L’achat en ligne n’a jamais été aussi populaire auprès des consommateur·trices de partout sur la planète. Face à cette tendance numérique et devant l’hégémonie des plateformes de vente mondial, les marchands locaux doivent trouver des solutions efficaces afin de mettre de l’avant leurs produits. La crise sanitaire a vu naître des initiatives qui avaient pour mission de donner plus de visibilité aux commerçants d’ici et de stimuler l’économie locale. Les plateformes le Panier Bleu et le Bon Panier en sont des exemples, mais comblent-elles vraiment leurs objectifs initiaux et répondent-elles réellement aux besoins des marchands québécois et des consommateur·trices ?    

Dès les premières semaines de la pandémie, l’économie inquiète presque autant qu’un voisin qui ose venir jaser dans notre portique. Dans la foulée d’une appréhension collective devant les commerces obligés de fermer leurs portes, le Gouvernement Legault annonce le lancement de la plateforme Le Panier Bleu, une OBNL qui vise à encourager l’achat local par l’entremise d’un site web regroupant divers marchands et artisans d’un peu partout au Québec. 

D’abord applaudie, la plateforme semble rapidement ne plus faire l’unanimité. L’engouement du public est divisé. Alors que certain·es encensent cette initiative qui met de l’avant l’offre marchande de la province, d’autres y voient une plateforme «catalogue» mal administrée et un moyen utilisé par le Gouvernement québécois pour faire avaler la pilule du désastre pandémique qui endommage l’économie locale. 

«L’objectif premier de la plateforme n’était pas de faire du commerce électronique, mais bien de mettre les commerçants de l’avant et de faire la promotion de l’achat local, explique Alain Dumas, directeur général du Panier Bleu. C’était donc plus un outil marketing qui envoyait les consommateur·trices directement vers les sites des commerçants.» 

Le public semble pourtant vouloir y retrouver un service de commerce en ligne. Pour palier à cette fonctionnalité qui se fait attendre sur le site du Panier Bleu, Renaud Guyon et Roberto Mas, appuyés des développeurs Audrey-Ann Jean-Weisz et Raphaël Picard, décident de fonder la plateforme Le Bon Panier, une alternative qui vise à faciliter l’achat local pour le vendeur, mais aussi pour le consommateur. 

alainAlain Dumas
panierAudrey-Ann Jean-Weisz, Raphaël Picard, Roberto Mas et Renaud Guyon.

«Nous voulions créer une plateforme qui permettrait aux gens d’acheter facilement des produits québécois, et démontrer qu’il est possible de lancer un tel projet avec un budget non subventionné. Nous avons investi notre propre temps et notre argent personnel dans le projet, ce qui a permis de limiter les coûts», explique Roberto Mas.

Victime de son image initiale ?
Aujourd’hui devenue une entreprise privée, le Panier Bleu possède depuis début octobre de nouvelles fonctionnalités transactionnelles ouvertes au public. La plateforme propose une vaste gamme de produits québécois artisanaux, mais aussi d’autres biens de consommation de fabrication étrangère, mais dont les inventaires doivent être situés au Québec.

Le message à propos du Panier Bleu a peut-être été mal compris au départ, plaide Alain Dumas en réponse aux critiques qui ont été formulées autant par les médias que par l’opinion publique. Mais selon ce dernier, la plateforme n’a pas pâti de cette polémique du « transactionnel » et le trafic sur le site est actuellement très intéressant. «C’est aujourd’hui une destination pour les consommateur·trices qui souhaitent s’assurer que leurs achats auront un impact direct sur l’économie québécoise. À travers des sondages, nous savons que le Panier Bleu a réussi à sensibiliser les gens à l’achat local, ce qui était la mission de départ de la première mouture. Nous sommes très satisfaits, autant de la réaction des consommateur·trices que de celle des marchands, qui sont plusieurs à venir cogner à notre porte.»

