Peut-être avez-vous déjà entendu parler du design thinking, démarche design ou conception créative en français, comme étant une solution à la mode ou un mot clé tendance, mais sans vraiment comprendre de quoi il était question? Pour démystifier le design thinking, savoir quels sont ses bénéfices et comprendre à qui ça s’adresse, on en discute avec Hélène Godin, cofondatrice et chef de la création de La Factry, et Cédric Martineau, président et facilitateur en gestion de l’innovation chez Carverinno Conseils et expert collaborateur en matière de formation en design thinking avec La Factry.

Tout d’abord, qu’est-ce que le design thinking? Il s’agit à la fois d’une science et d’un mode de pensée. Bien qu’on puisse tracer ses origines jusqu’aux années 60, son utilisation comme méthode d’innovation remonte plutôt aux années 80 et 2000. Les étapes d’un processus de design thinking vont comme suit: pour commencer, dans une phase de cadrage on identifie l’enjeu ou le problème qu’on souhaite régler et on formule une hypothèse avant d’aller en recherche et en exploration, où on identifie l’utilisateur et ses besoins afin d’apprendre quelque chose de nouveau et de s’aligner en équipe. Ensuite, on peut se lancer dans l’idéation, qui est une phase de divergence: la responsabilité d’un animateur lors d’une formation en design thinking sera d’inspirer l’équipe pour les amener à trouver le plus de solutions possible et de les pousser le plus loin possible pour maximiser l’intelligence collective. De cette abondance de solutions, on en priorise une qu’on va prototyper et tester auprès de l’utilisateur, pour pouvoir soit itérer pour l’améliorer, soit pivoter vers une autre solution et recommencer la phase de prototypage et de tests. Le bénéfice de ce processus, c’est d’avoir une solution solide avant d’investir dans son développement, explique Cédric: «Ce n’est pas un processus linéaire; tout le monde aimerait un processus linéaire, avec une solution garantie, mais c’est là où on comprend qu’il faut instaurer cette pensée-là dans l’organisation et non faire le parcours à chaque fois qu’il y a un besoin. Après avoir amélioré et itéré la solution, à la suite des commentaires, on va prioriser ce qui a été le plus aimé de la solution pour en faire un produit, un service ou un processus qui est minimalement viable. L’organisation va réaliser ce qui a été unanimement aimé, et la solution va être moins risquée parce que testée, donc on va pouvoir financer son développement en toute confiance.»

L’utilisateur en premier
Bien sûr, le design thinking est une méthodologie, un processus avec des étapes. Par contre, pour pouvoir aller de l’avant et trouver une solution qui en vaudra la peine, il faut penser à l’utilisateur d’abord, comme l’explique Cédric: «Le design thinking, c’est centré sur l’humain. C’est un état d’esprit collaboratif et itératif très payant pour les entreprises qui l’intègrent comme une culture. On parle beaucoup de culture de l’innovation: ce serait ça qui serait à la base d’une culture de l’innovation. On veut simplifier un processus, on veut développer un nouveau service ou un nouveau processus, et la première question qu’on va se poser est: qui est concerné par cette ambition? L’organisation a des objectifs d’affaires, quels qu’ils soient, mais à qui ça s’adresse?»

Puisque ça s’inscrit dans la culture d’entreprise, le design thinking est le genre de compétence qui a un rayonnement à long terme et qui permet aux organisations de devenir agiles dans toutes les sphères de leur fonctionnement. «Tu vas vivre moins d’urgences parce que tu vas avoir appris à t’adapter en fonction du changement et des humains autour. Quand tu réalises que c’est toujours centré sur l’humain, tu finis par poser les mêmes questions. Qui ça concerne? Cette personne a peut-être une solution, mais tu n’avais jamais eu le réflexe de lui parler. En gestion, on parle maintenant du besoin de parler à ses employés: c’est du design thinking. Ils ont constamment des solutions. Un gestionnaire qui ne fait pas le tour de son monde n’est pas au courant des solutions possibles pour que son modèle d’affaires soit à jour. En faisant le tour de son monde à l’interne, il fait du design thinking parce qu’il va s’améliorer en écoutant les humains autour de lui», dit Cédric.

Tomber en amour avec le problème
Hélène pense que pour avoir du succès dans sa démarche de design thinking, il faut avoir une réelle envie de changement: «Aujourd’hui, on est dans un monde où à peu près toutes les industries vivent la même chose. On est face à l’inconnu, au changement, il faut changer des choses, peu importe son domaine ou son secteur, il faut se réinventer. Et quand on a besoin de se réinventer, on ne la connaît pas, la solution. Donc, c’est là que le processus de design thinking est le plus efficace.» Elle explique que puisque le design thinking demande une compréhension complète de l’utilisateur et des enjeux, on ne peut pas arriver avec un mandat clair et des solutions toutes faites: il faut être en mesure de tomber en amour avec le problème pour être créatifs et innovateurs.

Tout le monde peut être créatif
Le design thinking demande de la créativité, certes, mais ça ne s’adresse pas seulement aux créatifs: que vous soyez comptable, ingénieur, peu importe, tout le monde peut en bénéficier. Si vous pensez ne pas avoir une once de créativité dans vos os, pas de panique: Cédric et Hélène croient que la créativité, ça s’apprend! Cédric, qui enseignait la sculpture auparavant, donne un excellent exemple: «On me disait, “oh, je ne sais pas dessiner, je ne serai pas capable de sculpter.” Non. Je vais t’apprendre à sculpter pas à pas, même si tu ne sais pas dessiner. Quelqu’un qui dit qu’il ne peut pas faire de design thinking parce qu’il n’est pas créatif, ce n’est pas vrai. Tu vas réaliser que tu peux être un peu plus libre, que tu as toi aussi ce pouvoir-là. La créativité n’est pas innée.»

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