L’arrivée des beaux jours miroite un semblant de vie qui flirte moins avec la dystopie. Et pourtant, les bourgeons qui se ragaillardissent et les oiseaux qui gazouillent cui-cui jurent avec la réalité pandémique. En avril dernier, le Grenier a sondé plusieurs figures du milieu de la communication pour connaître ce qu’elles avaient vraiment sur
le « chest » depuis le début du confinement. Les échos de l’industrie oscillaient entre espoir, fatigue et incertitude. Gratitude aussi, de savoir que quelqu’un, quelque part, lui demande « comment ça va pour vrai ». L’univers de la comm est peut-être petit, mais on n’a pas pu échanger avec tout le monde ! On a donc répété l’exercice. Une fois de plus, revue en toute transparence sur ce que vit l’industrie : petites boîtes, plus grandes boîtes et freelancers.

Chaque semaine depuis mai, le mardi et le jeudi, le Grenier diffuse sa série « Comment ça va pour vrai chez... ».

La vie au temps de la COVID-19

« Contrairement à de nombreuses entreprises, l’organisation du travail de Rouge Marketing ne s’est pas imposée comme un défi ni nécessitée d’importants efforts d’adaptation », révèle Dominique Laverdure, présidente et associée. Toute l’équipe était « ferrée » pour assurer le travail à distance, puisque l’agence est nomade depuis 4 ans. Pour preuve, plusieurs employés œuvraient d’ailleurs déjà à partir de leur domicile au quotidien, entre Gaspésie et Paris, et d’autres allaient régulièrement travailler au WeWork du centre-ville de Montréal. Établie à Mont-Tremblant, à Montréal, un peu partout au Québec et même en Europe, Rouge est entièrement équipée et ses outils de travail sont modelés en conséquence. L’agence était donc complètement opérationnelle, et ce, dès le premier jour du confinement annoncé.

Dominique Laverdure
Dominique Laverdure, présidente et associée, Rouge Marketing

« Maintenant, ça se passe très bien globalement, mentionne François Dulac, associé et directeur des opérations chez Gimmick. Tout n’est pas parfait, la vibe n’est pas aussi le fun à distance et on s’ennuie tous de nos débats du midi, de nos vendredis 5 à 7, de nos games de hacky extrême et de la proximité physique qu’on avait avant. Ceci dit, on est extrêmement chanceux, car toute l’équipe travaille et nous avons même dû avoir de l’aide externe sur certains projets. On n’aurait jamais cru qu’on devrait engager pendant cette crise, c’est un peu irréel ».

François Dulac
François Dulac, associé et directeur des opérations, Gimmick

François admet que le début de la crise lui a vraiment fait peur. « La peur de voir s’effondrer ce qu’on avait réussi à bâtir tous ensemble, la peur que ça prenne des mois et des mois avant que ça reparte, la peur d’être isolés pendant vraiment longtemps et perdre le team spirit ». Le 12 mars, lorsque fut le temps d’aller porter l’équipement chez chaque membre de l’équipe pour qu’ils soient bien installés à la maison, l’associé de Gimmick affirme que le feeling était anxiogène et triste. « On rationalisait en se disant que le motion design est une super alternative au shoot live action et qu’on pouvait être fonctionnel à distance, mais au fond c’était une situation un peu inconnue dont on avait de la difficulté à voir toutes les ramifications », se remémore-t-il.   

Moteur de créativité

Travaillant sur d’importants comptes reliés à l’événementiel et aux secteurs de l’automobile et du tourisme (notamment l’IRONMAN Mont-Tremblant, le groupe Dilawri et Tourisme Mont-Tremblant), la crise sanitaire a eu des répercussions sur la charge de travail des 7 secteurs de l’agence. Avec le ralentissement de ses activités économiques, Rouge a rapidement mis en place des mesures pour assurer la pérennité de chaque poste. « Toute l’équipe s’est vraiment tenu les coudes et a fait preuve d’une solidarité peu commune, mentionne Dominique. Certains ont vu leur horaire hebdomadaire restreint à 30 heures, d’autres ont été mis en chômage temporaire. Mais tout le monde est demeuré présent pour passer à travers le défi que l’on s’apprêtait à relever. Nous avons pu assurer toutes les demandes de nos clients, sans compromettre la survie de l’agence. Nous avons été prudents et aujourd’hui, une grande majorité de l’équipe est de retour au travail. Les 6 employés encore en chômage temporaire seront de retour d’ici le mois de septembre. »

