Tokénomie. Ne vous méprenez pas, il ne s’agit pas d’un nouveau Pokémon rose, mais bien d’un terme lié au Web3! Si ce concept méconnu par Microsoft Word vous étourdit déjà et vous donne la migraine… Pas de panique: on est ici pour décortiquer tout ça afin que personne ne rate le bateau. Car l’univers du Web3 évolue très rapidement et bouleverse plusieurs secteurs en ouvrant la porte à de nouveaux modèles d’affaires. Pour répondre aux questions de base (qu’est-ce que c’est la tokénomie et à quoi ça sert?), deux spécialistes de Zenika, ainsi qu’une experte du Web3 de Cossette ont gentiment accepté notre invitation et vont démêler tous les termes pour qu’à la fin de cet article, tout le monde soit en mesure de plugger avec aisance des mots comme tokénomie et blockchain dans un prochain 5 à 7.

Le Web3: le web du futur
Depuis quelques années, on remarque que la façon dont les gens communiquent, s’expriment et effectuent des achats a radicalement évolué. Et force est d’admettre que le Web3 se présente dans cette évolution comme l’histoire en trame de fond. Mais pour arriver au Web3, il a d’abord fallu qu’on passe par le Web et le Web2. Le Web étant l’internet tel qu’on le connaît, le Web2 est pour sa part marqué par l'apparition d’une nouvelle possibilité, soit celle de pouvoir communiquer en tout temps, sur plusieurs canaux avec les gens (réseaux sociaux, messageries en ligne, partage de contenu). Ce que l’on désigne comme Web3 est tout nouveau dans le monde numérique et est apparu au début des années 2010: il s’agit d’un espace numérique participatif où les individus ne dépendent plus d’instances quelconques (banques, gouvernements, entreprises, etc.) et peuvent ainsi partager du contenu et acquérir des biens tout en connaissant leur provenance. L’analyste en sciences des données chez Cossette, Rama Sow, explique que cette dernière particularité a répondu à de nouvelles attentes, qui ont été amplifiées durant la pandémie: «Le Web3 a connu un très grand essor pendant cette période en réponse aux besoins de connexion et de confiance entre les consommateur·rices et les institutions à l’échelle mondiale. Les technologies du Web3 ont alors été considérées comme des investissements valables puisqu’elles étaient axées sur l’individu et l’ownership (la propriété).» Même si l’on associe principalement le métavers au Web3, il y a beaucoup d’autres avenues offertes par cette révolution numérique, ajoutent le consultant Blockchain et leader de la pratique Web3 chez Zenika, Jérémy Molla, et sa collègue gestionnaire de projet Web3 & Scrum Master, Zoé Niquel. «Les marques peuvent tirer profit de la transparence et de la sécurité qu’offrent les technologies Blockchain et de tokénisation. Ces technologies ont le potentiel de s’intégrer à la majorité des secteurs d’activités, mais pour l’instant, il s’agit encore d’un secteur très innovant qui bouge rapidement. Ce n’est cependant pas une raison pour ne pas s’y intéresser. Au contraire!»

web3Rama Sow, Jérémy Molla et Zoé Niquel

Tokénomie et jetons… Crypto et blockchain… Qu’est-ce qui est quoi?
Ne cherchez pas dans le dictionnaire, plusieurs d’entre eux ne connaissent pas le mot tokénisation. Par chance, Rama Sow a une définition toute simple pour nous : « La tokénisation est le processus de conversion d’un actif ou d’un droit en une unité numérique appelée « jeton » (ou « token ») sur une chaîne de blocs (blockchain). Ça commence déjà à être compliqué, définissons quelques mots. » (Merci)

  1. Actif : Un actif désigne un bien ou une ressource de valeur. Dans le contexte de la tokénisation, il peut s’agir de divers types d’actifs tels que de l’argent, des biens immobiliers, des actions et des œuvres d’art.
  2. Jeton (ou token) : Un jeton est une unité numérique représentant la propriété d’un actif ou d’un droit. Il peut être échangé ou transféré sur une chaîne de blocs (blockchain) et contient des informations spécifiques, telles que l’identifiant de l’actif qu’il représente.
  3. Chaîne de blocs (blockchain) : Une chaîne de blocs est une technologie qui enregistre les transactions de manière transparente, sécurisée et immuable. Elle est composée de blocs de données liés les uns aux autres. Chaque bloc contient un ensemble de transactions vérifiées et est ajouté à la chaîne de blocs à travers un processus de consensus.

«Concrètement, cela signifie qu’un actif réel comme de l’argent, de l’immobilier, des actions et de l’art est représenté sous forme numérique par un jeton sur une chaîne de blocs. Chaque jeton est unique, traçable et vérifiable, et sa possession représente la propriété de l’actif. » Ainsi, de la cryptomonnaie est née toute une économie numérique qui s’appuie sur la technologie de la Blockchain. Jérémy Molla et Zoé Niquel précisent d’ailleurs que «grâce à la technologie Blockchain, tout est potentiellement tokénisable. On tokénise par exemple des dollars en USDC (ce qu’on appelle un stablecoin) afin de pouvoir les échanger sur la Blockchain, mais c’est loin d’être le seul usage à la disposition des internautes. Déjà, il faut prendre en compte qu’il existe deux types de jetons pour mieux comprendre tout ce qui a trait aux tokens et à la tokénisation.» (Oui, quelles sont ces différences?)

