Le confinement a-t-il abaissé le niveau de qualité des pubs ? On a réuni quelques créatifs autour de notre table virtuelle pour en jaser.

La pandémie a mis à mal à peu près toutes les industries, sauf possiblement celle des désinfectants alcoolisés pour les mains, et celle des alcools tout court, confinement oblige.

Par ricochet, la qualité des pubs en a pris pour son rhume elle aussi. C’est du moins ce que l’on pourrait croire a priori. Mais est-ce vraiment le cas ?

Groupe. Globalement, que pensez-vous de la cuvée créative issue du confinement ?

Bernardo Andrada : Nous sommes tous d’accord sur le fait que la performance créative de l’industrie n’a pas été formidable. D’une part, les clients n’avaient jamais eu à gérer une crise de cette ampleur. D’autre part, les agences n’ont pas su répondre aux véritables besoins des marques. S’en est suivi une série de pubs toutes aussi convenues les unes que les autres.

Bernardo Andrada
Bernardo Andrada, directeur de création exécutif | Oliver

Luc Dupéré : Tu as raison Bernardo. Beaucoup de bouette (RIRES). Quand la planète tout entière a le même brief, peu de temps de recul et seulement du piétage stock pour travailler, on se retrouve inévitablement avec la même pub.

Luc Dupéré
Luc Dupéré, concepteur-rédacteur­­­ | lg2

Charles Chartrand : Même chose ici. De l’Orchestre Métropolitain à Simons en passant par Boston Pizza, le Festival Juste pour Rire, on est tombé dans la facilité en apposant le mot « ensemble » partout. Comme si ce mot magique allait tout régler et nous réunir vers un but commun. Ensemble, pu capable… (RIRES)

Charles Chartrand

Est-ce à dire qu’on doit biffer d’un gros trait l’ensemble (oups, désolé Charles !) de la cuvée « créative » 2020 et se contenter de faire des 5 à 7 sur Zoom jusqu’à ce qu’un vaccin vienne nous protéger de la pub poche ?

Bernardo : Les marques qui se sont bien positionnées durant cette période sont celles qui ont su ajouter de la valeur pour les consommateurs. Walk the walk, pas just talk the talk. Burger King l’a fait très simplement avec Stay home of the Whopper. Sur la marque. Utile.

Jean-François Dumais : Parlant de Burger King, je retiens aussi la campagne Moldy Burger, sortie tout juste avant le confinement. On s’entend qu’ils ont brisé l’ultime règle du taste appeal en mettant de l’avant leur burger en décomposition pour démontrer qu’ils n’utilisaient pas d’agents de conservation. Ça m’a impressionné encore plus quand j’ai entendu le making of sur le podcast de l’IOFA, dans lequel on découvre qu’il s’agit d’une collaboration entre les agences de Burger King.

Jean-François Dumais
Jean-François Dumais, directeur exécutif de création | Sid Lee 

Manuel Ferrarini : Moi, je retiens Road Tales de Volkwagen. Avec un peu de data, un peu de techno, un peu de gamification, de l’illustration et pas mal de rédaction, cette app/livre audio transforme le paysage des autoroutes en histoires ludiques pour les enfants. J’aime que le constructeur ait créé une pièce marketing sans parler de ses attributs produits, trop souvent trop techniques et sans émotion.

Manuel Ferrarini
Manuel Ferrarini, vice-président, directeur de création | Tam-Tam\TBWA

Il y a une pub qui nous a tous jetés à terre pendant le confinement. Qu’avez-vous à dire sur You can’t stop us de Nike ?

Jean-François : C’est devenu la référence. Il est question de la situation actuelle en temps de Covid, sans que ça devienne une béquille. C’est juste du bon storytelling et c’est exécuté à la perfection.

Bernardo : 4 000 heures de studio !

Philippe Comeau : Nike continue de prendre de l’ampleur perceptuelle en véhiculant ses valeurs bien devant ses produits, une grande leçon pour tous les annonceurs. Ce message passera à l’histoire !

Philippe Comeau
Philippe Comeau, directeur de création

Et ici, on s’en tire comment ?

Luc : Ce qu’il y a eu d’intéressant avec la Covid, ce sont les astuces trouvées par les agences et maisons de prod pour pouvoir tourner. L’une des premières pubs Covid a été faite pour Bell. Tournée entièrement chez le DOP Ronald Plante avec sa petite famille comme comédiens ! Puis une autre, chez la comédienne avec son cinéaste de mari qui assure la direction photo !

Charles : L’Érable du Québec, c’est bon dans « toute » avec Claude Legault. Enfin un porte-parole qui ne fait pas que porter la parole !

Philippe : Faire appel à un porte-parole québécois est un lieu très fréquenté, mais jamais aussi bien réussi qu’ici. L’autodérision et la maîtrise de toutes les composantes du message classent cette campagne dans la grande ligue. Et Claude Legault joue le jeu en maître. Je suis mauve de jalousie.

Côté autodérision, tu en as une autre en tête, Philippe ?

Philippe : Roue de Fortune avec Charles Lafortune ! Dans ce message parfaitement réalisé, l’humour est 100 % au service de la proposition, une rare qualité. Le gag de la fin ? Un kicker de feu, avec Marc-André Coallier sorti des boules à mites. Grande leçon de conception-rédaction, difficile de faire mieux.

Une petite dernière pour la route ?

Manuel : La dernière campagne du lait qui vient de sortir est quand même très, très bien.

Réunir des experts autour d’une table pour discuter d’un sujet, c’est en effet toujours très payant (RIRES). Merci messieurs ! Bonnes pubs et restez prudents.

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