Le Grenier, en collaboration avec la firme Léger, a publié une étude pour dresser le portrait de l’industrie de la publicité, de la communication et du marketing. Notre équipe a voulu sonder les réactions des acteurs du milieu à propos des résultats obtenus. Anne-Marie Coulombe, conseillère culture et talents pour l’agence Cartier, et Sylvain Dufresne, vice-président, chef de la création de FCB Montréal, nous partagent leurs réflexions au sujet de l’attraction, de la rétention en entreprise et du développement des talents.  

L’étude Grenier x Léger se base sur les résultats d’un sondage web mené auprès de 252 professionnel·les sélectionné·es âgé·es de 18 ans et plus. Pour représenter le plus justement possible les réalités qui touchent présentement l’industrie des communications, l’étude se penche notamment sur les conditions de travail, l’équilibre travail et vie personnelle et la pénurie de main-d’œuvre qui frappe actuellement de plein fouet la province. 

Parmi les faits saillants, le sondage démontre que le développement des talents, l’attraction de nouveaux employé·es et la rétention des personnes en poste représentent des problèmes importants en entreprise, et ce, pour plus de la moitié des répondants.

Insatisfaction au niveau du développement professionnel 
Une des sections de l’étude se penche plus particulièrement sur la notion de développement professionnel des talents en entreprise, un défi majeur pour un impressionnant pourcentage de sondé·es. Il·elles sont en effet 73 % à s’inquiéter de cette réalité. Sylvain Dufresne voit dans ce résultat une difficulté qu’il constate lui-même dans son travail. «Je crois que l’ensemble de l’industrie manque de formation continue pertinente et complète. Elle est énormément fragmentée ce qui crée un sentiment d’insatisfaction chez certain·es. Une tendance que l’on semble voir chez la nouvelle génération de travailleur·euses est celle du “what’s in it for me”. Au-delà des outils corporatifs traditionnels, la nouvelle génération recherche beaucoup le développement d’aptitudes plus larges liées à leur développement personnel et leurs champs d’intérêts, et ce, au-delà de leur champ de compétence établi. Bref, il·elles ne veulent pas simplement apprendre pour “la job”, il·elles veulent apprendre point.»

Mais pourquoi cette donnée touche-t-elle si fortement l’industrie des agences du milieu des communications ? Selon Anne-Marie Coulombe, la réalité académique actuelle et la vitesse du marché d’aujourd’hui dans ce secteur d’activité pourraient en partie l’expliquer. «La moyenne d’âge en agence est souvent assez basse. Il y a beaucoup de nouveaux·elles diplômé·es pour qui l’apprentissage dans le système académique mise beaucoup sur leur développement professionnel. C’est ce qui leur est appris, cela fait donc partie de leurs attentes. Nous sommes aussi un milieu où tout va super vite, on peut ainsi manquer de temps, contrairement à d’autres milieux où le débit est peut-être moins rapide.»

Sylvain Dufresne croit quant à lui que le problème de rétention en agence affecte nécessairement la capacité à maintenir un plan de développement continu et structuré. «La formation adéquate de tous les talents pour chaque sphère du travail en communication devient parfois très difficile à maintenir et très onéreuse puisque le niveau de rétention est relativement bas. Ça demande donc un renouvellement des formations de manière continue »

Pas de développement, pas d’engagement ? 
De cette lacune au niveau du temps et des ressources allouées à la formation des talents semble découler une propension chez ces derniers à considérer ou à concrétiser un changement d’emploi. Les résultats du sondage démontrent notamment que pour 67 % des répondant·es qui œuvrent dans une entreprise de 100 employé·es et plus, la rétention est un problème préoccupant. L’étude révèle aussi que 47 % des employé·es d’agences songent à changer pour un autre poste dans le milieu des communications, un pourcentage qui passe à 55 % pour ceux et celles habitant la région de Montréal RMR. 

«La pénurie de main-d’œuvre fait en sorte que les employé·es/candidat·es ont beaucoup de choix. Il·elles peuvent ainsi se permettre d’être sélectif·ves et de choisir qui saura leur offrir le mieux pour leur développement personnel et professionnel, croit la conseillère culture et talents chez Cartier. Je considère qu’avant, il était beaucoup plus difficile d’obtenir un emploi. Les employé·es devaient ainsi moins “oser” faire des demandes concernant leur développement, se trouvant chanceux·euse d’être en poste. Ce n’est plus le cas maintenant.»

Sylvain Dufresne tient une réflexion similaire, mais apporte tout de même une nuance. «Plusieurs facteurs, dont le développement, créent bien évidemment ce problème de rétention. Ceci dit, pour de nombreux postes, l’industrie a toujours été un milieu de chaises musicales. Les employé·es, comme de nombreuses marques, y vont d’une valse de la saveur du mois et butinent d’une agence à une autre pour travailler avec les meilleurs talents. 

Des solutions pour améliorer le développement en entreprise 
Les statistiques de l’étude semblent démontrer que la mise en place de formations visant un meilleur développement des talents pourrait améliorer la rétention en entreprise, en plus de rendre les emplois disponibles plus attractifs pour les candidat·es. Mais quelles sont actuellement les solutions de l’industrie pour répondre à cette problématique qui, selon le sondage, est déjà bien présente ?

«Ce n’est rien de bien nouveau, mais je dis souvent que les gens travaillent avec des gens, et non pas pour des agences, pense Sylvain Dufresne. Les employé·es restent s’il·elles sentent qu’il·elles sont valorisé·es, encouragé·es et respecté·es. C’est à notre industrie en entier de s’assurer de mettre les efforts à la bonne place, et je crois que ça débute par les gens. Formons-les, écoutons-les et surtout rappelons-nous qu’ils ne travaillent pas pour nous, mais que c’est plutôt nous qui devons travailler pour eux !»

Pour Anne-Marie Coulombe, les ressources en formation ne manquent pas dans l’industrie, mais une structure de développement professionnel mieux encadrée pourrait permettre aux agences de développer une culture d’apprentissage intrinsèque et bénéfique pour les employé·es. « Les agences ont beaucoup d’outils à leur disposition (notamment avec l’A2C, le Grenier Formations, Infopresse, etc.). C’est bien d’offrir des formations et autres à ses employé·es, mais une des solutions serait d’intégrer le tout dans la réflexion stratégique et dans les priorités organisationnelles afin que cela fasse partie de l’ADN. C’est là qu’il manque de temps et de ressources », conclut-elle.

sylvain
leger