C’est le moment tant attendu, l’été de tous les possibles. Les producteurs de festivals voient enfin leur chère industrie renaître, après de longs mois d’incertitudes, de changements, et surtout, de nouvelles pas tellement réjouissantes. Mais, en cette période très achalandée dans le monde de l’événementiel, le vent a finalement tourné. L’engouement du public est à son comble un peu partout dans la province. Discussion sur la grande reprise avec Anne Hudon, PDG de BLEUFEU, et Nick Farkas, fondateur d'Osheaga et vice-président principal, Programmation, Concerts et évènements d’evenko.

Capacité maximale permise, disparition des masques et des autres mesures sanitaires, l’industrie du spectacle revit, pour le plus grand bonheur du public. En février dernier, après l’envoi d’un appel à l’aide des producteur·trices de spectacles inquiet·es de devoir annuler de nouveau une lucrative saison de festivals, le gouvernement du Québec donne finalement le feu vert à la réouverture des événements à grand déploiement. 

«On a envoyé une lettre ouverte et on a reçu la réponse dans la semaine qui a suivi. On a ensuite pu débuter les ventes dès avril. Il y avait tellement d’engouement! Cette réponse là du public, on l’espérait, mais on n’aurait jamais pensé que ça arriverait comme ça», se rappelle Anne Hudon

La présidente-directrice générale croit que la levée du port du masque, la disparition du passeport sanitaire et la diminution des cas ont redonné confiance au public. «Ça nous a donné un signal très fort que la musique vivante est irremplaçable, et que c’est un besoin vital. Se réunir l’été, à l’extérieur, il y a moins de risques. Est-ce que certaines personnes de notre clientèle ont décidé de ne pas venir? On ne sait pas, mais pour le Festival d’été de Québec, c’est clair pour nous qu’il y a un fort désir de participer.»

«Notre industrie a tout fait pour garder les gens en sécurité, ajoute Nick Farkas. Si jamais il y a d’autres mesures à appliquer, on va les installer. Mais en ce moment, je crois que la confiance est là et on va avoir un bel été.» 

La billetterie explose
En effet, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Plus qu’impatient·es de pouvoir enfin se rendre à leurs festivals préférés durant la belle saison, les Québécois·es se sont littéralement rué·es sur les billets disponibles, selon les dires des deux gestionnaires. «Les laissez-passer sont partis tellement rapidement, c’est pratiquement sold out!», s'enthousiasme celle qui dirige BLEUFEU, marque mère du Festival d’été de Québec et du Festival Toboggan, entre autres. 

Même constat pour Nick Farkas, qui remarque que l’excitation est palpable. «Il y a beaucoup d'intérêt, les ventes sont meilleures qu’en 2019, c’est une très bonne nouvelle. Avec la vaccination, je pense que les gens se sentent prêts à reprendre la vie comme avant. C’est vraiment du jamais vu en matière de ventes de billets.» 

Selon le gestionnaire, malgré ces résultats très intéressants, les lourdes pertes vécues par l’industrie durant la pandémie seront tout de même difficiles à rattraper. Mais chez ce dernier, l’optimisme demeure au rendez-vous. «C’est sûr qu’on a été la première industrie à fermer et la dernière à rouvrir. On a encore beaucoup de chemin à rattraper, mais ça commence vraiment bien. On regarde la scène événementielle aux États-Unis et en Europe, et c’est très encourageant.»

Pénuries en tout genre 
Bien que les mesures restrictives aient disparu, Nick Farkas et Anne Hudon ne cachent pas que certains défis sont toujours à relever, conséquences directes de retards et de pénuries au sein des chaînes d’approvisionnement. Tentes, clôtures, roulottes, autobus, kiosques, difficile de se procurer les éléments essentiels à la tenue des événements, alors que tout «recommence» au même moment. «Plusieurs chanteur·euses ont aussi repris leurs tournées. Depuis la relance, il y a beaucoup d’artistes et d’événements en même temps, donc il y a moins d'équipements disponibles. Certain·es ont même décidé d’annuler, car il·elles ne trouvaient pas de tour bus!», explique Nick Farkas.

