Une débarque de Google Gemini aux JO
Google
a retiré une publicité aux Jeux olympiques de Paris 2024 après une vague d’indignation concernant la promotion de l’intelligence artificielle (IA) au détriment de la créativité humaine. Intitulé « Dear Sydney », le spot raconte l’histoire d’un père faisant appel à Gemini pour aider sa fille, une athlète en herbe, à écrire une lettre à sa sportive préférée, Sydney McLaughlin-Levrone, athlète olympique américaine. Si Google soutient que Gemini est conçu pour stimuler la créativité des utilisateur·rices, sur les réseaux sociaux, beaucoup ont dénoncé une dépendance excessive à la technologie, mettant en lumière les préoccupations croissantes autour de l’utilisation de l’IA dans les espaces créatifs. Google a réagi en affirmant que l’intelligence artificielle ne remplacera jamais la créativité humaine, mais se veut un outil pour l’améliorer.

Un avenir « monoculturel » ?
Anthony Ha, rédacteur en chef de TechCrunch, n’a pas mâché ses mots en critiquant la publicité : « Difficile d’imaginer une méthode d’inspiration moins sincère que de demander à une IA de dire à quelqu’un à quel point il est inspirant ». Pour Shelly Palmer, professeur de médias avancés de l’Université de Syracuse, ce genre d’initiatives pourrait mener à un futur « monoculturel », où les pensées humaines originales se font de plus en plus rares. Rejetant « catégoriquement l’avenir que Google promeut », il écrit dans un billet de blog : « Je veux vivre dans un monde culturellement diversifié où des milliards d’individus utilisent l’IA pour amplifier leurs compétences humaines, et non dans un monde où nous sommes utilisés par des IA prétendant être humaines ».

Fait intéressant, Palmer termine son billet en précisant que celui-ci a été rédigé avec l’aide de divers outils d’IA générative. Selon lui, il est essentiel d’être transparent sur ce point et de bien différencier l’usage de l’IA pour amplifier ou accélérer certaines tâches spécifiques, de celui consistant à laisser l’IA produire un travail à notre place, une pratique qu’il n’envisagerait jamais.

Cette controverse entourant la publicité souligne un débat récurrent : l’intelligence artificielle doit-elle être perçue comme un outil d’amélioration de la créativité ou comme une menace pour les emplois humains ?

Les rédacteur·rices en première ligne
Les avis sur l’utilisation de l’IA dans la création de contenu sont partagés. D’un côté, certain·es voient en l’IA un moyen d’amplifier la créativité humaine, de rendre le travail plus efficace et d’innover. De l’autre, il y a ceux·celles qui craignent que l’IA ne dénature le processus créatif et ne supprime des emplois. La peur de perdre son travail au profit de l’IA a déjà conduit à des grèves, notamment dans l’industrie cinématographique — on se souviendra de la grève de scénaristes et acteur·rices qui a paralysé Hollywood.

L’exemple de Benjamin Miller (nom fictif), un rédacteur qui a vu son travail évoluer avec l’introduction de l’IA, est révélateur des transformations en cours, rapporte BBC. Alors qu’il dirigeait une équipe de rédacteur·rices, son entreprise a progressivement intégré l’IA pour générer des articles, réduisant le rôle des rédacteur·rices humain·es à des tâches de révision. En quelques mois, la majorité de son équipe a été licenciée, laissant Miller seul pour « humaniser » les textes produits par l’IA. Ouch.

Vers un avenir de collaboration humain-IA
Malgré les préoccupations, certains voient un avenir où l’IA et les humains collaborent de manière harmonieuse. Selon eux·elles, ceux·celles qui sauront s’adapter à cette nouvelle réalité, en apprenant à tirer parti des outils d’IA, seront en mesure de prospérer. C’est le cas de Rebecca Dugas, rédactrice chevronnée, qui a indiqué à BBC qu’elle utilisait l’IA pour accélérer son processus de travail et améliorer la qualité de son contenu. Elle admet cependant que certains clients préfèrent toujours des projets sans intervention de l’IA, prêts à payer plus cher pour un contenu 100 % humain. Récemment, la pro de la rédaction persuasive, Alexandra Martel, affirmait dans une publication Linkedin : « Sauf ce que les gens oublient, c’est qu’il y a des pros qui utilisent l’IA… et ces gens-là (qui maîtrisent déjà la rédaction) sont capables d’obtenir des résultats bluffants avec un outil comme ChatGPT. Ils utilisent ChatGPT, mais ils ne le crient pas sur tous les toits. Ils insèrent l’IA dans leur processus d’écriture, et ça passe incognito. Si tu fais du bon travail, tu ne vas pas être remplacé·e par l’IA. Tu vas être dépassé·e par tes pairs qui utilisent l’IA ».

Offrant un potentiel immense pour révolutionner la création de contenu, l’IA soulève aussi des questions éthiques et pratiques. La polémique autour de la publicité de Google reflète une inquiétude croissante : la technologie peut-elle vraiment remplacer la créativité humaine, ou risque-t-elle de l’étouffer ? À mesure que l’IA devient plus performante, la question reste ouverte : comment l’intégrer de manière éthique et productive sans sacrifier la richesse et la diversité des idées humaines ?

Saviez-vous que…

  • 50 % des consommateur·rices peuvent repérer le contenu généré par l’IA
  • Les millennials ont été les plus efficaces pour repérer le contenu non humain, correspondant à l’âge des consommateur·rices les plus susceptibles d’utiliser l’IA lors de la création de contenu
  • Face à deux articles (sans qu’on leur dise lequel était lequel), 56 % des participant·es ont déclaré qu’il·elles préféraient la version IA à l’article rédigé par un humain
  • Les 16 à 24 ans étaient la seule tranche d’âge à trouver le contenu créé par un humain plus engageant que la version générée par l’IA. Parmi ceux·ceux de cette tranche d’âge qui avaient une préférence, 55 % ont voté pour l’article rédigé par un humain comme étant le plus engageant.
  • Pour les textes sur les réseaux sociaux qui semblent être générés par l’IA, 25 % des consommateur·rices estimeraient qu’une marque est impersonnelle, 20 % qu’elle n’est pas digne de confiance, 20 % qu’elle est paresseuse et 19 % qu’elle manque de créativité

Source : Étude Bynder

gemini