Depuis quelques mois déjà, le web pullule d’articles sur les tendances 2022 en prévision de ce qui s’en vient. En matière de mode, de technologie, de ce qui pogne sur TikTok. Bref, toute. Examinons les tendances marketing web en compagnie de Roger Kamena, lead data scientist chez Adviso ainsi que de Martin Proteau, directeur stratégie numérique, expérience et intelligence client chez TINK.

La donnée primaire, c’est du sérieux
On ne pouvait parler de tendances sans aborder la fin des cookies tiers, qui s’annonçait à être LE plus grand changement dans l’histoire du marketing numérique. D’entrée de jeu, Roger Kamena nous révèle que la donnée primaire sera une tendance à surveiller dans les prochaines années. «Elle était déjà importante, mais elle devient maintenant existentielle puisque que les third parties sont voués à disparaître. C’est plus qu’une tendance — c’est plutôt un signal d’alarme.» Selon l’expert, la donnée primaire est le nouveau pétrole. «Les commerçants veulent collaborer avec les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) de ce monde sans vendre leur âme dans le processus (RIRES). Ils veulent avoir une collaboration tout en voulant préserver et maximiser le contrôle de leur propre donnée.»

Si, du jour au lendemain, une de ces plateformes venait à radicalement modifier les règles du jeu, et que 80 % des revenus d’une entreprise X dépendent de cette plateforme, et bien l’entreprise ne fera pas long feu ! «Le cookie tiers est un mécanisme qui nous rend plus dépendants des grandes compagnies technologiques qui possèdent énormément de data à propos des audiences de notre site web. Maintenant que cette donnée tierce disparaît, on ne peut plus se fier sur elle. Toute entreprise ayant des campagnes marketing numériques qui dépendent fortement du reciblage de ces plateformes doit adapter sa stratégie en conséquence. Il faut que tu maîtrises ta propre donnée et que tu la prennes au sérieux», traduit le lead data scientist.

«Tout se base sur l’échange de valeurs, ajoute Martin Proteau. Si moi, en tant que consommateur, je suis prêt à te donner des données de mon plein gré, toi, que vas-tu m’apporter en échange? Au lieu d’avoir une approche push publicitaire, on a une approche centrée sur le client, donc interactive. Le value exchange est la meilleure façon pour une entreprise d’aller personnaliser l’expérience tout en dosant l’interaction.» Le spécialiste rappelle que le mot-clé ici est consentement. «Ce n’est pas parce que tu consens à donner ta donnée maintenant que le harcèlement est permis.»

Consentement, guys.

Et si on parlait AI ?
Selon Roger, les commerçants seront aussi amenés à évoluer plus rapidement grâce à la venue de la toute nouvelle version de Google Analytics, permettant aux utilisateurs de faire des manœuvres qui étaient seulement possibles avec la version premium (version payante coûtant 150 000 US par année !). L’une d’elle est la possibilité d’exporter la donnée brute dans le BigQuery. «C’est quand même assez révolutionnaire, car tout d’un coup, il y a toutes sortes de possibilités avec la donnée brute qui n’étaient pas imaginables avec la version standard. Puisque ta donnée est plus granulaire, elle te permet d’utiliser des modèles d’apprentissage machine et faire de l’analytique plus avancée. Ça démocratise l’univers du big data, le cloud et le AI [artifical intelligence]», estime-t-il.

«Les grandes entreprises vont se tourner vers le AI, dit Martin. Mais les PME du Québec font face aux mêmes défis et n’ont pas nécessairement le budget pour implanter toutes les dernières nouveautés et le AI sur leur site. Les entreprises veulent faire du commerce électronique, mais sont incapables de combattre les Amazon, Etsy, etc. C’est plus un enjeu qu’un trend: il faut comprendre comment faire du bon numérique.»

Autrement dit, avant de zieuter le chatbox par exemple, il faudrait structurer la qualité d’une infolettre !