Le manque de main-d'œuvre représente une autre difficulté. Les industries de l’événementiel et de la restauration la ressentent de plein fouet. «Notre industrie a été fermée plus de 2 ans. Pour certains fournisseurs, c’est beaucoup d’ajustements que de la remettre sur les rails, un peu en retard, et en peu de temps. Concernant notre personnel, on a fait les choses différemment, on s’est pris à l’avance, on a planifié plus de ressources pour le recrutement. Avec la pénurie actuelle, ça demeure tout un défi de passer de 50-60 employé·es à 500 personnes», explique Anne Hudon.

«On est effectivement en manque d’effectifs et d’équipements, renchérit le fondateur d'Osheaga. Il y a aussi beaucoup plus de délais pour bâtir le site. Il y a plusieurs matériaux et produits qui se perdent dans la chaîne de production. On doit donc toujours avoir un plan B et un plan C, avec l’incertitude. Mais notre monde est habitué à faire des miracles, je ne suis pas inquiet! Pour la main-d'œuvre, on travaille avec des agences pour s’assurer d’avoir assez de personnel, de la restauration à la sécurité. On vit une situation difficile, mais ça va se placer.»

Vent de nouveauté
Ces difficultés n’ont tout de même pas empêché l’organisation de festivals à la hauteur des attentes du public. La grande reprise devait être soulignée en grand. Avec BLEUFEU, créée pendant la pandémie, Anne Hudon et son équipe voulaient notamment rassembler les équipes des différents festivals autour d’une marque moderne et unificatrice qui a pour objectif de faire rayonner les villes, en plus de mettre des étincelles dans les yeux des festivaliers et festivalières.

«Le retour, c’est peut-être pas l’année pour les nouveautés, mais malgré nous, on en a plein, s’amuse Anne Hudon. Il va y avoir une annonce bientôt à propos de notre fournisseur de scène pour les Plaines d'Abraham. On a modifié l'installation, adapté les écrans. Pour notre deuxième site, le parc de la Francophonie, on a aussi une proposition bonifiée, dont deux scènes en alternance avec une programmation en continu. Cette année, on va aussi ouvrir plus tôt et ajouter une journée au FEQ

«La plus grande nouveauté pour nous, c’est une troisième journée pour le Festival ÎleSoniq, indique Nick Farkas. Sinon, on est très content·es d’avoir le groupe Arcade Fire pour souligner le 15e anniversaire d’Osheaga. Pour le Festival de Jazz, les Francos ou le festival country Lasso, on a booké des artistes vraiment renommé·es de partout, du niveau qu’on voulait. On est tellement chanceux·euses d’avoir deux des meilleurs sites au Canada et en Amérique du Nord. L’important avec la reprise est de vraiment mettre de l’avant le talent et d’encourager les gens à venir découvrir Montréal, relancer le centre-ville.»

Chose certaine, avec toutes les adaptations qu’elles ont dû vivre, les équipes sont à l’avenir plus que jamais outillées pour faire face à la crise avec rapidité, ingéniosité, mais surtout résilience. «Je vois le futur de manière très positive. On est une industrie qui a toujours été très agile et créative. Ce que la crise nous a passé comme message, c’est que tout peut changer rapidement. Mais si on regarde les ventes actuellement, on fait mieux que par le passé. Tout sera beaucoup plus simple après cette épreuve, on saura maintenant comment établir de bons plans de match», indique Anne Hudon.

«Un autre avantage qui ressort de la pandémie est que ça nous a permis de regarder les différents aspects à améliorer, comme celui d’avoir plus de productions faites au Québec. La fermeture des frontières ou des annulations par les artistes internationaux, c’est une logistique assez complexe. On a toujours cherché à travailler avec des gens et des entreprises d’ici, mais on se rend maintenant compte que, quand on a du local, ça peut être beaucoup plus facile. Dans tous les cas, il n’y a pas une montagne qu’on ne peut pas monter. The show must go on, et c’est encore plus vrai aujourd’hui», conclut Nick Farkas.

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