Richard Arpin

Expert en planification stratégique et ceinture noire en marketing one-to-one et en CRM, Richard Arpin occupe depuis plus de 20 ans des postes de direction tant du côté annonceur que du côté agence dans le milieu des télécoms, bancaire, culturel, B2B et de la vente au détail.

Œuvrant comme Lead d’affaires, Engagement Consommateur et Loyauté chez Metro inc., Richard a d’abord implanté les éléments et les équipes pour assurer le virage one-to-one relationnel/fidélisation. Aujourd’hui, il est responsable du volet MarTech (outils de ciblage et de marketing automation), des processus pour rendre le marketeur autonome au niveau analyse, modélisation prédictive et exécution, et d’accompagner les équipes dans la montée en charge des actions initiées par les données/marketing hyper-personnalisées.

Membre du CA de l’AMQ, Richard profite de cette entrevue pour partager sa connaissance approfondie du marketing par les données et de ce que cela représente pour une entreprise.

 AMQ – Commençons par le début! Quelle est l’importance du marketing par les données et de l’hyper-personnalisation dans les pratiques courantes du marketing aujourd’hui?
RICHARD –
 Je ne vous surprendrai pas en disant que le consommateur d’aujourd’hui est numérique, mobile et connecté. Il est en magasinage perpétuel et saturé de messages pub. Il fournit d’innombrables données (sans même le savoir!), tout en cherchant la transparence et en souhaitant être informé. L’élément clé à retenir est que le client/consommateur a soif de pertinence. Il est donc essentiel d’anticiper ses besoins pour mieux y répondre; cela implique la mise en place d’actions chirurgicales proactives et défensives, basées sur l’analytique et les données.

Mais qu’est-ce que ça veut dire pour nous les marketeurs?

De plus en plus de connaissances client mènent à toujours plus de données (navigation web, utilisation des produits, déclaratif, etc.). Ceci permet de mieux comprendre, mieux prédire, mieux cibler. Par conséquence, cela exige des équipes pour gérer les données et des personnes aptes à utiliser et à prioriser les données.

Il faut gérer/considérer la singularité du client (moment, contenus, sujets, canaux, prix, etc.).

Tout va de plus en plus vite. On doit donc décider et agir en temps réel, ce qui change la donne versus le marketing traditionnel.

Tout peut et doit être mesuré.

L’humain ne peut plus tout comprendre et tout décider. Il faut donc collaborer avec des algorithmes et l’intelligence artificielle via les outils MarTech disponibles aux marketeurs.

Il est facile de constater toute l’importance que prend l’analytique, la modélisation prédictive et le marketing automation aujourd’hui. On voit d’ailleurs l’impact sur notre métier, notre quotidien, nos équipes.

Que l’on parle de maturité analytique, allant du descriptif et prédictif jusqu’au prescriptif puis au cognitif (les modèles qui s’auto-apprennent en fonction des résultats des campagnes), les modèles et le ciblage via l’ensemble des données que l’on possède sont de plus en plus sous la responsabilité des équipes marketing et non du BI.

AMQ – Quelles compétences sont alors requises chez les marketeurs? 
RICHARD –
Les marketeurs aujourd’hui doivent être capables d’opérer les outils, de comprendre le data/ciblage, de faire évoluer les stratégies et l’organisation du travail pour faire plus de micro-actions hyper-personnalisées. Il s’agit d’être plus pertinent et de livrer plus de valeur par l’industrialisation et l’automatisation des actions marketing via tous les canaux.

En fait, on cherche un marketeur autonome, avec un juste équilibre entre les hard skills et soft skills.

Lorsqu’on parle de hard skills, on fait référence à des compétences spécialisées telles que :

  • Opérer : utilisation d’outils et démocratisation des données. Automatisation des actions, viser le temps réel;
  • Comprendre la modélisation prédictive : avant c’était sous la responsabilité du BI, maintenant c’est pris en charge par le marketing;
  • Mesurer et assurer le suivi en continu des actions pour prendre des décisions en conséquence;
  • Expérimenter avec un plan de Test & Learn;
  • Être autonome pour l’analyse des résultats (ROI, insights) afin d’identifier les campagnes qui performent moins bien et pouvoir ajuster la campagne en conséquence.