  • Les jetons fongibles, qui sont interchangeables entre eux, car strictement identiques. Par exemple, l’USDC est un jeton fongible (un jeton USDC a exactement la même valeur qu’un autre jeton USDC), au même titre que le dollar ou l’euro.
  • Les jetons non fongibles (Non Fungible Tokens NFT) représentent la preuve de propriété d’un bien. Ils sont dits “non fongibles”, car ils sont chacun uniques et identifiables via un identifiant sur la Blockchain. Sur le plan technique, il s’agit en quelque sorte d’un certificat d’authenticité décentralisé.

Le NFT, un bel exemple des possibilités de la tokénisation
Pour récapituler, il faut comprendre que l’apparition de ces technologies a offert de nouvelles opportunités en matière d’économie numérique. Les spécialistes de Zenika expliquent que les NFT sont en quelque sorte une de ces évolutions (encore une fois, on ne parle pas de Pokémon!). «Prenons l’exemple des NFT, qui permettent de tokéniser une œuvre d’art (réelle ou virtuelle) afin d’en faire un actif numérique librement échangeable sur la Blockchain. C’est un changement fondamental du modèle, car ce NFT (et donc le bien sous-jacent) possède des ”super pouvoirs”, hérités de la Blockchain. Un exemple concret sera plus parlant: imaginez que votre voiture soit associée à un NFT, via un identifiant unique (son NIV, par exemple). Ce NFT pourrait transporter tout l’historique du véhicule (accidents, réparations, changements de propriétaire, vols, etc.), ce qui en fait une sorte de Carfax décentralisé, accessible à tous et gratuit. Ce NFT servirait ainsi à sécuriser les ventes, en renforçant la confiance, notamment entre les particuliers. Retenons cependant que la Blockchain ne fait que fournir des capacités - des “super pouvoirs” - à l’usage de ces applications (comme les NFT) : décentralisation, transparence, ouverture à tous, résistance à la censure, données inaltérables.»

Quels sont les avantages d’une économie de jetons?
Même si les économies de jetons représentent des défis et des risques, tels que la volatilité des prix et la réglementation des actifs numériques, il reste qu’elles ont un potentiel intéressant pour l’avenir, souligne Rama Sow. «C’est en soi une forme d’économie parallèle et nichée qui utilise des jetons numériques pour échanger des actifs. Ses avantages incluent la facilité de transfert d’actifs, la réduction des frais de transaction, l’automatisation des processus, la transparence et la traçabilité des transactions, ainsi que la possibilité de créer de nouveaux modèles d’affaires basés sur les jetons. Elle permet également l’engagement des utilisateurs et des communautés grâce à des incitations économiques et à la création de réseaux décentralisés. Il existe des plateformes où les utilisateurs peuvent acheter, vendre ou échanger des jetons. Ces plateformes facilitent la négociation des jetons et permettent aux utilisateur·rices d’accéder à différents marchés.» Alors… Quand devons-nous parler de tokénomie? «En fait, on peut parler de tokénomie à deux niveaux, répondent Zoé Niquel et son collègue. Soit au niveau d’une blockchain, soit au niveau d’une application (dApp). Comme la tokénomie sous-tend un projet, un objectif, lorsqu’elle s’applique à une dApp, elle comporte trois volets:

  1. Sa politique monétaire, c’est-à-dire la façon dont ces jetons sont créés, détruits et distribués à la communauté d’utilisateur·rices.
  2. L’utilité des jetons. Un jeton peut avoir une utilité différente selon le projet qu’il soutient.
  3. La gouvernance: c’est l’ensemble des règles qui définissent comment la communauté s’autorégule.

Il faut comprendre que tous les secteurs peuvent être potentiellement disruptés par des acteurs proposant des services innovants, sous forme de dApp. Les acteurs traditionnels ont donc tout intérêt à s’intéresser à cette technologie, faute de quoi ils risquent d’être dépassés. C’est pour cela que Zenika recommande aux entreprises d’expérimenter le Web3, que ce soit à petite échelle ou en mode “laboratoire”. Pour une marque, il ne s’agit pas seulement de s’adapter à son environnement concurrentiel, mais bien de proposer des services innovants, d’aller chercher de nouvelles opportunités de croissance, de nouvelles clientèles, de créer de nouvelles expériences utilisateurs et de renforcer la relation avec sa communauté d’utilisateur·rices et de client·es. C’est aussi un moyen d’automatiser les processus en dématérialisant les objets métiers.» Et aux yeux de Sama Row, la tokénomie a de quoi d’intéressant pour les agences et les marques: «Les publicitaires peuvent créer des programmes de fidélité basés sur la chaîne de blocs en utilisant des jetons et en récompensant les clients avec des jetons échangeables contre des produits, des services ou des avantages exclusifs. Les jetons peuvent également être utilisés pour créer des expériences personnalisées et des récompenses pour l’implication des utilisateurs, et pour faciliter les transactions dans les écosystèmes numériques. En outre, la transparence et la traçabilité des transactions de la chaîne de blocs peuvent contribuer à lutter contre la fraude dans le secteur public et à renforcer la confiance des consommateur·rices.» Mais… par où commencer? La spécialiste de Cossette conseille aux entreprises de se référer au Gartner Hype Cycle afin d’identifier à quel stade elles aimeraient commencer à intégrer les technologies du Web3 tout en mesurant le risque associé à ceux-ci pour elles.

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