La plateforme compte plus de 150 marchands de différentes régions du Québec, un chiffre qui devrait atteindre 250 à 300 d’ici le temps des Fêtes, selon le directeur général. Pour se qualifier, la propriété de leur entreprise doit être majoritairement québécoise (51 % des actifs) ou provenir d’une bannière locale.  Nous avons également 200 autres marchands en attente pour le mois de janvier», ajoute avec enthousiasme Alain Dumas

Du côté du Bon Panier, l’accueil est également chaleureux et les résultats à la hauteur des objectifs de départ. Roberto Mas et son équipe s’assurent de répondre rapidement aux préoccupations ou aux problèmes afin de proposer une expérience d’achat toujours positive. «Je peux vous dire que malgré le petit budget que nous devons allouer à la promotion et au marketing, Le Bon Panier reçoit un accueil enthousiaste et de très bons commentaires, ce qui nous motive à continuer. Nous devons écouter et développer en fonction des besoins et de la réalité de nos commerçants. Cela signifie que nous devons être attentifs à leurs commentaires et leurs suggestions, et apporter des changements en conséquence pour rendre la plateforme toujours meilleure.»

Défis transactionnels et logistiques
Pour le Panier Bleu, le principal enjeu réside dans la logistique d’achat. «Actuellement, nous ne sommes pas rendus à la mutualisation de logistique. Les gens ont accès à des magasins dans différentes catégories et choisissent avec quels marchands transiger. Il y a donc un coup de livraison par marchand sélectionné. On travaille donc à regrouper les commerçants ensemble, d’ici le début de l’an prochain, pour que les visiteurs puissent acheter de plusieurs endroits mais aient une seule commande.»

Robert Mas explique quant à lui que le Bon Panier s’apparente à un «Amazon québécois» où les consommateur·trices peuvent trouver plus de 13 000 produits, dont certains exclusifs, provenant de 130 artisan·nes et entreprises locales. La plateforme en ligne donne l’occasion aux utilisateur·trices d’acheter des articles auprès de différents vendeurs·euses, mais en ne payant qu’une seule facture. «La boutique est divisée en différentes catégories, et chaque vendeur·euse a un profil avec des informations sur ses produits. Dans la première phase, les commerçants gèrent eux-mêmes leurs stocks et leurs livraisons. Ils sont responsables de l’emballage et de l’expédition de leurs produits. Nous ne remplaçons pas Amazon, mais nous comprenons que les entreprises ont besoin d’une variété de canaux de vente pour se développer, et nous nous engageons à être l’un de ces canaux.»

La livraison demeure toutefois un défi pour l’entreprise de commerce en ligne qui souhaite éventuellement développer un système interne qui permettrait d’expédier le jour même ou le lendemain. «On pourrait surmonter le problème en s’associant à d’autres entreprises pour proposer une livraison gratuite ou moins chère. Cela rendrait le magasinage plus abordable pour les client·es, en plus de rendre l’entreprise plus compétitive.»

Le Bon Panier propose également une application mobile utilisant la technologie de géolocalisation pour permettre aux utilisateur·trices de trouver rapidement un produit chez un commerçant situé près de leur position. «Grâce à notre application mobile, nous serons également en mesure de proposer des offres plus personnalisées, ce qui aidera les entreprises locales à attirer de nouveaux·elles client·es», croit Roberto Mas

La conclusion ? Aider les commerçants d’ici
De bonne guerre, Alain Dumas ne voit pas Le Bon Panier comme un concurrent, mais bien comme un allié à travers ce souhait de valorisation de l’économie locale. «Notre but est vraiment de mettre le marchand de l’avant, et aussi d’encourager l’achat de proximité. On ne pense pas être la seule solution au Québec, nos marchands ont eux-même des sites transactionnels. Mais plus il y a de joueurs dans l’écosystème d’achats en ligne, plus le·la consommateur·trice a de chance de se diriger vers un de ces sites web. Nous sommes tous et toutes gagnant·es à ce qu’il y ait le plus d’offres possibles.»

Le Bon Panier, qui se décrit comme « une véritable alternative aux géants mondiaux du commerce numérique » partage cette mission d’appui aux commerçants locaux. «Nous pensons qu’une plateforme comme la nôtre peut être viable à long terme. Nous voulons surtout offrir une solution québécoise, locale et plus réactive. C’est un canal supplémentaire pour les entreprises qui les aident à développer efficacement leurs ventes», conclut Roberto Mas. 

Plusieurs nouveautés sont à surveiller pour les deux plateformes, notamment une option de ramassage local pour Le Bon Panier, mais aussi la vente imminente de cartes-cadeaux, une demande fortement à la hausse, selon le directeur général du Panier Bleu

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