Trois voix. Trois animateurs de carrière qui ont marqué la radiophonie à leur façon. Trois personnalités qui ont assisté aux premières loges aux récentes métamorphoses d’un média en pleine transformation.

Ils ont consacré leur carrière à la radio. À eux trois, Ricky Dee, Nadia Bilodeau et Gilles Parent cumulent des milliers d’heures passées derrière un microphone. Ils ont vécu le déclin du vinyle, l’arrivée des chaines d’informations continues, ainsi que la révolution Web. Ils nous révèlent aujourd’hui quelques réflexions éparses sur certains aspects de leur parcours.

Sur l’évolution du médium


L’évolution des technologies et des médias est au cœur de la transformation radiophonique des dernières décennies. « Quand j’ai commencé, il y avait deux tables tournantes, un paquet de fils et des piles de 45 tours, se remémore Richard Drouin. Aujourd’hui, quand je regarde ma console, j’ai l’impression d’être en train de chauffer une navette spatiale! » La technique force-t-elle à faire de la radio différemment, aujourd’hui? « Oui et non, poursuit-il. Essentiellement, mon job reste le même : parler aux gens, les divertir et leur faire jouer de la bonne musique. Ce sont plutôt les canaux de communication qui ont évolué. »

Tous s’entendent toutefois pour dire que l’arrivée des médias sociaux a, quant à elle, bouleversé les normes. « Un animateur radio doit être très actif sur Facebook et sur Twitter, affirme Nadia Bilodeau. Ça va de soi : l’information y circule tellement rapidement. C’est fini, le temps où je prenais mon dimanche pour faire ma recherche de la semaine, en feuilletant les magazines! Aujourd’hui, si tu ne livres pas l’information quasi instantanément, elle est vite désuète. »

Son de cloche similaire du côté des radios parlées de Québec : « Je blague souvent avec les membres de mon équipe, en leur disant que je n’ai plus aucune idée de comment on arrivait à faire de la radio il y a de ça 15 ans, s’amuse Gilles Parent. Le Web nous a poussé à délaisser les informations, pour faire place à aux opinions. Lorsque j’ouvre mon journal, le matin, je connais à peu près déjà 90 % des nouvelles, parce que j’en ai pris connaissance sur mon ordinateur, la veille. C’est la même chose pour nos auditeurs : quand ils nous syntonisent, ce n’est pas pour qu’on leur apprenne des nouvelles qu’ils connaissent déjà, mais bien pour nous entendre les commenter! »

« J’avais 15 ans. Pensionnaire du Séminaire St-Michel de Rouyn-Noranda. C’est là que j’ai commencé à faire de la radio communautaire et que j’ai compris que je voulais gagner ma vie en parlant dans un micro. »
– Ricky Dee (Richard Drouin), animateur radio.

Sur les animateurs


Un bon animateur radio, en 2015, possède-t-il les mêmes qualités qu’il y a 20 ans ? « Personnellement, j’ai bâti toute ma carrière sur la même consigne : celle d’être vraie, affirme Nadia Bilodeau. Quand j’ai commencé, mes boss m’ont vite demandé de faire prendre le bord à mon petit accent de fille qui venait de se farcir des cours de diction au Cégep. À la radio commerciale, les gens qui t’écoutent développent une véritable relation avec toi, comme si je leur jasais one on one. C’est fou, le nombre de confidences très intimes qui m’ont été faites par des auditeurs, au fil du temps. »

Du côté des gars, la personnalité de l’animateur est sans contredit l’outil le plus important du coffre. « C’est fini le temps où le fait d'avoir une grosse voix FM suffisait pour attirer les auditeurs, dit Drouin. Je n’aurais pas survécu si longtemps en ondes si je n’avais pas été capable d’allumer mes auditeurs. Ça prend du charisme en ondes, du bagout. Prenez mon chum [Mario] Lirette : ce gars-là n’a pas une once de voix, mais il a une méchante personnalité! C’est ça son secret! » Même chose pour Gilles Parent : « Avant d’aboutir dans les affaires publiques, au début des années 2000, j’œuvrais dans le monde de l’humour. C’est fou comme ça m’a servi lorsque venait le temps pour moi de traiter de sujets plus pointus. À Québec, aussi, on te demande d’être vrai : mais si ça implique que tu possèdes une personnalité intéressante, tes opinions risquent d’être encore mieux véhiculées! »

« Je sortais tout juste du Cégep de Jonquière. J’avais déjà la radio dans le sang. On m’a donné ma première chance à Drummondville, en ’94. C’était l’époque du grunge : ça fait 21 ans! Me semble que c’était hier. »
– Nadia Bilodeau, animatrice radio.

Sur la concurrence et la radio de demain


Les animateurs aussi ont une opinion sur ceux qui prendront un jour leur relève. « Je regarde les kids qui arrivent aujourd’hui, remarque Drouin : ils sont professionnels, ils sont drettes! Ils sont beaucoup plus by the book que nous l’étions à l’époque ; les jeunes sont plus formatés. Mais je ne sais pas si c’est une si bonne chose. Moi, tout ce que je sais, c’est que le jour où je ne ferai plus l’affaire de mes patrons, il y aura une longue file de jeunes derrière moi. D'ailleurs, ils sont déjà en train d’attendre que ma place se libère. Y a une compétition virile qui se joue dans les coulisses. Je trouve toutefois que c’est de bonne guerre. »

Nadia Bilodeau affirme quant à elle ne jamais avoir été vraiment effrayée par la concurrence. « Je me suis toujours tenue loin des guerres d’égo, affirme-t-elle. Cela dit, lorsque tu vois une petite nouvelle arriver dans le portrait d’une station, tu le sais qu’elle aspire un jour à prendre ta place. Et c’est normal. Personnellement, je ne me suis jamais empêchée de donner des conseils aux filles de la relève, de peur qu’elles ne prennent mon job. C’est comme ça, entre autres, que les femmes ont pu prendre leur place dans le milieu de la radio! »

Parent y va d’une remarque intéressante sur la relève : « À la radio de Québec, il y a une rectitude qui s’est installée, depuis l’« affaire Jeff Fillion », si je peux l’appeler de même. Les animateurs ne peuvent ni faire ni dire ce qu’ils veulent, maintenant. Les radiodiffuseurs se sont autorégulés, depuis. Fillion lui-même s’est fait dégriffer. Je ne vois pas ça d’un très bon œil. Cela dit, je fais confiance aux jeunes! »

« Je me suis retrouvé dans un studio de radio d’Alma, par hasard. J’ai vu les consoles, les micros. J’avais 17 ans, j’ai eu le coup de foudre. Un an plus tard, le 1er mars ’78, je commençais ma carrière à CKVC. J’ai plus jamais arrêté! »
– Gilles Parent, animateur radio.



Article paru dans le Grenier magazine du 3 octobre 2015. Pour vous abonner, cliquez ici.