S’il y a une chose dont on a beaucoup entendu parler dans les dernières années, c’est l’importance d’être bien dans son travail, mais surtout, d’être dans un environnement sain. En 2021, la CNESST annonçait une refonte de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail. Dans les changements qui sont effectués graduellement, on compte l’ajout des risques psychosociaux. Mieux vaut tard que jamais vous me direz?

Parallèlement, nous voyons une montée de l’intérêt chez les gens à vouloir les meilleures conditions possibles, mais aussi à consulter toute sorte de plateformes et de contenu lié au bien-être au travail. De Saison, «une plateforme pour insuffler sens, équilibre et satisfaction à nos vies personnelles et professionnelles», crée par Julie Tremblay-Potvin et Marie-Andrée Mackrous évolue en ce sens en partageant non seulement du contenu, mais en développant aussi des outils, formations et ateliers pour participer à ce changement de culture du travail.

Le bec s’est entretenu avec Julie Tremblay-Potvin, Présidente et cofondatrice de De Saison - Art de vivre et de travailler et du Magazine De Saison pour avoir sa vision sur ces changements.

Qu’est-ce que l’ajout des risques psychosociaux dans la loi de la CNESST fera comme différence dans le milieu du travail?
Julie: Le monde du travail a beaucoup changé depuis 1979, date à laquelle la loi a été modifiée la dernière fois. Nous sommes maintenant plus conscient·es des risques ergonomiques et des risques psychosociaux. Nous nous attendons donc à ce que la loi exige des employeurs d’avoir un plan de prévention, de mesurer les risques psychosociaux, d’évaluer l’évolution de ces risques et de les corriger. Exactement comme c’est le cas présentement pour la prévention des risques de blessures physiques. Mais comme les «blessures» psychosociales sont plus complexes, ce ne sera pas une mince affaire.

Nous aurons plus de détails dans les prochains mois quant à l’application de cette loi en entreprise puisque la mise en vigueur s’étalera jusqu’à l’automne 2024. Mais au-delà de la loi, il y a une culture à implanter. Il faut se sortir d’une logique de loi et de sanctions, et aller vers une logique de communication, de mobilisation, de transformation de la culture et des comportements qui y sont liés.

En travaillant sur la plateforme De Saison, qu’as-tu pu remarquer par rapport aux sujets les plus consultés? Est-ce qu’on peut faire un lien avec le changement de la loi de la CNESST?
Julie:
Les sujets dont nous discutons le plus sont la hustle culture (la course folle, les attentes toujours plus grandes), l’épuisement, le manque de balises claires entre la vie personnelle et professionnelle, la charge mentale, le chaos organisationnel, l’hyperconnectivité et le manque de temps. En ce sens, je crois qu’on peut dire que le changement de loi est plus que nécessaire parce que les besoins sont là.

Il est vrai que la culture du travail s’est totalement transformée, et ce, très rapidement. Le rythme s’est accéléré et la culture de surperformance issue du capitalisme a gagné l’ensemble des milieux. Le manque de ressources n’aide en rien, mais il y a de la lumière au bout du tunnel.

Non seulement avec la modification de la loi québécoise, mais aussi avec tout ce qui se passe autour. Par exemple, l’Ontario qui adopte une loi pour le droit à la déconnexion, mais aussi les grandes organisations et donneur·euses d’ordres qui adoptent de plus en plus la culture et les normes du développement durable (ESG) et s’apprêtent à l’exiger de leurs fournisseurs également.

Enfin, personne n’est étranger à ce qui se passe sur le terrain: entreprises B CORP, télétravail, semaine de 4 jours, vacances illimitées, grande démission… 66% des jeunes de 18-34 ans avaient déjà vécu un épisode d’épuisement professionnel en 2019 et on sait que l’indice de santé psychologique s’est détérioré avec la pandémie. Il y a une grande transformation en cours et c’est bien de l’encadrer.

