Green is the new black disait-on voilà plusieurs années déjà. Sans trop de changements perceptibles toutefois. Mais à voir le grand nombre d’agences qui se sont mises à marcher pour le climat, à offrir des heures de consultation gratuites aux associations « vertes » et à teinter leur pub de clins d’œil à l’environnement, peut-être est-ce un signe que cette fois est la bonne.

L’invitation lancée aux autres agences par Publicis Montréal à se joindre au mouvement « La planète s’invite en agence » fut l’une des initiatives les plus visibles ici récemment. L’agence avait convié les autres agences montréalaises à se joindre à elle pour la célèbre marche climatique du 27 septembre dernier à Montréal.

Plusieurs autres agences ont d’ailleurs fermé boutique pour aller marcher avec Greta. Parmi elles, lg2. Claude Auchu, associé et chef de la direction du groupe, expliquait récemment au Grenier la raison qui avait fait en sorte que l’entreprise avait permis aux 300 employés des trois bureaux de l’agence d’aller manifester. « Au-delà de notre métier en communication, on est avant tout des citoyens. Habituellement, on passe des messages et on s’est dit qu’on allait passer aux actes. »

Considérant que la marche n’était qu’un premier pas dans la bonne direction, LaBase, a décidé d’ouvrir un appel d’offres inversé, le projet « Un petit pas de plus pour la planète ».

« Comme les autres agences, on a été marcher. Une fois sur place, on a remarqué qu’il y avait tout plein d’associations. La cause étant importante pour nous, on s’est dit qu’en tant qu’agence, ce n’était pas nous qui allions régler le problème, mais qu’on pourrait peut-être aider une de ces associations dans leurs communications », m’explique Jacob Guité St-Pierre, président de l’agence. À gagner, un minimum de 100 heures de consultation.

Bien beau tout ça, mais n’y a-t-il pas un peu d’opportunisme commercial  derrière ces beaux gestes, railleront les sceptiques. 500 000 personnes, ça fait un beau public cible à rejoindre ! Et ça flatte la marque « citoyen » dans le bon sens du poil.

« On a hésité au début. Personnellement j’ai un problème avec l’appropriation des causes. On a donc uniquement annoncé ce programme de façon organique, en s’adressant directement à quelques groupes de startups dans les médias sociaux, à nos amis, clients et collègues », m’avoue Jacob.
 

Marcher tout en reculant ?

Une autre question me turlupine toutefois. Lorsqu’une agence se réclame de l’environnement et qu’en même temps, elle promeut des entreprises polluantes, n’est-elle pas en train de nous dire que le walk n’est qu’au fond que du talk qui va prendre l’air ?

Afin de pousser un peu plus loin la réflexion, j’ai jasé avec un Richard Leclerc, un créatif qui en a beaucoup à dire sur le sujet. Au point où voilà 25 ans, il laissa le lucratif monde des grosses agences pour fonder la sienne, Publici-Terre.
 

Faut aussi faire marcher une entreprise

Est-il crédible pour une agence de marcher pour le climat alors qu’on retrouve dans son pool de clients des marques actives dans les secteurs automobiles, pétroliers, chimiques ?

Pragmatiquement, Richard me répond : « les agences sont des entreprises commerciales. Elles existent pour faire de l’argent. Elles ont donc le droit de pitcher sur tout ce qui bouge. »
 

Ce qui ne marche juste pas

« Le problème vient des clients, pense Richard. Lors des pitchs, il est courant pour les clients potentiels d’étudier la liste des clients actuels et passés d’une agence afin de déterminer s’il existe des conflits d’intérêts. Ainsi, si une agence possède déjà une marque de voitures, un second client automobile n’ira pas là. »

« Les annonceurs qui supportent des causes devraient étudier elles aussi les activités des agences potentielles et éliminer d’emblée celles qui ont des clients avec des profils idéologiques contraires », suggère Richard.

 « Je me souviens d’une agence qui avait réalisé un message publicitaire pour la SAAQ contre la vitesse. » Pendant cette même période, « elle avait également mis en ondes une pub automobile où le conducteur sautait par-dessus un pont-levis afin de ne pas manquer son traversier ! »

Les institutions gouvernementales devraient être les premières à penser et agir en ce sens croit Richard. « La SAAQ ne devrait jamais choisir une agence qui a un compte automobile. Une campagne du ministère de la Santé et des services sociaux pour améliorer les habitudes alimentaires des jeunes ne devrait pas être attribuée à une agence qui possède un compte de fastfood. »
 

Publicitaires, chaussons nos bottines citoyennes

Donc, l’agence est là pour faire des sous, mais rien n’empêche que les individus qui la composent chaussent leurs bottines. Si la société évolue grâce aux efforts de ses citoyens, le monde des agences peut évoluer lui aussi en ce sens.

Les autres agences devraient-elles imiter LaBase ? « Ce n’est pas à moi de dire aux autres ce qu’ils doivent faire. Mais c’est sûr que j’aimerais bien voir d’autres agences engager le pas en ce sens », me répond Jacob.

Qui est prêt à marcher ?  

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Jacob Guité St-Pierre

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Richard Leclerc