Qu'entend-on par «l’offre intangible» d’une marque? Qu’est-ce qui rend une expérience en magasin agréable, et une autre pénible? Depuis des années, on travaille à aménager confortablement les lieux des points de service, tout ça dans le but de répondre à ce que des spécialistes en marketing appellent «le ré-enchantement de la consommation». Le but de ces nouvelles approches? C’est très simple: la séduction. Ainsi, au centre de cette entreprise de charme, on en appelle à une stimulation des cinq sens afin de repenser la «conception sensorielle du lieu de vente [et de] lui donner une personnalité, [de] le rendre agréable et attrayant [dans le but] d’améliorer la satisfaction» de la clientèle. Mais est-ce que tous les sens sont stratégiquement utilisés lors de ces opérations de séduction? À en croire plusieurs expert·es en marketing, force est d’admettre que l’ouïe est en quelque sorte le «parent pauvre» du marketing sensoriel. Pourtant, une bonne stratégie sonore peut influencer positivement l’expérience et les ventes. Voyons voir comment et pourquoi.

Une bonne idée de penser aux sens?
«Oui», répond d’emblée la professeure au Département de marketing de l’UQÀM, Caroline Lacroix. «Ce qu’on sait, quand on regarde les études faites sur le marketing sensoriel, c’est que ce type d’approche a un impact significatif sur les perceptions, les habitudes et l’attachement des consommateur·rices envers une marque. C’est un des aspects qui contribue fortement à alimenter le “brand love”.» Réitérant l’importance de stimuler les sens lors d’une expérience d’achat, la professeure explique que la force du sensoriel est d’impacter la mémoire: «D’entrée de jeu, ça a un impact sur les émotions. Personne n’est indifférent à une bonne odeur ou à un lieu chaleureux, bien organisé. Et qui dit émotion, dit mémorisation. L’influence des sens est extrêmement puissante et les études le démontrent très bien: rares sont les occasions où nos sens n’affectent pas notre jugement et nos perceptions.» À ce propos, on peut également se tourner vers la définition plus large du marketing sensoriel pour mieux comprendre ses impacts sur les consommateur·rices. Selon la très réputée spécialiste marketing Aradhna Krishna, on peut définir le marketing sensoriel comme «un marketing qui engage les sens des consommateur·rices et affecte leur perception, leur jugement et leur comportement». Le marketing sonore n’est également pas étranger à ces impacts. Voyons ce que la science en pense.

L’atmosphère: un puissant atout
L’ambiance et l’atmosphère ont un pouvoir beaucoup plus grand qu’on le pense sur les gens. Il a été prouvé que lorsqu’une personne entre dans un magasin qui lui est inconnu, ou rencontre pour la première fois un produit qui ne lui est pas familier, son cerveau va faire de l’inférence à partir de son environnement afin de décoder le lieu où il se trouve. Ainsi, la personne va évaluer la qualité dudit produit ainsi que la notoriété du magasin en se référant aux facteurs extrinsèques de son environnement - autrement dit, à l’offre intangible. À ce propos, la musique d’ambiance serait la première référence à laquelle on s’agrippe. Bien que cette étude date un peu, une étude menée par Richard F. Yalch and Eric Spangenberg en 1993 a révélé des résultats étonnants sur l’influence de la musique en montrant que les gens ont tendance à percevoir un magasin «bas de gamme» s’ils entendent de la musique de variétés. À l’inverse, les deux chercheurs ont pu démontrer des liens clairs entre l’augmentation des dépenses plus dispendieuses et la musique classique.

De manière générale, la musique a un impact positif sur la clientèle parce qu’elle génère du plaisir et alimente des émotions. C’est ce qu’avancent des chercheurs britanniques, qui ont observé des liens entre les comportements d’achat et la musique. Quand elle est utilisée comme amorçage cognitif, la musique aide le cerveau à assimiler ainsi qu’à comprendre des informations, ce qui l’aide à prendre une décision. De ce fait, on observe que les marques qui ont une identité sonore reconnaissable voient une «augmentation de 5 % de leur valeur perçue et une augmentation similaire pour  l’intention d’achat».