Quelles seraient 3 actions «indispensables» à poser pour amener sa hustle culture vers une culture de performance saine et durable pour soi et ses équipes?
Julie: 

  1. Avoir des discussions sur le hustle culture et les risques psychosociaux. Il y a tellement de non-dits dans les équipes, c’est incroyable! C’est souvent plus facile de changer d’employeur que de briser le silence autour d’une culture malsaine.
  2. Identifier de nouvelles balises et de nouveaux réflexes à cultiver individuellement et en équipe. Ça peut toucher l’organisation du travail, les horaires, les opérations, les communications et les comportements individuels. Cela fonctionne beaucoup mieux quand ça vient de l’équipe et non du département des RH.
  3. Soutenir la pratique de ces nouveaux comportements au fil du temps. Chassez le naturel et il reviendra au galop. Ce qui contribue à la transformation de la culture, c’est le suivi en groupe, dans un esprit de développement d’un leadership de soi bienveillant et sainement performant.

Le milieu des communications et marketing en est un très compétitif. Comment crois-tu que le domaine pourrait changer après l’adoption officielle de cette législation?
Julie:
Comme dans tous les domaines, ceux et celles qui tardent à faire attention à la santé mentale de leurs employé·es seront forcé·es d’y réfléchir au moins minimalement. Partout où il y a des humains·es, il y a des comportements humains. Ceux-ci peuvent être bénéfiques ou non à la santé psychologique et sociale. Les gens qui travaillent en communication et marketing devront faire une introspection sur leur culture du travail, leurs comportements personnels et interpersonnels, envers leurs collègues et les équipes qu’il·elles dirigent.

D’un point de vue plus structurel, il y a dans tous les domaines et dans toutes les organisations des règles écrites et de nombreuses règles non écrites qui composent la culture. Il faudra remettre ces règles en question, tout comme leur modèle d’affaires, leur mode de fonctionnement, leur rythme et leurs attentes. Il y a un mélange d’intensité lié à la nature du travail (créativité, délais serrés), mais aussi une question de gouvernance et de modèle d’affaires. Je crois qu’on s’en va vers une époque où la performance viendra avec un certain niveau de conscience. Le nerf de la guerre demeure toutefois les comportements individuels et collectifs du quotidien. Les habitudes sont difficiles à changer!

C’est pourquoi nous proposons de faire de cette transformation des comportements un projet d’équipe. Quand tout le monde se donne la permission en même temps, ça accélère la transformation.

Dans tes mots, quelle est ta définition du bien-être?
Julie:
Nous parlons souvent de santé durable et de satisfaction. Ce sont, à notre avis, deux composantes du «bien-être».

D’une part, il y a la santé psychologique et physique, environnementale même, qui nous permet de durer dans le temps. D’autre part, il y a la satisfaction intérieure. Le sentiment d’agir en cohérence avec notre nature, nos valeurs, nos priorités et nos besoins.

J’ajouterais que dans notre définition, le bien-être n’est pas figé. Il y a bien sûr des défis, des difficultés, des moments où nous devons nous ajuster, nous reposer. C’est notre capacité à récupérer et à nous adapter de façon saine qui est garante de notre bien-être, de notre satisfaction et de notre santé durable.

Enfin, je crois qu’à la notion de bien-être individuel, on doit ajouter la notion de bien-être collectif. Pour être bien en société, en entreprise ou même en couple et en famille, je dois aussi prendre en compte les besoins, valeurs et priorités de mes collaborateur·trices et de ma communauté, dans un esprit gagnant-gagnant.

Pour en savoir plus sur les outils, formations et ateliers de Julie Tremblay-Potvin et Marie-Andrée Mackrous, consulter le Magazine De Saison. Pour avoir les détails sur la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité au travail, consulter la page résumée sur le site de la CNESST.

Pour être accompagné·e selon vos réalités, la ligne d’assistance du bec est là pour vous, 24/7: 1-888-355-5548.

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