En marge des grandes mutations que vit actuellement le monde du travail, il·elles sont de plus en plus nombreux·euses à opter pour la pige, une avenue professionnelle qui rime avec liberté et flexibilité. Le succès d’un tel modèle d’affaires réside dans une organisation bien rodée et une résistance accrue à l’incertitude. Comment font les pigistes pour bien gérer leur business? Rencontre sympathique avec trois travaillantes qui ont choisi d’être leur propre boss pour le meilleur et pour le pire. 

Chloé et Carissa
Chloé McNeil et Carissa Vales

Pour ceux et celles qui n’ont jamais été friand·es d’un emploi figé dans le créneau du 9 à 5 et de la semaine de 5 jours, la possibilité de se lancer à la pige peut être très attrayante. Devenir son propre patron, choisir ses contrats et définir son horaire peut certes en faire rêver plus d’un·e, mais ce choix amène également son lot de difficultés. Pour Chloé McNeil et Carissa Vales, la grande aventure de la pige s’est imposée très tôt, alors que les deux professionnelles sortaient tout juste des bancs d’école. «Nous voulions travailler dans les arts depuis toutes petites. Comme nous aimons faire plusieurs choses, tant au niveau du jeu d’acteur, de la musique que de la vidéo, être travailleuses indépendantes venait donc un peu par défaut. Nous sommes pigistes depuis l’âge de 18 ou 19 ans, et c’est quelque chose qu’on aime beaucoup!». Tellement que le duo a fondé La Clic, une boîte de production qui regroupe aujourd’hui les différents mandats que les deux jeunes femmes reçoivent.  

Clotilde Morin
Clotilde Morin

Rédactrice professionnelle à la pige depuis maintenant 4 ans, Clotilde Morin a un parcours quelque peu différent. D’abord chargée des communications et du marketing pour diverses entreprises, elle décide de faire le grand saut à son compte pour se concentrer sur son talent principal: la rédaction. «J’ai choisi de devenir pigiste pour plusieurs raisons, dont la liberté d’organiser mon temps comme je le souhaite et celle de pouvoir travailler avec plusieurs clients différents, dans des secteurs variés, pour éviter l’ennui.»

Trouver ses contrats 
Si on avait à dresser les 10 commandements du·de la pigiste qui performe, posséder une bonne base de clients et la bonifier régulièrement serait assurément l’élément en tête de liste. Pour certain·es, bâtir sa réputation peut prendre un certain temps, alors que pour d'autres, les différentes expériences de travail et les rencontres professionnelles antérieures permettent d’avoir en main un excellent réseau de contacts. «Nos clients viennent en tout premier lieu des contacts que nous avions déjà lorsque nous faisions de la musique. Au fil des années, en tant que chanteuses, nous avons connu beaucoup de gens qui sont ensuite devenus nos clients. Les contrats sont venus à nous surtout grâce au phénomène du “bouche à oreille” et par les réseaux sociaux, que nous tentons toujours d’alimenter régulièrement», explique Chloé McNeil

Pour Clotilde Morin, le succès de son entreprise personnelle passe inévitablement par un travail apprécié de ses clients. «Mon principal créneau, ce sont les références clients. Je crois qu’il n’y a pas meilleure carte de visite qu’un client satisfait qui parle de toi. Mon réseau s’est agrandi surtout comme ça. J’ai aussi des partenariats avec d’autres pigistes, qui me sollicitent pour des projets de grande ampleur. Sinon, j’ai un site web assez bien référencé sur les mots clés "Rédacteur pigiste Montréal", et ma page LinkedIn est à jour.»

