécuritaire, préparent les commandes et avertissent les acheteurs pour qu’ils viennent les récupérer lorsqu’elles sont prêtes grâce aux informations collectées sur le site lors de la commande (notamment le numéro de téléphone).

Dixièmement, chaque magasin aurait adapté son entrée pour permettre un entreposage de commande simplifié et un pick up facilité pour les clients.

Chaque magasin aurait aussi adopté un marquage pour respecter les distances, à l’extérieur pour permettre aux personnes qui attendent leurs livraisons, d’attendre de manière sécuritaire.

Enfin, l’expérience de la semaine précédente aurait été réévaluée selon une boucle d’amélioration continue pour progressivement arriver à rouler de la meilleure manière possible.

Selon Absolunet, le commerce en ligne au Québec a doublé en 2 semaines alors non seulement c’est plus sécuritaire, mais les consommateurs le demandent…

Ce ne sont là que des pistes pour aider et faire grandir cette dynamique qui, je le redis, et je le pense, va dans la bonne direction.

L’ensemble de ces réflexions, dans un monde idéal, passeraient par toutes les étapes nécessaires à la mise en place d’une nouvelle expérience client (analyse de données en amont, mise en place d’atelier de conception – méthode design thinking, amélioration des processus, feedback petite boucle et grande boucle), mais c’est un luxe en cette période… La situation va durer jusqu’à ce qu’on trouve un vaccin. On n’imaginera pas le monde de l’après-Covid avec les outils de l’avant Covid. C’est l’ensemble des flux de marchandises, dans le cadre de la grande distribution, qu’il faut revaloriser et repenser avec de nouvelles normes. 

Parce qu’il y a du travail à faire.

Panier Bleu