«KOI de 9 CHEZ LES JEUNES» - PAR VIRUS1334.COM Blogue sur le marketing jeunesse

Les publicitaires, autant que les annonceurs, commencent à réaliser que la plupart des campagnes de sensibilisation des jeunes aux dangers de la consommation de drogue, tabac et alcool n’ont pas eu les résultats escomptés. Il est temps de faire le bilan sur les moyens utilisés pour sensibiliser nos jeunes, en tirer des enseignements et proposer une nouvelle démarche pour les atteindre avec nos messages de mise en garde.

On peut être séduit en tant qu’annonceur et moralisateur à vouloir montrer la réalité, montrer la vie des proches après un accident, une vie gâchée parce qu’on ne pourra plus marcher, un avenir brisé dû à une jeunesse trop décadente... mais cette dramatisation entraîne bien souvent l’effet inverse: convoitise, fascination et attirance des jeunes envers ce type de produits.

Rendons-nous à l’évidence, l’axe de communication «peur» ne marche pas à 100% et pas pour tous les jeunes. Il faut donc passer à autre chose et innover. Mais, quel angle utiliser? La mort est trop loin des jeunes, il faut se mettre au niveau de leur anxiété. Qu’est-ce qui les touche dans leur vie de tous les jours? À quoi nos jeunes sont-ils sensibles?

Tout d’abord, il est important de considérer l’intelligence de notre cible et prendre garde à ne pas la sous-estimer, aussi jeune soit-elle. Mais encore aujourd’hui, on cherche à montrer les conséquences directes de la prise de drogues, de la conduite en état d’ébriété et la conséquence des ces comportements irresponsables la plus couramment transmise est la mort. Ce qui, on s’entend, est la chose qui nous préoccupe le plus en tant que parents, adultes... mais le jeune, lui, n’y croit pas.

La théorie de la dissonance cognitive, théorie développée par Léon Festinger en 1956 et utilisée depuis par de nombreux sociologues et spécialistes en marketing, nous permet de comprendre pourquoi les jeunes sont peu touchés par nos messages moralisateurs choquants.

L’émotion est un facteur très important dans le processus de sensibilisation actuel. De nombreuses campagnes tentent de sensibiliser en montrant des images choc, comme les poumons morts sur les paquets de cigarettes, un accident de voiture qui se termine par la mort du conducteur et de ses passagers... L’image est tellement violente que la cible préfère faire abstraction de cette image afin de se préserver et se dit que: «ce genre de choses n’arrive qu’aux autres», c’est ce qu’on appelle la dissonance cognitive. Les jeunes ont l’image d’eux-mêmes du consommateur idéal: récréatif et occasionnel maîtrisant leurs consommations tout en étant responsable de leurs choix. La dissonance cognitive est un processus naturel et humain; l’image est tellement choquante et tellement éloignée de sa réalité que pour se rassurer, le jeune se dit que ça ne peut pas lui arriver et évite le message comme nous les adultes, évitons parfois d’affronter la réalité. Et quels sont les moyens les plus utilisés aujourd’hui? Des campagnes d’affichages, distribution de brochures, spots publicitaires... une portée bien faible si l’on a saisi le concept de dissonance cognitive, car le sujet ne va pas y prêter attention et y faire abstraction très facilement.

Revenons maintenant sur le problème de la distance entre la cible et le message. En effet les méthodes dites «distantes» comme la campagne d’affichage permettent aux jeunes de faire abstraction du message assez aisément. Les campagnes de grandes envergures devraient être supportées localement, près des jeunes, en véhiculant un message adapté à cette cible afin de mieux capter leur attention et développer de manière efficace les préventions en milieu scolaire sur les drogues et leurs usages.