Par soft skills, on sous-entend des qualités ou des compétences comme :

  • Être créatif : être inspirant et avoir une connaissance intime de l’approche segmentée et du contenu éditorial pertinent;
  • Avoir de l’empathie;
  • Faire une remise en cause;
  • Penser «chorégraphie» et «valeur ajoutée»;
  • Faire preuve d’agilité commerciale;
  • Appliquer des méthodes de travail matricielles. Revoir les processus.

AMQ – Parles-nous un peu du MarTech et de ce que cela implique pour une organisation comme Vidéotron.
RICHARD – 
L’hyper-personnalisation ou la multitude d’actions chirurgicales produites grâce aux outils de marketing automatisé, aux algorithmes et modèles prédictifs, aux chorégraphies via les multiples canaux one-to-one (courriels, envois postaux, sms, numériques, etc.) permet un maximum de pertinence de nos actions et ça, ça veut dire l’augmentation de la performance en général.

Pour une entreprise comme Vidéotron, par exemple, ce passage représente une variété d’avantages :

  • Coûts/bénéfices : internalisation de plusieurs tâches. Dans le cas de petites productions, on implante une méthode à partir de gabarits de nos communications. Cela nous permet de conserver la production à l’interne à moindre coût;
  • Taux d’ouverture courriel toujours en croissance. À l’heure actuelle, Vidéotron affiche une moyenne de plus de 46 %, ce qui est assez impressionnant;
  • Augmentation du taux de clic unique moyen;
  • Réactivité au marché et au cycle de vie du client en réduisant le time to market (viser une campagne pensée et exécutée le jour même);
  • Augmentation marquée du ROI des campagnes;
  • Optimisation des escomptes et augmentation du lifetime value du client. On veut être plus généreux envers certains clients, ce qui implique de l’être moins envers d’autres;
  • Tout ça représente une base très solide pour faire exploser le nombre d’actions permettant de fidéliser et d’accompagner les clients, de les enraciner avec la marque.

AMQ – Merci d’avoir partagé toutes ces connaissances! Mais avant de terminer, selon toi, quel rôle joue l’AMQ au sein de la communauté de marketing et vers où s’oriente notre profession?
RICHARD –
 Le marketing évolue très rapidement. On doit maintenant agir en temps réel. Avant on avait le temps d’observer et de comprendre avant de déterminer les actions à prendre. Aujourd’hui on devient des fournisseurs de possibilités (offres, prix, contenus, etc.). Les besoins en création/contenu vont considérablement augmenter. Faire de l’hyper-personnalisation est humainement impossible! D’où la nécessité d’employer les outils MarTech et de revoir l’organisation du travail.

Tout ça pour dire que notre environnement est en pleine mutation! Le rôle de l’AMQ est primordial en ce sens, car elle est LA tribune qui permet à nous les marketeurs d’échanger sur nos difficultés et de partager nos bons coups. Selon moi, les marketeurs doivent revoir rapidement et profondément leurs responsabilités, rôles, missions et compétences. Par exemple, au niveau de la mesure, qui pourra être automatisée. Notre rôle sera d’en tirer des conclusions et d’orienter les actions. Les équipes BI pourront alors se concentrer sur des analyses plus poussées générant plus de valeur pour l’entreprise.

Finalement, au niveau des méthodes de travail (agile, matricielle ou autre), des tâches seront appelées à apparaître et à disparaître. Le marketeur doit performer dans la planification, l’opérationnalisation de ses campagnes, dans la mesure et l’analyse de ses campagnes pour ajuster et prendre les décisions nécessaires. Il faut se préparer maintenant et bien planifier la gestion du changement.