Le 25 novembre dernier, Les soirées des grands communicateurs, La toile des communicateurs et la TELUQ ont présenté une conférence fort intéressante sur Jacques Bouchard : un héros québécois pour le 21e siècle. Animée de main de maître par Marie-Claude Ducas, journaliste, auteure et chroniqueuse médias, cette conférence voulait approfondir le rôle occupé par Bouchard, dans le domaine de la publicité québécoise. Le Grenier aux nouvelles y était et voici ce qu'on a appris.

D’emblée, la table est mise. Aux côtés de Maurice Richard et de Louis Cyr, Marie-Claude Ducas nous présente Jacques Bouchard tel un héros québécois du 21e siècle. Bien entendu, pour ceux qui sont un minimum intéressés au monde de la québecoise, le personnage est connu et ses hauts faits d’armes ont été moult fois cités, voire même étudiés… tellement qu’ils sont devenus des classiques de l’histoire de la communication, au Québec.

Qu’à cela ne tienne, lorsqu’on parle de connaissances et de compréhension profonde de Bouchard, c’est le nom de Marie-Claude Ducas qui devrait nous venir en tête. D’ailleurs, sa conférence permettait d’aborder le personnage cible, et ce, sous un angle plus approfondi, plus social. Bien sûr, durant cette prise de parole animée, on eu le plaisir de revoir le jeune René Simard chanter les louanges de Laura Secord, puis on a aussi vu une Dominique Michèle, à une époque où elle portait un bikini avec succès. Mais, ce que je retiendrai beaucoup plus de cette conférence, c’est le rôle culturel de Bouchard, savamment mis en lumière par la conférencière vedette. Ce grand rôle qui, selon elle – et on approuve –, fait de Jacques Bouchard un héros québécois.

Car, au-delà de la création de l’industrie québécoise publicitaire, Bouchard a aussi pavé une partie de la voix qui a mené le Québec à miser sur l’indépendance culturelle. C’est d’ailleurs une nuance qui passe trop souvent sous silence, faute de vraiment la reconnaître, ou tout simplement faute de comprendre son réel apport.

En bon publicitaire, Jacques Bouchard connaissait bien son marché et comprenait sa cible : le Canadien français. On en veut pour preuve la rédaction des 36 cordes sensibles. Mais avant de publier cet ouvrage phare, le publicitaire frondeur avait déjà compris l’impact et le pouvoir d’adhésion que représentait la présence d’artistes québécois dans l’univers de la publicité ayant pour cible les Québécois francophones. De nos jours, on pense aux Valérie Blais, porte-parole de Home Dépôt; on pense à Benoit Brière avec Bell, mais aussi à des réalisateurs comme Jean-Marc Vallée ou Denis Villeneuve qui, forts d’une sécurité financière obtenue en réalisant des publicités, ont pu développer leur art et finalement s’exporter sur la scène internationale. Pourtant, cette interdépendance entre les artistes et les publicitaires n’a commencé que dès les débuts de la carrière de Bouchard, et ce, jusqu’à sa retraite. C’était aussi à l’époque des Olivier Guimond avec la Labatt 50, ou encore d’Yvon Deschamps expliquant comment obtenir sa nouvelle carte d’assurance maladie, etc.

Si cet échange de services est monnaie courante dans notre univers publicitaire d’aujourd’hui, on doit à Jacques Bouchard d’avoir lancé ce mouvement : au Québec, pour les Québécois, à la sauce québécoise ! Mais il faut évaluer aussi le contexte dans lequel ce virage a été effectué. En effet, dans les années 50, dans un Montréal que l’on nommait alors la « City of Big Business », le Canadien français était un citoyen canadien en état de minorité dans le Canada, et comme le montreront 20 ans plus tard les 36 cordes sensibles, le Canadien français était aussi un citoyen avec la mentalité d’être « né pour un petit pain ».

Or, l’affirmation de la spécificité culturelle des Québécois, qui est illustrée dans la nouvelle ère publicitaire, avec son caractère jovial et chaleureux… qu’on retrouve par exemple dans la publicité « on est 6 millions, il faut se parler », s’inscrit dans un mouvement social généralisé, où le Québec tente tant bien que mal d’affirmer non seulement la souveraineté de sa culture, mais bien son droit à l’autonomie économique. Sont alors arrivés les René Levesque et les Robert Bourassa. Avec eux, toute une réflexion sur la nature du Québec est aussi apparue. Et comme un peuple se définit non seulement par ses frontières, mais aussi par sa culture, c’est donc ici que l’œuvre de Bouchard revêt toute son importance. En créant une publicité résolument canadienne-francophone, en travaillant avec les Gilles Carle, les Dominique Michèle, les François Cousineau de notre monde, Bouchard a activement participé à l’émergence de la culture franco-québécoise, et il a construit les fondations sur lesquelles, non seulement les agences ont pu se bâtir, mais aussi, toute l’industrie artistique qui a tant besoin des sous de nos publicitaires, pour se maintenir à flot et ainsi avoir la liberté de créer.

Personnage emblématique aux multiples facettes; monument de la communication au Québec : les adjectifs ne manquent pas pour qualifier Jacques Bouchard et sa formidable impression sur notre société. Marie-Claude Ducas l’a d’ailleurs bien compris et elle nous a livré, hier, un vibrant hommage dénué de toute complaisance, pour cet homme qui même à la fin de sa carrière affirmait : « Le média le plus puissant, ça reste la corde à linge. »

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