L’agence a d’ailleurs tiré son épingle du jeu en diversifiant ses activités. Dominique a rallié ses troupes dans le projet solidaire Chefs à la Rescousse, une initiative bénévole lancée par le chef Sébastien Houle visant à regrouper les entrepreneurs de la région des Laurentides afin d’offrir des plats préparés aux plus démunis. En équipe, Rouge a réalisé l’image de marque, le site web, la plateforme de dons, les médias sociaux ainsi que toutes les communications entourant le projet. Aujourd’hui, Chefs à la Rescousse a cuisiné et livré plus de 7 000 plats.

La santé psychologique

Trois mois après le début de la crise, le plus grand défi selon François demeure la santé psychologique en mode confinement et de réussir à prendre le pouls de l’équipe à distance. « C’est difficile de totalement décrocher quand l’ordinateur est à 8 pas de distance en tout temps. Pour quasiment tout le monde dans la team, le motion design est une passion, mais il faut apprendre à ne pas juste faire ça. Se changer les idées, penser à autre chose, voir des amis au parc… Mais dans un contexte de télétravail, c’est parfois ardu. On travaille là-dessus jusqu’à la réouverture totale de nos bureaux », promet-il. 

Afin de remédier à la solitude vécue par certains employés, les appels en vidéoconférence sont devenus quotidiens chez Rouge. Une rencontre hebdomadaire a été instaurée chaque lundi pour que tout le monde puisse partager ses aspirations, ses objectifs et son planning de la semaine. Puisque chacun pouvait gérer son horaire comme il l’entend, les familles ont pu planifier leur organisation en conséquence. « Lors de l’annonce du confinement, j’arrivais à la fin de mon congé de maternité. Les mesures mises en place en France et la fermeture des frontières ont rendu l’expatriation très anxiogène. Être loin de ma famille, de mes amis et de mes collègues a été une réelle épreuve psychologique, mentionne Catherine Beaumier Lacroix, directrice de relations publiques. À Paris, la situation n’avait pas la même ampleur qu’au Québec et les cas étaient très nombreux. Mon conjoint a lui-même été malade. Le stress était donc énorme, car je me sentais face à l’inconnu tout en apprivoisant une manière de faire très différente de celle à laquelle j’étais habituée. Pouvoir parler régulièrement avec le reste de l’équipe s’est avéré un moteur très positif. Ça m’a réellement aidé à surmonter la situation ».

Laprès-COVID

Gimmick n’a pas perdu du poil de la bête. « On semble être en meilleure position maintenant que la crise semble être derrière nous, car pour une raison qu’on ne s’explique pas, nos efforts des dernières années pour percer le marché international semble avoir débloqués une bonne fois pour toute et on continue à avoir de super bons clients ici aussi », révèle François

Malgré le confinement, Rouge a également remporté différents mandats, dont Renault, Zity, TripBikeCafé et Oriso.

« On a réalisé plein de choses dont le fait que notre bureau était pas mal grand et cher pour quelque chose dont on ne se sert pas du tout, que personne n’avait branché le hoverboard avant de partir en télétravail, que ça coûtait moins cher en café, vins, barres tendres et autres épiceries Costco, cogite François. Malgré tout, il nous manquait un quartier général où on peut tous être ensemble et on s’ennuie beaucoup de ça. Face à l’incertitude et l’inconnu, on s’est dit qu’on allait foncer et continuer à travailler fort et bien et qu’éventuellement ça se placerait. Les signaux semblent montrer que c’était la bonne chose à faire, mais il y a une grosse part de chance dans tout cela. On verra bien pour la suite », termine-t-il.