Pendant longtemps on a opposé durabilité à profitabilité et impact à rendement. On a privilégié le court versus le long terme. On a opté pour communiquer auprès des clients versus des employé·es. On a pensé que la création de valeur sociale ne pouvait être associée à du quantitatif. Aujourd’hui, on réalise que c’est le contraire. Les entreprises qui privilégient l’impact sont plus durables, « à l’épreuve du temps » donc plus profitables. Celles qui misent sur le long terme aussi, tout comme celles qui mettent de l’avant l’expérience talent. Et tout ça est très mesurable. Le 14 septembre dernier, la nouvelle a fait couler beaucoup d’encre : le fondateur de la marque de vêtements de plein air Patagonia, Yvon Chouinard, décidait, à 83 ans, de faire don de son entreprise qui selon le New York Times aurait pu être vendue pour 3 milliards de dollars. Comment cette entreprise existant depuis plus de 50 ans et avec 3 650 salarié.es a-t-elle réussi à se tailler une place au sommet dans une industrie aussi difficile ? Comment a-t-elle réussi à aligner marque commerciale, marque employeur, marque citoyenne ?

La philosophie de Patagonia a toujours été intimement liée à celle de son fondateur. Au fil des années, ses concurrents ont déployé des campagnes publicitaires d’envergure. La publicité de Patagonia a toujours reposé essentiellement sur le bouche-à-oreille de ses consommateur·trices. Même chose pour le recrutement des candidat·es. Sur son site, l’entreprise demande aux candidat·es non seulement un CV mais également une lettre afin d’en apprendre plus sur « vos aventures, vos passions et la façon dont vos valeurs s’alignent avec notre mission ». La marque commerciale et la marque employeur (son volet citoyen également) de Patagonia pourraient difficilement être mieux réconciliées l’une avec l’autre. Elles forment une marque unique, forte, cohérente et en santé.

Une vision claire qui oriente le court et le long terme
Là où d’autres auraient pu échouer, Patagonia a réussi. La recette : une raison d’être explicite, authentique et connectée ainsi qu’une vision inspirante qui alignera les paroles aux actions. Pour que la main-d’œuvre de l’entreprise soit connectée. Pour que les clients aient confiance. Pour que la collectivité soit ambassadrice de la marque. Ultimement, c’est la vision, l’ambition profonde qui permettra de prendre les bonnes décisions à court terme, de continuer de garder le cap vers la vision à long terme et de résister à la performance pure et dure. Bref, c’est elle qui pilotera toutes les décisions. Comme elle a piloté celle de Monsieur Chouinard.

Ce n’est pas différent pour la marque employeur. Plusieurs personnes nous ont récemment demandé comment justifier, malgré la pénurie criante de main-d’œuvre, la mise en place d’une démarche de marque employeur auprès de leur direction. Je ne parle pas ici de mettre en place une campagne d’attraction, un « quick fix ». Ça, c’est facilement justifiable selon ce que l’on nous dit, parce que ça fait rentrer les CV. Résultats à court terme concrets = décision rapidement prise et envisagée. Non, comment justifier une démarche véritable de marque employeur ? À cela, nous répondons régulièrement qu’avoir de l’impact est probablement le nouveau chemin vers la profitabilité. Et la marque employeur est un levier puissant de développement social et une façon concrète d’avoir de l’impact sur des vies.

Le revers du rapide
On vient de vivre une campagne électorale. La politique est un exemple flagrant de vision pure à court terme qui fait en sorte que nous n’avons plus de grands projets structurants. C’est la même chose du côté des investissements institutionnels avec une recherche de profits à court terme et donc des rapports trimestriels scrutés à la loupe. On peut aussi penser à la rémunération des talents souvent basée sur des résultats à court terme.

Pourtant, ça fait quelques années qu’on fait l’éloge de la lenteur : slow fashion, slow food, slow life, slow content. Toutes des tendances qui visent justement à ralentir le rythme, chercher des solutions qui sont plus permanentes. Comment faire en sorte que cette philosophie du slow qui s’adresse principalement à des individus prenne vie encore davantage dans les entreprises.

Réfléchir les choses à court terme ne signifie pas d’aller plus haut ou d’aller plus loin. La recherche d’impact réel est sûrement assurément le chemin de la profitabilité. Mais pour en avoir, il faut savoir où l’on s’en va, sinon le risque de se perdre est pas mal grand.

La nouvelle voie à suivre ?
Ce qui est intéressant est d’observer en parallèle au geste de Patagonia les tendances des marchés boursiers, qui devront bientôt se conformer davantage à des pratiques plus responsables pour l’environnement. Des pressions qui commencent à venir des gouvernements, des engagements entre les pays leaders du monde. Et toute la vague d’engouement pour l’implantation de politiques et de pratiques ESG. Une responsabilisation des entreprises qui est influencée à la fois par les marchés internationaux et les réglementations de plus en plus strictes, mais aussi par le bas. Par une génération qui réclame des entreprises consciencieuses, ayant une volonté d’avoir un impact positif sur la société, comme sur la planète.

Et si Patagonia traçait le véritable chemin du futur ? Et si ce modèle en inspirait d’autres ? Les entreprises telles qu’elles fonctionnent aujourd’hui sont orientées vers la profitabilité. Toujours plus de profit. Vers une croissance toujours constante. Mais est-ce que ce modèle est viable encore longtemps ?

La pénurie de main-d’œuvre engendre des pressions sans précédent sur les entreprises, à plusieurs niveaux, dont sur l’identification d’une raison d’être claire et partagée, les pratiques ESG et leur impact. Les travailleur·euses de tous âges, les jeunes encore plus, critiquent ouvertement les entreprises qui ne s’ajustent pas au monde d’aujourd’hui. On condamne le green washing, tout comme les adhésions à des mouvements comme l’inclusion et la diversité, en passant par une meilleure intégration des communautés LGBTQ+, par exemple. On veut du changement, mais pas juste dans le discours, on veut du changement de fond. Et ça, eh bien, ça prend du temps. Le changement de fond, c’est un marathon, et non pas un sprint.

Êtes-vous prêts ?
Sources et lectures :

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