Obscurs et complexes, les rouages de la documentation juridique? Bien sûr que si. Lire et relire maintes fois la même phrase sans la comprendre peut donner un sacré mal de crâne… Pourquoi compliquer lorsqu’on peut simplifier? Discutons avec Geneviève Fortin, cofondatrice de l’agence En Clair, qui s’engage à rendre le droit plus accessible à tou·tes.

Simplifier le droit
Un peu de backstory. Ayant à cœur l’application des principes de langage clair dans l’âme, Geneviève Fortin a cofondé l’organisme Éducaloi, qui a pour but de vulgariser le droit et développer les compétences des Québécois·es. C’est ici qu’elle fait la rencontre de ses futur·es associé·es et acolytes, Stéphanie Roy et Clément Camion. Ensemble, il·elles font leurs classes en vulgarisation juridique. C’est aux alentours de 2012 que le duo Roy-Fortin assiste à un colloque à Stockholm, en Suède, où des agences du monde entier travaillent de concert avec des organisations pour simplifier leurs documents. Au terme de ce colloque, une idée germe dans l’esprit de nos avocates. The rest is history. «En tant qu’avocat·es, nous avons des parcours atypiques et des idéaux sociaux qui nous amènent à envisager le droit différemment, énonce Geneviève. Il y a moyen de faire des documents juridiques simples et compréhensibles pour les citoyen·nes.» La mission première de l’agence, fondée en 2016, est d’humaniser la documentation, et le second objectif est de repenser la prestation juridique, parce que «ce n’est pas vrai que le droit est obligé d’être compliqué», maintient-elle.

genevieveGeneviève Fortin

Quand le «design thinking» s’applique au droit
Le «design thinking» est une approche centrée sur l’humain, visant à résoudre les problèmes de manière créative et innovante en mettant l’emphase sur l’empathie et la collaboration. Lorsque cette méthode est appliquée au domaine juridique, elle prend la forme du «legal design», une pratique que En Clair adopte pleinement. À l’agence, les documents de ses clients sont réexaminés pour les rendre plus humains, centrés sur l’utilisateur·rice, et ce, dans le but de mieux répondre à ses besoins. «Les organisations doivent désormais repenser leurs contrats pour les rendre pertinents dans un contexte numérique et de les adapter aux besoins des utilisateur·rices qui les consultent sur un écran, souvent sans la présence humaine pour expliquer les termes», évoque Geneviève.

Combinant savamment le droit, la communication, le design UX et le design d’information, En Clair accompagne des organisations de tous azimuts pour rendre leurs processus et leur documentation moins complexes. Parce que la complexité peut s’infiltrer dans différents secteurs, tels que les organismes publics, les ordres professionnels, les cabinets d’avocat·es, et entraîner divers problèmes et coûts significatifs, tels que des erreurs et des plaintes découlant de contenus ou de processus mal compris, ainsi qu’une perte de productivité interne. Geneviève ajoute qu’il existe une multitude de situations mettant en jeu la vulnérabilité. Par exemple, lorsqu’une équipe médicale nous fait signer des documents à l’hôpital pour se dégager de responsabilités, ou lorsqu’une personne âgée doit signer un bail. «On doit comprendre ce qu’on signe, ça doit être clair comme de l’eau de roche, affirme-t-elle. Souvent, les documents sont rédigés dans le but de protéger l’entreprise ou l’employeur. Mais il y a un autre aspect à considérer: il est important que les gens sentent qu’il y a de l’empathie, que leurs besoins en matière d’information sont compris et que tout est communiqué de manière rigoureuse et transparente.»

Un exemple concret de l’application du «legal design» est la simplification des processus d’ouverture de compte dans les institutions financières. Ouvrir un compte, bébé fafa. Pas si vite ! «C’est fascinant de constater la multitude de personnes, de documents, d’étapes et de systèmes qui interviennent pour ouvrir un compte», note Geneviève. En travaillant en étroite collaboration avec des expert·es comme En Clair, les institutions financières peuvent simplifier les processus en réduisant le nombre de documents requis et en utilisant un langage clair et simple. Cela rend l’expérience d’ouverture d’un compte plus fluide et moins intimidante pour les client·es, en plus de rendre l’expérience au sein des organisations moins compliquée. (Vous seriez étonné·es de constater à quel point il est fréquent que les clients ne comprennent pas leurs propres documents et s’y perdent !)

Exit le jargon juridique
Depuis ses débuts, En Clair s’est principalement concentré sur les secteurs financiers et de l’assurance, mais son expertise s’étend pour une variété d’autres organisations. La société dans son ensemble bénéficierait de mieux comprendre les documents, que ce soit en matière de renseignements personnels, de logement ou de santé. «En tant que citoyen·nes, nous avons tou·tes intérêt à comprendre ce que nous signons. De nos jours, les entreprises cherchent de plus en plus à jouer un rôle responsable en tant que citoyen·nes corporatif·ves, ce qui, à mon avis, ouvre de nouvelles perspectives pour le design juridique.» Trop souvent, estime Geneviève, les avocat·es sont vu·es comme ceux·celles qui posent des blocages. «Lorsqu’il·elles participent à un projet de “legal design” avec nous, il·elles font réellement partie de l’équipe projet. Leur contribution devient alors beaucoup plus positive, et il·elles interviennent au même titre que tous les autres acteurs. Il·elles ne se contentent pas d’intervenir en fin de projet valider ou critiquer ce qui a été fait par d’autres, mais il·elles sont intégré·es dès le départ. Cela transforme vraiment la prestation de service.»

Convaincue que le droit est une ressource accessible à tou·tes, l’équipe dévouée de En Clair transforme la manière dont on perçoit et utilise le droit. Nul besoin de se noyer dans un océan de jargon juridique : le «legal design» ouvre la voie à une communication transparente et compréhensible. Ça commence ici.