On va s’le dire : les temps sont durs. Et dans ces périodes-là, quoi de mieux qu’une bonne joke pour détendre l’atmosphère ? Pas étonnant que l’humour ait fait un grand retour en publicité. En 2024 à Cannes, 13 nouvelles catégories ont récompensé l’usage de l’humour. Et ce n’est pas juste une tendance créative : c’est un choix stratégique.
Selon une étude d’Oracle relayée par Forbes, 90 % des gens sont plus susceptibles de se souvenir d’une publicité si elle est drôle. Et près d’une personne sur deux affirme ne ressentir aucun lien avec une marque qui ne la fait pas sourire.
Bref, l’humour vend. Et ça tombe bien, parce qu’ici, on est bons là-dedans.
Au Québec, l’humour est profondément ancré dans l’identité collective et les valeurs sociales. Il nous sert d’outil de dédramatisation dans les moments difficiles, mais aussi de miroir critique, de vecteur d’expression et d’acteur économique majeur. Les Québécois·es – plein d’études le démontrent – aiment rire. Après tout, on est de grands hédonistes, dixit le fameux Code Québec, les sept différences qui font de nous un peuple unique au monde. L’avenir, c’est bien. Mais profiter de l’instant présent, c’est mieux – surtout quand on ne sait pas trop ce qui nous attend.
L’humour est donc omniprésent : dans nos soupers de famille, nos cinémas, nos salles de spectacle et, bien sûr, dans nos pubs. On en produit plus que partout ailleurs au pays. Entre nos écoles d’humour, nos festivals et notre obsession nationale pour les one-man shows, le Québec est un véritable vivier de talents comiques. Faire rire n’est pas juste un passe-temps : c’est une manière de connecter, de se faire aimer.
Certaines marques l’ont compris mieux que d’autres. Parmi les cas les plus probants : Maxi.
Le cas de Maxi
En 2016, la bannière bleu et jaune se classait au 113e rang sur 14 dans le palmarès des épiceries au Québec.
« Malgré nos prix avantageux, les gens n’étaient pas attirés par la bannière et avaient une perception peu reluisante de la marque », admet Annie Vanier, directrice, marketing de marque chez Maxi.
C’était juste avant la relance – une transformation qui a tout changé.
« On devait réussir un coup de circuit. Avec un budget inférieur à celui de nos concurrents, il fallait faire quelque chose de mémorable. Quelque chose qui aurait un impact assez fort pour créer une vraie connexion avec les consommateurs, » explique Annie Vanier.
La réponse ? L’humour – et un porte-parole capable de décupler la portée des campagnes : Martin Matte.

Crédit photo : Luc Robitaille
Pour Marc Guilbault, associé et directeur de création chez LG2, toutes les conditions étaient réunies : « L’humour a cette capacité de marquer les esprits et on avait besoin d’un visage pour porter le message. Quelqu’un d’assez inattendu pour surprendre les Québécois·es. »

Crédit photo : Alexi Hobbs
Martin Matte cochait toutes les cases. Fraîchement libéré de son contrat de dix ans avec Honda, il incarnait à la fois la rigueur, la fierté et l’arrogance sympathique. C’était littéralement l’antithèse de l’image que les gens se faisaient de Maxi. Et ça fonctionnait. Dans ses mots et son ton, il donnait à Maxi une nouvelle voix – celle d’une épicerie intelligente portée par un gars qui se trouve intelligent.
Dès sa première ligne, le ton était donné : « C’est pas parce que quelqu’un a un QI plus élevé que la moyenne qu’il aime ça payer plus cher. »
Cette ligne et toutes celles qui ont suivi ont permis d’imposer un style distinct, drôle, assumé. Une rupture franche avec le passé.
Et ça a marché. Maxi est devenue cool.
Ce partenariat avec Martin Matte, appuyé par une série de campagnes brillamment signées LG2, a complètement redéfini l’image de la marque. Aujourd’hui, Maxi est non seulement l’épicerie la mieux réputée auprès des Québécois·es, mais aussi l’une des marques les plus admirées de la province, se classant année après année dans le top 20 de l’étude Réputation menée par Léger.
Les résultats parlent d’eux-mêmes :
- Une position de tête sur les indicateurs d’appréciation et de santé de marque depuis plusieurs années ;
- Des résultats publicitaires constamment au-dessus des moyennes de l’industrie en termes de mémorabilité et de reconnaissance du message ;
- Une explosion du nombre de transactions et une croissance du réseau de magasins de plus de 80 % depuis la relance.
Plus qu’une victoire marketing, c’est une victoire d’affaires.
Ce que ça prend pour faire rire
Mais être drôle, ça ne s’improvise pas. Derrière les campagnes qui nous font éclater de rire, il y a une mécanique bien rodée, et surtout, une série de conditions gagnantes.
D’abord, il faut surprendre. Ce n’est jamais une recette qu’on répète. « Le mandat, c’est de faire passer un message – souvent, la qualité à bas prix – mais toujours de façon nouvelle, inattendue », explique Marc Guilbault, associé et directeur de création chez LG2.
Ensuite, il faut un village. Une vraie collaboration client-agence, avec une confiance totale à tous les niveaux.
Et il y a Martin Matte. Il donne son avis, peaufine les textes, suggère des modifications. Avec son expertise en humour et son talent, « il est comme un directeur de création supplémentaire à convaincre », raconte Marc.
Un humour qui connecte, même entre marques
Au-delà de vendre, l’humour a ce rare pouvoir de rassembler. Pour Maxi, tout a commencé avec la publication du fameux clavier brisé. Spontanément, plusieurs autres marques québécoises se sont jointes à la conversation. En pleine pandémie, ce fut le début d’un mouvement de solidarité marketing bien senti – et bien accueilli.

Depuis, c’est un peu devenu une signature. Avec des campagnes comme Vérité ou conséquence, où Maxi taguait d’autres marques, ou Martin Coquin, qui a été reprise par plus de 200 marques, de la Sûreté du Québec à l’Aéroport de Montréal. Chaque fois, l’effet est tangible : c’est tout l’écosystème d’ici qui brille.
« C’est bien d’être proche des autres marques québécoises, dit Annie Vanier. D’amplifier le mouvement, de donner un coup de pouce à tout le monde. Je pense qu’avant tout, les gens aiment voir leurs marques chouchous collaborer. » Marc ajoute : « C’est aussi ça, être un bon citoyen corporatif. »
Et à une époque qui manque cruellement de connexions humaines, ces campagnes font du bien. Elles nous rappellent que l’humour n’est pas qu’un outil de communication : c’est un pont. Entre une marque et ses clients. Entre un humoriste et un message. Et, parfois, entre des dizaines de marques qui, en riant ensemble, nous rappellent qu’il y a encore des raisons de sourire, même quand les temps sont durs.