Google Chrome prévoit désormais la fin des cookies tiers pour la fin de 2023. À quoi ressemblera un monde sans cookie tiers? Et quel est l’avenir de la publicité ciblée? Le responsable marketing de Sharethrough, Benoît Skinazi, répond à toutes nos questions.

En 2020, Google Chrome, qui possède aujourd’hui près de 65 % des parts de marché mondiales, a fait l’annonce qu’il ne supportera plus les cookies tiers dès 2022. Emboîtant lentement les pas de Safari (Apple) et de Firefox (Mozilla), qui ont respectivement coupé les cookies tiers de leur navigateur en  2017 et 2018, Google Chrome prévoit désormais la fin des cookies tiers pour la fin de 2023.

Bien que ce nouveau délai accorde plus de temps aux entreprises pour tester et envisager de nouveaux dispositifs avant la dépréciation, il laisse cependant une grande partie l’industrie de la publicité et du marketing dans l’incertitude puisque ces futures restrictions sur la vie privée présentent de réels défis. Qu’est-ce que la mort des cookies tiers dans Chrome changera concrètement ? À quoi ressemblera un monde sans cookie tiers ? Et quel est l’avenir de la publicité ciblée ? Parce qu’on sait beaucoup de choses au Grenier, mais surtout parce qu’on sait qu’on ne sait pas tout, on a décidé de s’entretenir avec le responsable marketing de Sharethrough, Benoît Skinazi, afin de mieux comprendre les enjeux reliés à la mort des cookies tiers dans Chrome.

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Dans les faits, quelle est l’utilité concrète des cookies tiers ? Pourquoi disons-nous qu’ils participent à la violation de la vie privée ?
Benoît Skinazi : Même si les cookies ne datent pas d’hier puisqu’ils furent inventés dans le milieu des années 90, nous sommes nombreux à ne pas en connaître l’utilité alors que ces derniers ont joué un rôle important dans le développement d’Internet et notamment de la publicité en ligne. Un cookie est un fichier texte qui est enregistré par certains navigateurs Internet sur l’ordinateur de l’utilisateur. À l’origine, les cookies ont été créés pour personnaliser l’expérience en ligne, en permettant de stocker des informations personnelles, servant ainsi de mémoire aux sites Internet. Les cookies tiers ne présentent pas vraiment d’avantages pour l’utilisateur·rice en soi, hormis d’afficher des publicités ciblées ou de répondre mieux à des intérêts ou intentions du moment. En revanche, cette capacité technique est aussi perçue comme une violation de la vie privée par de nombreuses personnes. En réalité, ce sont des données personnelles collectées et revendues sans l’accord de la population active sur le web. C’est d’ailleurs pour cela, que suite à la mise en place du Règlement général sur la protection des données (RGPD), les sites sur lesquels on navigue nous demandent l’autorisation de déposer des cookies - autorisation que nous avons tous tendance à donner sans réellement consulter le type de données qui seront collectées et par qui…

C’est justement un point important : on démonise beaucoup les cookies. Mais ils servent à quelque chose… non ?
Benoît Skinazi : Oui ! Les cookies tiers sont essentiellement utiles à des fins publicitaires. Sur le web, un vaste écosystème repose sur l’utilisation de ces cookies pour survivre, on sait d’ailleurs que de nombreux sites et entreprises Adtech dépendent même des revenus publicitaires générés par les cookies tiers. Cependant, comme depuis plusieurs années, on parle énormément de la disparition des cookies tiers, initiée notamment par Safari (Apple) avec le programme ITP - Intelligent Tracking Prevention - visant à empêcher le pistage involontaire des usagers. Firefox (Mozilla) a suivi la même direction avec l’initiative ETP - Enhanced Tracking Protection - limitant comme Safari le faisait les capacités de pistage des internautes. Puis ce fut enfin au tour de Google (et Chrome, son navigateur disposant de la majorité des parts de marché) d’annoncer la mise en place d’un projet -  Privacy Sandbox - visant à limiter le recours aux cookies. Projet qui a été repoussé à plusieurs reprises de par sa complexité technique et dû au grand nombre d’acteur·rices de l’industrie qui risquent d’en être fortement impacté·es négativement. Du fait de sa position dominante dans l’écosystème publicitaire, et tel qu’expliqué dans une publication de Google datant de 2021, le géant du web est forcé de « progresser à une allure raisonnable afin de permettre la tenue de discussions publiques sur les solutions adéquates et de permettre aux éditeurs et au secteur de la publicité dans son ensemble de migrer leurs services. »

Pouvez-nous nous en parler des nouvelles initiatives de ciblage développées par les entreprises ?
Benoît Skinazi : Il est important de noter que l’élimination des cookies tiers ne vise pas à retirer toute possibilité de traçage des internautes. L’objectif majeur est d’avoir des solutions de suivi de la navigation respectueuses de la vie privée des internautes, transparentes et donnant donc plus de contrôle aux utilisateur·rices quant aux informations qu’ils ou elles souhaitent partager. Parmi les solutions envisagées, il y a celles qui visent à remplacer les cookies tiers par des outils alternatifs comme l’ID Universelle (ou ID partagé), les intégrations serveur à serveurs (ou clean rooms), le Privacy Sandbox de Google qui propose un ciblage par cohorte plutôt qu’un type de ciblage concentré sur la personne qui navigue sur le web, etc. Mais il y a aussi des solutions qui permettent de rejoindre efficacement les internautes sans nécessairement avoir recours au ciblage par segment d’audience. Le ciblage contextuel en est sans doute un excellent exemple. Ce type de ciblage va tenter d’insérer sa publicité en se basant sur le contexte de navigation. Voici quelques exemples qui peuvent s’insérer dans une stratégie contextuelle :

  • Ciblage par type de contenu visité.
  • Ciblage par mots-clés présents sur la page consultée.
  • Ciblage par localisation de l’internaute.
  • Ciblage en lien avec l’heure de la journée.

Comme le ciblage contextuel force à faire des suppositions, il offre une précision limitée. Parallèlement, le développement du Machine Learning et de l’intelligence artificielle répondront certainement aux manques potentiels du ciblage contextuel.

Un conseil en terminant ?
Benoît Skinazi : On sous-estime trop souvent la valeur de la donnée. Je conseille que lorsqu’une marque décide de travailler avec un partenaire proposant des solutions de ciblage optimisées, elle devrait le faire en s’assurant de la compatibilité des systèmes proposés avec ses outils internes afin d’être en mesure d’activer (et d’enrichir) ses propres audiences efficacement via des campagnes médias. Mais elle doit aussi s’assurer que la (ou les) solution choisie est compatible avec les plus grandes plateformes de publicité ainsi qu’avec les nouvelles règlementations en vigueur concernant le respect de la vie privée et, bien sûr, le tout pouvant cohabiter dans un environnement cookieless.

benoitBenoît Skinazi, responsable marketing de Sharethrough

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