Il y a des métiers dont on entend rarement parler sur les bancs d’école, qui n’entrent pas tellement dans le cadre du 9 à 5 et dont la description est plutôt nébuleuse pour la moyenne de gens. Ici, on tourne les projecteurs vers l’une de ces professions à la fois méconnues et fascinantes: imprésario ou, en langage d’aujourd’hui, agent·e d’artistes.

Qui sont ces professionnel·les du milieu culturel? Comment suit-on leurs traces? À quoi ressemblent leurs journées? Stéphane Bélugou, qui a fait de la représentation d’artistes sa carrière il y a plus d’une décennie et fondé une agence à son nom en 2016, nous aide à démystifier son art.

La tête de l’emploi
Avant de devenir agent d’artistes, Stéphane a monté des pièces de théâtre, participé à des courts-métrages et, surtout, formé plusieurs comédiens et comédiennes en devenir pendant plus de 15 ans.

«Je coachais des gens qui étaient représentés par des agences, puis, au bout de 15 ans, je me suis aperçu que j’envoyais tous·tes mes meilleur·es élèves vers d’autres agent·es, alors que je connaissais assez bien cet univers pour les représenter moi-même.»

Ce parcours— même s’il est logique — n’est pas pour autant classique. Plusieurs imprésarios sont plutôt des acteur·trices qui font le choix de se réorienter ou encore des parents d’enfants qui réussissent à percer dans le milieu. Selon Stéphane, il n’existe pas d’itinéraire préétabli pour arriver à pratiquer son métier.

Une affaire de flair
Pour s’illustrer comme imprésario, il faut d’abord savoir repérer le talent; un don qui n’est pas donné à tout le monde.

«C’est presque comme un sixième sens. Un·e bon·ne agent·e d’artiste sait se fier à son instinct et voir l’intangible. C’est un mélange de personnalité, de physique, de charisme et de jeu qui fait qu’une personne va décrocher; c’est un tout.»

Au-delà du dépistage, l’agent·e joue aussi un rôle important dans le développement de ses protégé·es. Pour Stéphane, cela passe par des séances de coaching professionnel, soit en continu ou de manière ponctuelle avant d’importantes auditions, et par des petits cafés qui remontent le moral lors de périodes difficiles.

«Quand je donne un coaching, mon objectif c’est que la personne soit excitée d’aller faire son audition. Je veux qu’elle se dise que ce sera amusant de jouer les scènes, même si elles sont dramatiques! Il arrive aussi que mes artistes adultes aient des insécurités. À ce moment-là, il·elles viennent vers moi et on va prendre un café pour en discuter.»

Un intermédiaire essentiel
Jusqu’ici, tout va bien. Beaucoup de pédagogie, un soupçon d’empathie et le tour est joué! Pas tout à fait. L’imprésario doit également assurer le lien entre ses artistes, les directeur·trices de casting et les producteur·trices. Il s’agit d’un rôle à la fois tentaculaire et compartimenté.

Tous les jours, Stéphane reçoit de la part des directeur·trices de casting des breakdowns, soit des descriptions de rôles pour des pubs, des séries ou des films, et émet rapidement — même très rapidement — ses recommandations en puisant dans son bassin de talents.

«Aujourd’hui, tous les courriels ont dans leur objet les mots ‘urgent’, ‘urgentissime’ ou ‘très urgentissime’. Il faut réagir ultrarapidement pour ne pas rater de chances.»

Pas question toutefois d’outrepasser l’autorité des directeurs·trices de casting pour promouvoir ses ressources — à chacun·e ses responsabilités. Puis, lorsque l’une de ses ressources décroche, l’agent·e s’entretient avec le producteur ou la productrice. C’est à ce moment-là qu’il lui faut faire appel à ses aptitudes en négociation, car, même si les tarifs sont réglementés par l’Union des artistes au Québec, il y a place à la discussion lorsqu’il s’agit de personnalités connues.

«Dans ces moments, il est très important de savoir garder son sang-froid pour arriver à obtenir ce qu’il y a de mieux pour son artiste en fonction des budgets.»

Des hauts et des bas
Comme tout métier, le travail d’agent·e d’artiste comporte de bons et de moins bons côtés. Il y a des moments jubilatoires, comme lorsqu’un talent obtient un premier rôle.

«Il n’y a rien comme apprendre à une personne qu’elle a décroché. Tu te remémores la première fois où tu l’as vue et c’est une preuve que tu as bien fait de croire en elle. Ce sont vraiment des moments de grande joie.»

En revanche, certains jours sont réellement crève-cœur, particulièrement ceux où les talents doivent essuyer des refus.

«Je me souviens d’avoir eu à annoncer à une fillette qu’elle n’avait pas eu un premier rôle dans une grande production américaine pour lequel elle se préparait depuis des semaines. Ça, c’est déchirant.»

Plus récemment, avec l’arrivée de la Covid, il n’est pas rare que les tournages soient reportés, voire annulés, créant de véritables casse-têtes d’horaire que les agent·es et tout le personnel qui œuvre sur les plateaux sont appelés à régler.

La formule gagnante
Aujourd’hui, selon Stéphane, la clé de la réussite pour une agence d’artistes est d’offrir un bassin de talents diversifié, autant du point de vue de l’âge que de l’origine ethnique ou du look, sans toutefois avoir trop de doublons. Cela permet de présenter des candidats ou candidates dans toutes les circonstances, tout en évitant de créer une compétition entre ses propres ressources. Et attention aux promesses démesurées! Les agent·es d’artistes intègres font preuve de positivité, mais savent qu’il vaut toujours mieux ne pas créer de faux espoir.

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