Rien d’étonnant à cela. Pour la professeure Caroline Lacroix, «les sens ont le pouvoir d’imprimer une expérience dans notre mémoire. Ils créent des réponses émotionnelles et ça, ça influence directement nos envies de revivre une expérience ou bien de posséder un produit». L’ambiance est donc importante, mais l’identité sonore l’est tout autant. Et des marques ont déjà bien compris l’efficacité des repères sonores et travaillent depuis des années à associer leur logo à un son : qu’on pense à Nintendo, à Netflix, à Apple ou à Disney, ces entreprises coexistent autant sur le plan visuel que sonore dans nos mémoires.

voiture

L’identité sonore
Comme on vient de le voir, de plus en plus de marques investissent dans la création d’identités sonores, et on doit cet essor à la popularité grandissante des plateformes de diffusion en continu, des balados et des assistants à domicile comme Google Home ou Alexa. En effet, on rapporte une augmentation de 22% du nombre de marques lançant des identités sonores en 2021, comme American Express, Frito-Lay, Singapore Airlines, Betway, General Mills et Walmart. Mais comment développe-t-on ce type de stratégie?

Si on se fie à l’expertise de Ravi Sidhu, directeur des ventes pour Stingray Advertising, il est clair que de développer une identité sonore améliore la performance des ventes: «L’engagement est assez direct en magasin parce que le stimuli sonore s’adresse à la clientèle directement dans le lieu d’achat. La succursale, c’est l’endroit le plus important de la vente: les recherches qu’on mène et celles sur lesquelles on se base montrent que lorsque les gens entendent une publicité ou une promotion provenant du magasin dans lequel ils ou elles se trouvent, ça génère des actions concrètes.» Mais attention : la ligne est mince entre le message insistant et la promotion bien perçue, nous avise Ravi Sidhu. Et c’est là où réside toute l’expertise de Stingray, c’est-à-dire de savoir saisir le bon momentum et surtout de créer une expérience d’achat enrichie en magasin. Le tout est méticuleusement pensé par des spécialistes: «Pour la musique, par exemple, nous avons des ingénieur·es de son qui nous fournissent des trames sonores d’ambiance et celles-ci changent au fil de la journée afin de respecter l’évolution des moods des consommateur·rices.» Mais il n’y a pas que ça à prendre en compte, ajoute le directeur des ventes: «On développe des cue sonores afin d’attirer l’attention des gens quand on introduit un message publicitaire. Tout ça, c’est pensé avec le détaillant dans le but de créer un sentiment de reconnaissance, une empreinte auditive dans la mémoire des gens. Et on constate sur le terrain que ça fonctionne: les gens ont tendance à écouter les messages et à acheter le produit annoncé lorsqu’ils entendent le cue.» 

Savoir bien recevoir
Somme toute, concevoir des sons, des ambiances et des messages publicitaires personnalisés, ce sont des stratégies que des entreprises comme Stingray peuvent mettre en place. Affirmant que l’identité sonore d’une marque ajoute énormément à la valeur de celle-ci, Ravi Sidhu invite les entreprises à développer ce type de marketing: «On voit un effet positif sur la clientèle quand la voix ou la musique d’un détaillant leur sont familières. C’est ce qui signe en quelque sorte l’identité sonore d’une marque. Il est clair que ça joue pour beaucoup sur l'incitatif d’achat et c’est pourquoi on développe de plus en plus de stratégies innovantes pour créer un sentiment d’attachement, d’appartenance et de loyauté envers les marques.» De son côté, la professeure Caroline Lacroix nous rappelle que l’expérience en magasin est comparable à une réception conviviale: «Le marketing sensoriel, ça mise vraiment sur l’expérience humaine. C’est très humain comme approche. Et pour parvenir à bien développer ce type de stratégie, il faut se mettre dans la peau d’un·e invité·e qu’on reçoit chez soi. Pensons-y: le ménage va être fait, on risque d’avoir mis une musique d’ambiance, les plats cuisinés sont au four… Tout ça, ça contribue à rendre le souper entre ami·es agréable. Être chaleureux, c’est ça une bonne stratégie sensorielle.»

intervenant 1Ravi Sidhu, directeur des ventes, Stingray Advertising / Crédit photo : Frédérique Ménard-Aubin

intervenant 2Caroline Lacroix, professeure au Département de marketing, UQÀM / Crédits : ESG UQÀM

sonore