L’humour en publicité est-il une panacée aux maux de toutes les marques en quête de visibilité ? Est-ce que tout en pub peut être drôle ? Discussion sur le sujet en compagnie de Stéphane Raymond.

stéphane raymond

Dire que le rire parle aux Québécois serait un euphémisme. Sur scène, sur le Web, à la télé, toute la Belle Province en est friande. Composante désormais quasi incontournable de la publicité, l’humour est aussi cet ingrédient qui, longtemps avant l’arrivée des enregistreurs numériques, réussissait à contrer le zapping ainsi qu’à voler le spectacle lors de Super Bowl soporifiques. Mais l’humour en publicité est-il toujours un gage de réussite ? L’homme derrière les succès viraux Synvain Rénove et Chest-Bras, Stéphane Raymond, directeur artistique chez Archipel, propose quelques nuances. « En publicité, quand tu utilises l’humour, tu n’as qu’une chance au bâton, affirme-t-il. Si tu rates ta joke, si tu exploites mal ta mécanique humoristique, tu viens de faire du mauvais travail. Et il n’y a rien de bon à ce qu’on parle de ta pub parce que tu as raté ton coup. Tu dois faire en sorte que ta marque rayonne. Aussi faut-il assumer ce qu’on fait : si tu es mal à l’aise avec ton contenu si tu prévois faire une demi-blague, n’en fais juste pas. L’humour est un outil fantastique, mais c’est aussi un couteau à double tranchant. »

SU’A COCHE

Mais il y a aussi de grandes réussites. « Quand tu frappes un coup de circuit, par contre, tout le monde va parler de ta pub, poursuit-il. Tu sais qu’on va parler de ton gag au bureau, pendant les partys Noël et au Bye Bye. Alors, oui, la tentation de verser dans l’humour est forte, mais il faut le faire correctement. Avant d’aller de l’avant avec un concept que je trouve comique, je m’arrange pour le tester sur le plus de gens possible. » Et quel serait selon lui un exemple actuel de publicité humoristique réussie ? « Celle qui me vient en tête est la dernière pub des Producteurs de lait du Québec, lance Stéphane Raymond, celle avec des gens qui posent des questions à des vaches qui parlent. C’est surprenant, c’est rafraichissant, c’est drôle, c’est audacieux et ça ne laisse personne indifférent. On joue avec l’absurde (une dent et des mamelons qui parlent !) en faisant aussi un clin d’œil comique aux anciennes pubs de Normand Brathwaite. De plus, la langue employée par un des personnages (celui qui répète “su’a coche”) s’inscrit dans une tendance très actuelle qui est celle d’utiliser un langage plus proche des gens. On entend ça de plus en plus et ça marche bien. »                                     

REHAUSSEUR DE MARQUES

Et est-ce que l’humour, lorsque bien employé, peut réussir à cacher les faiblesses d’une marque ? « Absolument, affirme Stéphane Raymond. Dans les années 80, plein de nouveaux gadgets faisaient leur apparition sur les tablettes. Alors, dans les publicités, tu avais juste à dire que le produit était nouveau et ça le rendait épatant. Aujourd’hui, c’est un peu le même phénomène qui se produit avec l’humour : quand la pub est drôle, ça rehausse la valeur de ton produit, même s’il est plus terne, même si ta marque est moins forte. Dernièrement, nous avons trouvé un concept pour un client qui voulait vendre des pneus. Non seulement sa marque avait le défaut de ne pas être encore très connue, mais le défi était encore plus intéressant parce que le produit (des pneus) n’est pas ce qu’il y a de plus séduisant. Comme c’est difficile d’émouvoir le public avec des pneus, on a plutôt tenté de faire sourire avec un duo de mécaniciens-magiciens munis de talents surnaturels. Le concept quelque peu absurde fonctionne bien en ce moment et la pub se démarque. L’humour nous a bien servi dans ce cas-ci. »

AUDACE ET HUMILITÉ

Et l’humour peut-il servir n’importe quelle marque ? N’importe quelle cause ? « Je suis d’avis que oui, affirme Stéphane Raymond. Pourquoi se priver du rire, qui fait tellement de bien aux gens. Un humour bien pensé, qui s’adresse à la bonne cible, peut s’appliquer à tout, même aux sujets les plus délicats. » Et le créateur de Synvain Rénove aurait-il pu inciter un centre de rénovations sérieux à s’associer à son personnage comique ? « J’aurais adoré ça ! confie-t-il. Ç’a même passé proche. Mais je ne crois pas que les grandes marques en la matière soient rendues à faire preuve d’autant d’autodérision. Ça demande à la fois de l’audace et de l’humilité pour rire de sa propre marque. Le risque est de faire rire sans se moquer du public cible et des consommateurs de la marque. Autrement, je me suis associé avec Le prix du gros, un concessionnaire de véhicules neufs et d’occasions, qui a embarqué dans ma folie en me laissant carte blanche. L’association entre Synvain et des véhicules était toute naturelle. C’était une situation de laquelle nous sortions tous gagnants. »

synvain rénove