Les grands titres se suivent et se ressemblent. «Le pire est à venir», nous martèle-t-on. Scénario pessimiste, certes, mais à ne pas écarter.

Récession à l’horizon
Le Fonds monétaire international (FMI) a prévenu, le 11 octobre, à l’occasion de son rapport d’automne sur l’économie, que l’économie mondiale, fortement secouée par des chocs à répétition dans la dernière année, se rapproche de plus en plus de la récession en 2023. D’après le dernier rapport du Baromètre des affaires internationales de Sapio Research, 95% des entreprises du monde entier sont préoccupées par l’éventualité d’une récession. La moitié des organisations prévoient réduire leurs dépenses de marketing discrétionnaire d’ici l’année prochaine pour s’y préparer. Cette crainte de la récession et du resserrement des budgets marketing pourrait-elle propulser le recours à un nouveau modèle d’affaires dans l’industrie ? Selon McKinsey, la gestion des dépenses peut libérer jusqu’à 20% d’un budget de marketing et servir à la fois de base pour résister à la tempête et de catalyseur pour la croissance. Christian Quenneville, président de l’agence de production créative M&H, estime qu’en cette période de contexte économique incertain, améliorer l’efficacité des processus marketing d’une marque a sa raison d’être.

Trio gagnant
Marque + agence de publicité + agence de production: voilà l’équation qui permettra de passer à travers la crise avec succès et rentabilité (on se croise les doigts!). «Avec une récession potentielle, ce que je dis à mes clients, c’est de commencer avec ce que je nomme le trio. Faites la réflexion de ce que vous pouvez faire à l’interne ou à l’externe, réfléchissez aux processus et aux outils technologiques. Vous pouvez aller chercher un gain d’efficacité de l’ordre de 15% à 20%. Si vous avez des réductions de budget à faire, travaillez sur le processus et la technologie. Ce gain d’efficacité va se traduire en réduction d’investissement de votre part», dit Christian.

On parle souvent du traditionnel duo «agence-annonceur», mais, avec la prolifération des médias dans les dernières années, le déploiement d’une marque se veut tellement multifacette que des groupes comme M&H, qui ne sont pas des agences, voient le jour. «On ne fait pas de conception créative, encore moins de la planification stratégique. Déployer une marque sur des supports multicanaux, c’est notre pain et notre beurre. On est vraiment une agence de production créative. Une fois que notre client ou l’agence de notre client a conçu une idée maîtresse, on s’occupe de la déployer sur le multicanal», explique-t-il. Une agence typique au Canada va particulièrement être habile à la réflexion stratégique et à l’idéation de grandes idées. Et il y a des groupes comme M&H qui seront particulièrement efficaces dans la production. «Nous, nous sommes expert·es pour déployer des campagnes avec vélocité et efficacité tout autre qu’une agence.»

Votre contenu est-il efficace ?
Les «vieux routiers» se souviendront de la crise de 2008, qui a eu un impact considérable sur les budgets marketing. À l’aube d’une récession, voire dépression, c’est à se demander : que doit-on couper ? Se basant sur des recherches quantitatives sur la position des marques qui n’ont pas cessé leurs dépenses marketing, brand et communication pendant la récession — elles en sont même sorties plus fortes avec des gains de marché importants — le président de M&H croit qu’une réflexion sur la productivité des pièces de création s’impose. C’est-à-dire ? Pour lui, il ne faut pas se résigner à une réduction tous azimuts d’un budget de communication-marketing incluant le média. «Quand on pense à l’ensemble des livrables d’un budget marketing XYZ, il y a une partie incroyable qui se retrouve dans la sphère de contenu: médias sociaux et contenus numériques de façon générale. Et ce contenu-là n’est pas mesuré à sa juste performance. Prenons l’exemple d’un client multimarques. La sous-marque A dépensera 1M$ en médias, et la sous-marque B dépensera elle aussi 1M$ en médias. La seule différence, c’est que la première sous-marque aura dépensé 300 000 $ pour produire son contenu publicitaire, et la seconde 150 000 $. Bien que les résultats d’affaires soient similaires lorsqu’on les examine, il y a une efficacité de contenu plus importante pour la sous-marque B». Le président de M&H précise que la réflexion sur l’efficacité de contenu ne repose pas que sur l’investissement média, mais aussi de la complexité : «Combien de pièces créatives produisez-vous ? Réfléchissez et assurez-vous d’être capable de mesurer l’efficacité des pièces créatives, la quantité et l’investissement requis pour les produire».

Vos processus sont-ils à jour ?
Les fameux processus. Sujet qui passionne Christian, et qu’il considère aride pour les créatifs·ves et stratèges de ce monde. Pour lui, il n’y a pas de doute, toute organisation doit se pencher sérieusement sur les processus et les technologies. Combien d’organisations possèdent des outils technologiques, mais ne les utilisent pas à leur plein potentiel ? Le secret de l’efficacité réside dans l’automatisation. Plus de 15 % d’après l’expérience de M&H. Selon Christian, une demande très simple d’un client à une agence jusqu’à la pièce créative finale se résume à un jeu de ping-pong parfois (souvent) inutile. Vous connaissez la chanson, dont le refrain va plus ou moins comme suit. Courriel, brief, brief pas clair, appel, équipe créa travaille sur une ébauche, ensuite remise au gestionnaire de projets, relais au client, feedback, et on recommence. «Ce processus-là, malgré qu’il transige par des outils numériques, est complètement analogue. Ça peut être pertinent dans une réflexion stratégique qui vise plusieurs années d’évolution d’une marque, mais dans le contexte d’une production créative à haute vélocité, c’est un frein à l’efficacité. C’est exercer un contrôle sur une partie du processus qui ne le mérite probablement pas», exprime-t-il. L’expert en production créative invite donc ses clients à revoir leur processus actuel.

Exercez-vous un contrôle inutile ?
En changeant la gouvernance de contenu de place, on peut gagner en efficacité. Exemple de la maximisation d’un outil technologique. Prenons la suite Adobe. Un directeur d’un brand X veut déployer une campagne sur son propre site web. La demande peut être passée directement dans un formulaire Adobe Workfront. Aucun gestionnaire de projet n’a besoin de voir la demande, qui ira directement à la designer, qui effectuera la tâche et la soumettra au client via Adobe Proof HQ. Celui-ci reçoit l’alerte, révise le tout, et la designer peut déployer la campagne sur l’outil de site web du client. «Si vous multipliez le nombre de pièces sur une base annuelle, le gain peut être vraiment important. Au lieu de faire des approbations en amont, on est en aval, développe Christian. Les revues de contenu se font une fois par mois, une fois par trois mois. Le mode d’opération sera changé si on est moins satisfait. Au lieu d’exercer un contrôle qui n’est pas nécessaire en amont, on fait une veille en aval pour s’assurer qu’on est tous là pour bâtir une marque qui est cohérente et qui a de la vélocité.»  L’expert fait référence à cette vieille chanson de Depeche Mode, Everything counts in large amount. «Nous, on est dans un large amount. On parle de pièces créatives par centaine de milliers. En additionnant les gains de 1 seconde et de 3 minutes, ça a un impact important sur les budgets de nos clients. La réalité, quand on prend du recul, et qu’on regarde notre mandat premier, c’est de générer les demandes pour les biens et services pour les clients à moindre coût. Quand on y réfléchit, on se rend compte que tout ce qui est processus et technologie devrait prendre une place beaucoup plus importante», résume Christian.

À l’aube de la récession, avez-vous coupé aux bonnes places ?

christianChristian Quenneville, président de l’agence de production créative M&H