Un ad exchange montréalais en plein essor acquiert à la fin de l’hiver une entreprise californienne pour parfaire son offre technologique – et ainsi devenir l’un des plus gros joueurs mondiaux en matière de programmatique publicitaire. Qu’annonce la suite ? Portrait de Sharethrough Montréal (ancien District M) et conte de fées entrepreneurial sur fond covidien en compagnie de Jean-François Côté.

Mai 2020. Époque que les livres d’Histoire retiendront (ou non) par le joli sobriquet de la Grande Dèche Entrepreneuriale. Comme bon nombre d’entreprises à ce moment, District M traverse un passage à vide. La COVID vient de lui choper près de 40 % de ses revenus et l’incertitude plane toujours entourant une possible reprise des activités. Dans un bureau montréalais de la rue de Gaspé, les associés réfléchissent aux choix qui s’offrent à eux. Le statu quo et l’inaction sont cependant impensables. « Dans une situation comme celle que nous avons traversée avec la pandémie, tu as généralement deux options : l’offensive ou la défensive, philosophe Jean-François Côté, Président et cofondateur de District M (aujourd’hui Sharethrough Montréal). Soit on protège nos arrières en limitant les sorties d’argent pour sécuriser nos acquis… soit on ouvre les valves et on continue d’avancer en espérant faire le bon choix. C’est sur la deuxième option que nous nous sommes arrêtés. Nous avons décidé d’acheter une entreprise américaine, Sharethrough, dont le savoir-faire technologique était complémentaire au nôtre et dont les valeurs humaines et entrepreneuriales ressemblaient à celles de District M. Tout cela s’est fait à distance et dans un temps record. Pendant que le monde traversait une pandémie, nous, nous traversions une sorte de perfect storm. »

Cool geek
Opérationnelle depuis plus de huit ans, l’entreprise District M permet depuis 2013 aux marques d’augmenter leurs revenus en connectant les éditeurs aux annonceurs dans un écosystème de publicité programmatique. « Nous poursuivons toujours cette mission, mais en opérant désormais un savoir-faire technologique en matière de vidéo et de native de renommée mondiale, poursuit Jean-François Côté. L’achat de Sharethrough [NDLR : dont la transaction s’est officiellement conclue en mars 2021] est une sorte d’histoire d’amour, si je peux la romancer ainsi. Nous évoluons dans un petit milieu, nous connaissons donc nos compétiteurs et nos alliés. Les valeurs de Sharethrough, qui prône l’humain et le respect, ainsi que cette notion de partage qu’elle incarne même jusque dans son nom nous ont interpellés sur un moyen temps. Tant et si bien qu’en plus d’acquérir l’entreprise, nous avons aussi décidé de prendre son nom — un fait peu commun, faut-il l’avouer, en entrepreneuriat. C’est réellement un mariage parfait : alors que District M incarnait un style très east cost et axé sur le développement commercial de la business, Sharethrough, localisée à San Francisco, incarne l’aspect cool geek de la côte ouest avec ses forces extraordinaires en technologies. On s’est dit, avec raison, qu’une telle association pourrait faire de magnifiques choses. »

L’approche humaine
Aujourd’hui, Sharethrough Montréal génère à elle seule plus de 45 milliards d’impressions publicitaires partout dans le monde… par jour ! « On gère plus de transactions financières quotidiennes qu’une banque ! s’exclame Jean-François Côté. Tu imagines la technologie que ça prend pour appuyer tout ça ? C’est fou ! Aux annonceurs, on peut affirmer sans se tromper que nous sommes désormais capables de rejoindre n’importe qui, n’importe où, et ce, en tout temps. Et de faire pleinement vivre aux utilisateurs l’expérience des marques qu’elles représentent de la meilleure façon qui soit, dans les meilleures conditions. Et de la façon la plus respectueuse qui soit, aussi. De concert avec les valeurs de Sharethrough, nous poursuivons notre développement du human centric, lequel met l’expérience de l’utilisateur (et de l’humain derrière l’écran) au plein centre de nos préoccupations. Avec l’équipe de San Francisco, nous continuons de développer des technologies dans des laboratoires de neuroscience. L’important pour nous est de permettre aux gens de vivre dans un environnement où l’exposition aux marques se fait de façon organique, pratique et utilitaire. C’est fini, la quête désespérée du clic. Quand tu sollicites un humain, tu dois lui faire vivre une expérience au demeurant pertinente. »

La suite ?
Et le futur de Sharethrough Montréal, il ressemble à quoi ? Horizon 2025, par exemple ? « Dans quatre ans, nous aurons une portée de niveau mondial, affirme Jean-François Côté. Ce que nous avons déjà en partie, et ce, avec plus de 92 % de nos contrats qui s’opèrent aux États-Unis. Nous avons en ce moment 150 employés dans des bureaux situés tant à San Francisco qu’à Chicago, New York et Austin. Et la moitié d’entre eux sont ici dans la métropole. Mais pour la suite, je vous dirais bien humblement que sky is the limit. Dans le futur, le marché des voitures sans conducteurs sera une chose qui s’annonce extraordinairement prometteuse pour le marché des écrans ; les usagers seront aussi de plus en plus rejoints par l’audio et les balados. La technologie se développe à vitesse grand V et les avancées de la neuroscience nous permettent de penser autrement. Et en ce qui a trait à Sharethrough Montréal, nous continuerons certes de croître, mais toujours habités par les mêmes valeurs humaines que nous avions mis de l’avant lors de la fondation de District M. Des valeurs basées sur le dépassement, le respect et l’innovation. La suite s’annonce très amusante. »  

Jean-François Côté

Jean-François Côté
Crédit photo : Donald Robitaille