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Quelles compétences professionnelles sont et seront de plus en plus centrales dans le monde du travail? On sait déjà que l’intelligence émotionnelle est du nombre. «En 2020, le Forum économique mondial ajoutait à son rapport sur l’avenir des emplois des aptitudes telles que la résilience, la tolérance au stress et la flexibilité, directement en lien avec les fondements du principe d’intelligence émotionnelle puisqu’elles font écho à la faculté de connaître, reconnaître, comprendre et contrôler son émotivité, peu importe la situation», déclare Garance Fielding Philippe, qui donnera en septembre une toute nouvelle formation axée sur ce soft skill de plus en plus recherché. On a discuté avec la sympathique gestionnaire du bec, un organisme qui offre des ressources d’aide aux gens de l'industrie des comm-marketing.

Grenier formations: Pourquoi devrait-on accorder de l'importance à l'intelligence émotionnelle dans le cadre du travail?
Garance: Le développement de l’intelligence émotionnelle est extrêmement avantageux dans maints secteurs professionnels puisqu’il favorise le travail et la cohésion d’équipe et participe à modeler une culture d’entreprise à la fois plus forte et plus sensible. L’intelligence émotionnelle au travail, c’est accueillir et s’expliquer les traits de personnalités, le raisonnement, les motivations et le comportement des gens avec qui on exerce notre métier. Cet ensemble de connaissances est un atout pour une collaboration fructueuse – avec ses équipes, ses clients, ses fournisseurs ou partenaires – et l’atteinte d’objectifs communs.

GF: On n'est plus à l'époque où les émotions devraient être réprimées, mais des tabous demeurent dans les milieux professionnels. Les gens peuvent avoir peur d'exprimer leur détresse et de perdre leur travail si leur performance est affectée, par exemple. Est-ce toujours une bonne idée de parler de sa santé mentale à son employeur? 
G: Je pense que certaines nuances ici s’imposent. Il y a un très large spectre d’expression de soi avant d’en arriver à manifester un état de détresse. À la pointe de l’iceberg, on rationalise souvent à tort que «ce n’est pas assez important pour en parler», que «mon·ma boss n’a pas le temps de m’entendre parler de p’tits problèmes», etc. Pourtant, nommer les choses au moment où elles surviennent peut être une soupape, une façon de délester une partie de la charge au lieu de l’internaliser. 

Par exemple, en novembre dernier, j’ai eu un accident de voiture. Mon premier réflexe a été de garder ça pour moi. Rapidement, j’ai ressenti un décalage entre mon travail au lendemain de l’événement et la manière dont je fonctionne habituellement. J’en ai donc parlé. Tous et toutes m’ont été d’une précieuse écoute. On m’a soutenue, proposé de prendre ça relaxe, rappelé que l’important c’est que je prenne du mieux et non que je m’affaire aveuglément à compléter des tâches tout en composant avec mon stress post-traumatique.

Les éléments de la vie à l’extérieur du bureau affectent implicitement notre vie professionnelle et peuvent amener un changement dans notre humeur, dans nos niveaux d’énergie et dans notre habileté à être présent·e pour notre travail. Faire part qu’on est affecté·e par les tragédies mondiales dans l’actualité, qu’on a mal dormi, qu’on a un décès dans notre entourage ou qu’on a la mine basse, ce sont tous des éléments qui favorisent un climat de confiance et participent à une meilleure communication globale. 

Cela dit, l’intelligence émotionnelle, c’est aussi savoir user de bon jugement, percevoir où, quand, et comment tenir ce genre de discussions, à la machine à café versus en plein pitch. Dernièrement, il faut comprendre que notre niveau de détresse devient un enjeu de taille quand ça atteint un degré qui nous empêche de fonctionner.  

GF: Tu travailles avec des gens dans le domaine du marketing et des communications. Quel est ton feeling par rapport au moral des troupes ces temps-ci?
G: La première chose à laquelle je pense c'est ce meme où un chien boit un café en souriant alors que tout brûle derrière lui. Je suis témoin d’énormément de dénis, de plein d’autruches et d’une apathie collective – volontaire ou non – qui gagne du terrain un peu tous les jours. Et c’est normal, parce que l’indifférence affective, c’est avec ça qu’on se protège, en écrasant nos affects comme mécanisme de défense. Le monde est tanné. Tanné que ça aille mal, ici et ailleurs. Le moral superficiel semble assez bon. On s’embrasse à nouveau, on sort, on fait du bateau, on mange des fraises. Le moral profond, lui, est égratigné. On est à fleur de peau des deux dernières années et on a chaque jour un peu plus peur de ce que l’avenir nous réserve.

GF: Avec un père psychologue et une mère travailleuse sociale, est-ce que la communication et l'intelligence émotionnelle ont été des concepts faciles à intégrer pour toi?
G: Facile? Oh là là, non. Il n’y a rien de facile à la communication. C’est le travail d’une vie. D’une part parce qu’on évolue. On change. On acquiert de l’expérience qui module constamment nos perceptions. Et d’un autre côté, parce que chaque situation, du bref échange avec une caissière à la discussion formelle avec un·e collègue, est unique et teintée de notre état du moment. De là l’importance d’une bonne connaissance de soi pour gérer nos émotions du moment et ainsi divulguer correctement l’information destinée à une personne selon le contexte.

Cela dit, je me sens particulièrement chanceuse d’avoir été élevée par des parents qui prônaient la transparence, l’intégrité et l’ouverture. Ils m’ont appris que tout se dit, suffit de savoir comment. Une des phrases qui a longtemps résonné chez nous était: «everything is in the eye of the beholder», c’est-à-dire que la perception de quelqu’un est subjective et qu’un message est non construit par son émetteur, mais par son destinataire. Et j’y pense souvent. C’est un des plus grands défis que je me donne au quotidien: faire l’exercice de me mettre à la place de l’autre afin de concevoir comment il ou elle pourrait construire le sens de mes actions, de mes propos.

La formation de Garance sur l’intelligence émotionnelle qui aura lieu le 16 septembre s’adresse autant aux gestionnaires qu’aux employé·es. Les objectifs y sont multiples: acquérir des astuces pour recevoir avec empathie, adopter une position d’ouverture envers son interlocuteur·trice, et émettre un message avec clarté, bienveillance et intégrité. Facile à dire, mais pas mal plus tough de le mettre en pratique!