caroline©Daria Marchenko

C'est en vivant des difficultés à rendre sa propre entreprise plus écoresponsable que Caroline Larocque change complètement son plan de carrière et retourne aux études en environnement et développement durable à l'Université de Sherbrooke. Elle est ensuite accueillie au sein du Réseau des femmes en environnement, en tant que chargée de projets en développement durable et communications, où elle accompagne maintenant différentes organisations afin de faciliter l'intégration de mesures écoresponsables. Elle joint également à ce moment le Collectif Communication Citoyenne où, entourée d’expert·es multidisciplinaires en communication/marketing et en environnement, elle se spécialise en communication responsable afin d’outiller les organisations à communiquer sans écoblanchiment leur démarche.

Grenier Formations: Quels types de clientèles accompagnes-tu?
Caroline Larocque: Le Réseau des femmes en environnement accompagne différents types d’organisations dont des organismes à but non lucratif avec des missions sociales ou environnementales, des organisations dans le domaine touristique, événementiel ainsi que dans les arts vivants. Ces organisations souhaitent entamer ou peaufiner leur démarche d’écoresponsabilité.

GF: Comment peut-on résumer la communication responsable en quelques mots?
CL: La communication responsable est souvent perçue comme une façon de communiquer sur les aspects écoresponsables d’une organisation. Si cela fait bel et bien partie de la communication responsable, ce concept est beaucoup plus large et s’intègre à tous les types de communication émanant d’une organisation. Considérant le sens large de la responsabilité, la communication responsable évite d’encourager la surconsommation en portant une attention particulière à la vérité et à la justesse des propos. Elle reconnaît que toute organisation, tout message, tout support de communication et toute forme de consommation exercent certains effets collatéraux négatifs sur la société et sur l’environnement. En visant à les réduire, la communication responsable permet donc de se responsabiliser en mettant en place des pratiques de communication de moindre impact et à portée socio-environnementale positive. En résumé, c’est d’utiliser le pouvoir et la créativité de la communication pour faire écho, voire encourager, la transition socioécologique.

GF: On parle de greenwashing (écoblanchiment) depuis plusieurs années. Quels sont les autres aspects qui peuvent toucher à la communication responsable?
CL: En effet, l’écoblanchiment est omniprésent. Si parfois, il est fait consciemment, dans la majorité des cas, l’écoblanchiment n’est pas voulu et est réalisé par manque de compréhension des enjeux environnementaux ou par mauvaise pratique de communication. Les impacts d’accusations d’écoblanchiment pour les organisations peuvent être très coûteux d’un point de vue réputationnel. Mais l’écoblanchiment affecte également les perceptions des consommateur·trices qui se méfient de plus en plus des organisations, y compris celles dont les démarches d’écoresponsabilité sont fondées.

Dans ces circonstances, la communication responsable justement documentée et validée devient un outil permettant aux organisations d’éviter de faire de l’écoblanchiment involontaire puisqu’il met des balises et porte une attention sur les zones grises. Mais la communication responsable touche également d’autres aspects sociétaux. Elle permet, par exemple, de s’assurer que des stéréotypes sexistes ou raciaux ne soient pas véhiculés involontairement par les messages ou les images. Elle permet également de redéfinir le rapport à la consommation et de normaliser des valeurs sociétales permettant d’accélérer la transition socioécologique.

GF: Est-ce que la communication responsable peut toucher toutes les entreprises?
CL: Elle touche en effet toutes les entreprises, puisque toute organisation a un impact sur l’environnement et sur la société. Une mauvaise perception laisse croire que la communication responsable n’est utile qu’aux entreprises qui se disent écoresponsables, mais ce n’est pas vrai. Soyons clairs, peu importe si vous vendez des produits, si vous concevez des produits ou si vous vendez des services, à partir du moment où vous faites de la communication via un site web, via les réseaux sociaux, via un courriel ou autre, vous pouvez intégrer les principes d’une communication plus responsable et entreprendre d’augmenter vos impacts socioécologiques positifs.

GF: On a parfois l’impression que les compagnies mettent plus d’argent dans leur marketing que dans la réduction de leur empreinte environnementale. Pourquoi, selon toi?
CL: C’est souvent une question d’image et de courte vue. Malheureusement, encore trop peu d’entreprises réalisent que le business as usual n’est plus viable dans le contexte d’urgence climatique. L’écoresponsabilité reste trop souvent une mode dans laquelle les organisations embarquent l’une après l’autre. Je dis «malheureusement» parce que beaucoup se lancent sans réellement revoir les modèles de leur organisation pour voir où sont les enjeux prioritaires et ainsi mettre en place des actions permettant de réduire significativement leur empreinte environnementale. Alors ces organisations optent pour des petites actions dispersées, non significatives et en font des campagnes de communication disproportionnées pour redorer leur image. C’est tellement courant qu’on est même rendu à qualifier cette façon de faire de meta-greenwashing, qui consiste à mettre l’accent sur des actions réelles dites écoresponsables, mais en omettant délibérément les enjeux plus prioritaires et plus impactant de l’organisation.

GF: Une compagnie pétrolière par exemple qui décide de parler de ses bons coups, est-ce un écran de fumée ou un pas dans la bonne direction?
CL: J’aime à penser que toutes organisations qui ont une réflexion sérieuse et qui agissent pour réduire leur empreinte écologique doivent en parler. Certains puristes ne seront pas d’accord avec moi. Mais chose certaine, ces communications doivent être honnêtes et, surtout, proportionnelles à l’ampleur des actions menées et à l’empreinte globale de l’organisation. Dans le cas d’une compagnie pétrolière, il est difficile de voir quel type de bons coups peuvent être mis en valeur pour supplanter les impacts négatifs engendrés par cette industrie.

GF: Y a-t-il des compagnies qui se démarquent là-dessus?
CL: La communication responsable est globale dans le sens où elle s’intègre à l’ensemble des communications d’une organisation. Tout comme on doit accepter qu’une organisation ne puisse être 100 % écoresponsable, on doit également accepter qu’il soit difficile de respecter, en tout temps, les principes de la communication responsable, dans la globalité des communications. Ce qui est motivant, c’est qu’avec une démarche claire, les organisations peuvent tendre de plus en plus vers cette communication responsable, qui doit être transparente (et parfois admettre publiquement ses limites). On remarque de plus en plus d’organisations qui mettent en place des campagnes de communication très intéressantes, qui recherchent les apports socio-environnementaux positifs et qui se rapprochent, dans leurs discours, de plus en plus près de la réalité. J’invite toutes organisations à se pencher sur la question, à former leurs équipes en communication responsable et à entamer cette démarche d’amélioration continue. Le Collectif Communication Citoyenne et ma formation en communication responsable sont là pour vous aider à avancer.