A contrario, il est envisageable d’utiliser le choc si l’on est en contact direct avec la personne car une vraie discussion s’installe et un échange est alors possible: le jeune aura plus de difficultés à se protéger et à éviter le message. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faille utiliser les images et les faits les plus choquants pour réaliser notre mission sous prétexte qu'il est proche de nous et qu'il faut profiter de cet instant pour tout dévoiler, mais c’est un début vers un véritable échange et une prise de conscience. Pourquoi ne pas faire venir témoigner, lors d’une séance de prévention, un jeune ayant vécu une expérience difficile avec l’alcool ou les drogues et qui aimerait les partager avec d’autres jeunes non conscients de ce qui pourrait leur arriver? Les jeunes ont besoin de témoignages impliquant directement leur groupe social pour intégrer la réalité des choses.

De plus, beaucoup de campagnes livrent comme message «N’y touche plus, c’est trop dangereux», mais il faut se rendre à l’évidence que la communauté des jeunes consommera toujours les produits que nous tentons de bannir de leur quotidien. Pourquoi ne pas envisager d’utiliser un axe tel que «Limite ta consommation à quelques occasions et quand tu le fais, évite l’excès». On peut comparer l’évolution des comportements à celui d’un pays en développement: on ne peut pas bouleverser les habitudes de vie, la technologie d’un pays en quelques mois; non le changement s’opère doucement sur plusieurs années. Un plan de communication de prévention évolutif qui verrait son message principal s’adapter à l’évolution des comportements serait une solution pour faire adopter au fur et à mesure des conduites plus saines et responsables à nos jeunes.

Un autre axe de travail serait de trouver un angle de communication qui touche plus les jeunes que celui de la mise en garde directe et rébarbative, et penser à adopter un angle décalé qui permettrait de mieux capter leur attention.

Selon Peretti-Watel (sociologue spécialisé dans la recherche sur les consommations de drogues chez les jeunes): «Avant les premières consommations, la toxicité et la dangerosité des produits est largement reconnue par les jeunes adolescents». Il est donc plus facile d’interpeller les jeunes lorsqu’ils sont novices. Pourtant, la plupart des campagnes vise les jeunes ayant déjà commencé à consommer drogues, tabac et alcool. Pourquoi attendre et ne pas démarrer avant, et les sensibiliser à un problème auquel ils seront confrontés quelques années plus tard? Notamment au primaire, les enfants seront alors plus ouverts et plus sensibles à la parole des adultes plutôt qu’un jeune en pleine crise d’adolescence.

Pour illustrer nos propos, nous pourrions comparer le processus de sensibilisation des jeunes aux dangers des drogues à celui utilisé pour sensibiliser les jeunes à l’environnement. J’ai vécu l’expérience avec une petite fille de 6 ans me faisant une leçon de morale sur l’écologie parce qu’elle avait vu un message à caractère environnemental sur une serviette en papier distribuée dans un restaurant. Ce message tentait de la sensibiliser en parlant de ce qui la touche beaucoup; le bien-être des animaux et l’impact de nos comportements sur leur quotidien. Les enfants sont souvent plus sensibles que les adultes à l’écologie; on leur en parle beaucoup et cela les touche. Pourquoi ne pas faire pareil pour les drogues et alcool en expliquant de manière douce via des sujets qui les touchent pendant les heures de classe ou lors de sorties éducatives?

Finalement, on réalise que plusieurs façons de sensibiliser les jeunes restent à étudier et à tester. Nos jeunes sont perspicaces, sensibles et réceptifs; il est donc possible de les atteindre. Ils sont également complexes, ce qui implique l’utilisation de stratégies de sensibilisation plus subtiles que celles opérées la plupart du temps. Tout comme l’apprentissage d’une langue étrangère, la sensibilisation peut s’opérer dès le plus jeune âge. Gardons à l’esprit le concept de dissonance cognitive afin d’analyser si oui ou non notre campagne sera efficace et utilisons au maximum la proximité pour mieux communiquer avec nos jeunes.

Collaboration de: Cyrielle Valade, chargée de projet, Stratégie de contamination, Virus1334