Vers une autonomie numérique svp
Le insight des deux prochaines années? Créer de la valeur pour le consommateur. «Faites du contenu, chères entreprises, mais faites-en moins, conseille Martin. Ne faites pas juste du branded-content pour vous faire voir, mais faites plutôt du contenu utile qui aide l’utilisateur et le consommateur à jouir du produit ou du service acheté en ligne.» Le web devrait servir à mousser l’utilisation et l’utilité d’un produit ou d’un service, ce que l’expert appelle le contenu propriétaire, c’est-à-dire du contenu qui vient non seulement aider à la découverte du produit, mais à la jouissance même de ce dernier. Exemple? L’application Fender Play, imaginée par le fabricant de guitares Fender. Il s’agit d’un programme d’apprentissage qui guide les novices à jouer de la guitare, de la basse et du ukulélé à travers un parcours d’apprentissage en fonction de leurs préférences musicales. Cette application est un bel exemple de rehaussement de qualité d’expérience d’un produit. «On parle beaucoup de e-commerce, mais maintenant, on parle aussi du e-service, c’est-à-dire tout ce qui est en complémentarité (et en ligne) au service clientèle à valeur ajoutée pour le consommateur.»

Autre trend, selon Martin, est l’autonomie numérique, qui a émergé en partie à cause de la pandémie. Oui, les magasins étaient fermés, mais encore aujourd’hui, les consommateurs évitent de se déplacer en boutique et préfèrent rester chez eux, nous explique-t-il. «Les consommateurs veulent de plus en plus être autonomes dans la relation qu’ils ont avec une marque. L’utilité du contenu prime de plus en plus sur la valeur par rapport à l’amour de la marque», évoque-t-il. En somme, il faut que le numérique s’incarne dans une expérience pertinente et utile — pas juste pour faire de la pub ! «Ça transcende beaucoup autour du client. Tout ce qui va être fait avec l’interface (mobile, l’écran), doit être fait dans une logique d’expérience avec la marque, ses produits et ses services. C’est ce qu’on appelle le CX, et c’est là où les entreprises vont investir de plus en plus», dit Martin

Roger est du même avis. Une expérience utilisateur fluide et agréable est le nerf de la guerre de toutes les plateformes de commerce électronique, réseaux sociaux et engins de recherche. «Les entreprises prennent le CX et l’expérience utilisateur davantage au sérieux. Ça fait partie de la transformation numérique. Plus les entreprises vont devenir efficaces dans l’expérience utilisateur numérique, mieux elles se porteront. Ça passe aussi par une bonne compréhension de l’utilisateur qui passe aussi par l’exploitation de la donnée primaire, et par conséquent, elles pourront devenir plus indépendantes», ajoute-t-il.

Toute est dans toute.

Pensez utilisateurs, ensuite profits
On a demandé à nos deux spécialistes quels seraient les meilleurs conseils pour réussir son commerce en ligne avec brio. Sans surprise, l’expérience utilisateur revient au galop. «La première chose à faire est de ne pas se demander quel est le meilleur CMS ni quel message je veux mettre sur Facebook. Ce n’est pas ça la game! Il faut comprendre l’expérience, les attentes et les intentions des consommateurs. Quels sont les bénéfices qui sont attendus? Il faut construire le numérique autour de ça», recommande Martin. «On doit réfléchir à l’expérience qu’on veut donner aux utilisateurs. Il y a tellement de moyens de rendre l’expérience numérique agréable, éclaircit Roger. On commence par cette prémisse-là plutôt que penser à combien de produits je suis capable de vendre en ligne. Pense d’abord à l’utilisateur, et l’utilisateur va naturellement t’amener le revenu et les ventes que tu désires. C’est vraiment une question d’expérience en ligne. Les commerçants qui priorisent l’expérience client auront tendance à être les plus avant-gardistes et les plus performants dans cet environnement. »

Et pour finir, si on prend les mots données, expérience et créativité et on les met ensemble, ça donne quoi ? «Ça dictera les plus grands courants des 5 prochaines années», résume Roger.

Capeesh. 

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