Alors que les agences montréalaises ont longtemps cherché à s’établir dans divers coins du Canada, aujourd’hui, ce sont les agences internationales qui ont tendance à migrer vers le Québec. Union, john st., DDB Canada et bien d’autres intègrent les rangs des talents publicitaires qui ont dorénavant pignon sur rue Cathcart, Saint-Jacques et autres adresses YUL. Un nouveau chapitre menaçant ou plutôt motivant?

Ce phénomène – quoique récent au Québec – n’en est pas à ses premiers balbutiements à l’extérieur de la province, tant auprès des agences que des annonceurs. Par exemple, LG2 ouvrait son premier bureau à Toronto en 2014, souhaitant y voir son succès culminer grâce à des étoiles stratégiques en création, sans pour autant dénaturer l’ADN de la boîte. Un an plus tard, l’agence gagne le compte de Nike Canada, basé à Toronto. De l’autre côté de la clôture, Kraft Foods opte quant à lui pour l’ouverture d’un bureau satellite à Chicago, afin d’attirer de nouveaux talents et de réinventer les méthodes de travail de ses agences. Le modèle d’entreprise est en pleine réinvention, et ce, dans le but de de mieux répondre aux réalités d’affaires d’aujourd’hui, tout en propulsant le rendement global des opérations, de la marque et des ventes.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour les joueurs d’ici?


Tout au long de son cheminement, Christian Ayotte, directeur de création chez Tank (anciennement chez Sid Lee, BBR, Justinteractive, Exopolis), a su composer avec les particularités locales ainsi qu'avec l’appétit des chaînes d’ailleurs. Il est d’avis que les nouveaux arrivants au Québec misent sur une présence locale pour se qualifier lors des dépôts d’appels d’offres auprès de comptes nationaux, au cœur d’un bassin sursaturé. Or, en pratique, cela demeure de la saine concurrence, qu’elle soit d’ici ou même du Japon. « Les agences québécoises se donnent l’ambition de grandir vers Toronto ou vers ailleurs, avec conviction et talent, depuis déjà de nombreuses années. Nous devrions être suffisamment confiants pour sauter à pieds joints, avec perspicacité, dans ce nouveau défi que nous présente l’industrie. Indépendamment de leur provenance ou de leur taille, ces agences demeurent des concurrentes », affirme Christian.

Christian Ayotte

Danièle Perron, présidente de FCB Montréal (anciennement chez Cossette), voit quant à elle cette effervescence d’agences au Québec comme une possibilité de dynamiser le marché québécois, et ce, grâce à des forces numériques et des modèles d’affaires inventifs. Le nombre d’agences continue de croître, alors qu’il y a moins de mandats et/ou moins de budgets clients. Danièle et son équipe abordent donc cette nouvelle ronde avec la soif de se réinventer et d’utiliser toutes leurs connaissances du marché à leur avantage. « Tout est dans la stratégie Local-up, not global-down (NDLR : du local au global, et non du global au local) », avance Danièle. Elle ajoute aussi ceci : « C’est une des forces du réseau FCB, qui regroupe des agences solidement ancrées dans leur marché, et non des bureaux satellites dont la seule raison d’être est de servir un client international. Cette stratégie, qui mise sur des acquis solides, est dynamisée par la nouvelle vision du groupe, axée sur le changement et elle place la créativité au cœur des priorités. Ainsi, pour se démarquer, FCB fait appel à une saine conjugaison du produit, de la création, du marché et des nouvelles technologies, pour habilement déployer la marque des annonceurs et, finalement, pour hisser le niveau de qualité collectif de l’industrie. »

Danièle Perron

À travers un regard plus global sur l’écosystème publicitaire québécois, Dominique Villeneuve, directrice générale de l'A2C - Association des agences de communication créative, prend le pouls de cette réalité depuis un moment; sa lecture suggère d'abord un lot d’opportunités et de défis. « Cela ajoute certainement de la compétition dans un marché déjà très fragmenté, puis l’arrivée de nouveaux joueurs, peu importe d’où ils viennent, contribue à renforcer ledit phénomène. D’un autre côté, la concurrence nous pousse à être meilleurs. Il est par ailleurs très important que toute agence s’établissant au Québec sache contribuer à notre industrie, en soutenant la création, de même que les artisans d’ici », souligne-t-elle.

Dominique Villeneuve

Nous parlions de migration vers le reste du monde il y a quelques années, pour maintenant vivre une révolution au niveau des budgets des annonceurs, des technologies et vis-à-vis un public cible davantage évolué et éclaté. La venue de nouveaux joueurs au Québec n’est donc pas étonnant; elle impose à tous, agences comme annonceurs, de repenser leur modus operandi. Ainsi, que les agences soient d’ici ou de l’extérieur, l’ère est aux alliances. Et ce, afin d’offrir des services innovants et des talents qui arriveront toujours à offrir une valeur ajoutée au client.

Les scénarios garants de succès sont fourmillants! Or, au cœur de toute stratégie efficace, devront plus que jamais se retrouver la soif du changement et l'authenticité de la démarche. Qui vaincra donc cette mutation publicitaire?


Article paru dans le Grenier magazine du 10 octobre 2015. Pour vous abonner, cliquez ici.