Se démarquer 
Et si les contrats venaient à manquer? Et si un client nous lâche pour quelqu’un d’autre? Est-ce que ça peut parfois jouer dur dans le monde des pigistes? «C’est sûr qu’on a dû travailler fort, être disponibles, y mettre du temps et de l’énergie. La meilleure façon pour nous de se démarquer, c’est de rester nous-mêmes. Lorsque nous travaillons avec un client, nous prenons le temps d’écouter et de comprendre sa vision en le laissant participer aux processus créatifs», explique Carissa Vales

Bien définir sa niche, indiquer ses expertises et faire rayonner la qualité de son travail sont d’autres bonnes manières de se démarquer de la compétition, selon la spécialiste en rédaction. «Pour la prospection, c’est d’avoir un discours clair sur ton offre de service. D’être capable de dire au client ce que tu fais et ce que tu ne fais pas. Aussi, il faut savoir montrer au client comment il va être accompagné, soutenu. C’est également important, sinon plus, qu’un simple prix. En cours de mandat, la meilleure façon de se démarquer, c’est la fiabilité et l’écoute. Ça n’a l’air de rien, mais c’est primordial!»

Gérer son horaire
Flexibilité d’horaire, congés selon ses envies, grasse matinée, week-end de trois (ou quatre?) jours, le quotidien d’un·e pigiste a parfois l’air idyllique. La réalité est souvent bien différente et la discipline reste de mise pour qui veut éviter de se retrouver devant un calendrier peu garni ou au contraire, trop rempli! «Il nous est arrivé quelquefois de devoir travailler beaucoup plus pour ce qu’on avait chargé aux clients. Nous avons un agenda électronique commun dans lequel nous écrivons tous les contrats reliés à notre compagnie de vidéo, en plus de toutes nos disponibilités personnelles. Il est parfois très difficile de respecter une limite puisque comme nous sommes pigistes, la quantité de travail ne peut jamais être prise pour acquise. Si on travaille une semaine, peut-être que la semaine d’après nous n’aurons pas de contrats. Nous avons souvent tendance à charger nos horaires par peur de passer à côté de quelque chose», constate Chloé Mcneil. 

Selon la rédactrice Clotilde Morin, tout est une question d’équilibrer son horaire à partir de la charge de travail et des tâches à accomplir. «Au quotidien, je privilégie le travail de rédaction le matin, et je garde les rendez-vous, entrevues et démarches administratives plutôt l’après-midi. Pour les contrats, je commence à connaître mes limites. Je calcule mes heures quand je reçois les demandes pour bien estimer mes dates de livraison. Cela signifie donc parfois de savoir dire non à certaines demandes ou de donner des délais de livraison plus longs. Pour mes congés, je préviens toujours mes clients très en avance pour pouvoir organiser la production en conséquence. Je ne veux pas travailler pendant les vacances!», s’amuse-t-elle. 

Organiser sa facturation 
Gérer plusieurs factures et paperasses administratives n’est pas toujours chose aisée. Une facturation bien ordonnée et classifiée permet aux pigistes de garder un œil sur leurs revenus pour éviter les erreurs et les oublis. «On se doit d’être assidues là-dessus, abonde Carissa Vales. Chloé et moi avons chacune un document Excel qui indique nos contrats, les lieux des tournages, les montants, si la facture a été faite ou non, si elle a été payée, les taxes à déduire, etc. C’est un outil indispensable afin de rester à jour au niveau financier.» 

Pour Clotilde Morin, il suffit de planifier un moment pour passer à travers le tout. «De façon générale, je fais ma facturation en fin de mois. Mes impôts sont gérés par un comptable, car ma compagnie est incorporée.»

Ces témoignages nous révèlent que le travail à la pige, comme celui d’un salarié, comporte des avantages comme des désavantages. Nos trois pigistes s’entendent toutefois sur le fait que bien qu’il s’agisse d’un choix professionnel où rien n’est jamais acquis et où la pression de performance est omniprésente, la liberté, ça n’a pas de prix.

«Le conseil qu’on donnerait à quelqu’un qui voudrait se lancer à la pige, c’est de le faire par passion. De trouver un domaine dans lequel on ne comptera pas ses heures. Car être pigiste, c’est ça; c’est de travailler fort!», conclut Chloé McNeil