Quelques mois après s’être rencontrées lors d’un événement, Shahad Salman, avocate de formation, et Dafina Savic, experte en matière de droits de la personne et spécialiste des relations internationales et publiques, ont décidé de prendre des vacances ensemble au Mexique. Avant de partir, elles se sont entendues sur une chose: pas question de parler d’enjeux sérieux, le but, c’est de se reposer. Le résultat? Elles sont rentrées au Québec avec tout un plan d’affaires.

L’agence d’impact social Uena est née en 2018 de la volonté des deux femmes d’aider les organisations à redéfinir la façon dont les organisations interagissent avec une diversité de personnes pour atteindre leur plein potentiel d'innovation. Pour Shahad et Dafina, la «diversité est un fait et non un phénomène, elle est humaine et non culturelle, elle n’est ni un enjeu ni un défi, elle demande simplement à être reconnue». D’ailleurs, le nom Uena incarne lui-même ce principe. Inspiré du mot «unique», il peut être interprété de plusieurs façons différentes – certaines personnes prononceront le «E» en «É», d’autres en «È» et d’autres encore ne le prononceront pas du tout – comme une preuve de l’inéluctabilité de la diversité des perspectives.

Au fil de leurs expériences, autant personnelles que professionnelles, les deux cofondatrices de l’agence ont compris l’importance de bâtir des ponts entre les différents mondes et points de vue. Désormais, avec l’aide de leur équipe, elles mettent leur vaste champ de connaissances juridiques, politiques et sociales à la disposition des entreprises qui sont prêtes à poser les fondations pour devenir de meilleures citoyennes.

Une prise de conscience en trois temps
L’offre d’Uena se répartit en trois services: la gouvernance inclusive, les communications d’impact et les relations communautaires mobilisatrices. Et tous les trois sont indissociables.

«Notre parcours nous a amenées à conclure qu’on ne peut pas s’attaquer aux questions d’équité, de diversité et d’inclusion sans analyser la posture de l’organisation dans son ensemble, explique Shahad. On évalue sa structure, ses communications et ses relations avec la communauté. C’est pour ça qu’on ne prend pas de mandats ponctuels. Pour travailler avec nous, il faut vouloir prendre le temps de passer par notre processus complet.»

Gouvernance inclusive
Depuis quelques années, Uena a démantelé plusieurs comités EDI au profit de refontes des structures et des mécanismes internes. Pour assurer la présence d’un leadership inclusif au sein d’une organisation, Uena touche beaucoup aux rôles et responsabilités, à la hiérarchie, aux pratiques RH et aux profils de compétences.

«On ne peut pas changer les gens, mais on peut changer les structures et les organisations, affirme Dafina. De facto, si les organisations sont inclusives, des mécanismes seront en place pour permettre de reconnaître les comportements ou les fonctionnements discriminatoires.»

L’agence s’assure aussi que les valeurs fondamentales qui guident les organisations se manifestent dans les actions et les décisions qu’elles prennent au quotidien.

Communications d’impact
Une fois les actions réalisées et les initiatives mises en place, celles-ci doivent être communiquées à l’interne et à l’externe pour que les gens s’approprient le changement. Autrement dit, elle les fait passer des gestes à la parole.

Selon les deux expertes, même si on a tendance à croire que les enjeux d’EDI sont purement organisationnels, ceux-ci sont aussi liés à la communication. Une entreprise peut avoir toutes les bonnes intentions du monde, utiliser un lexique qu’elle croit inclusif et poser des gestes corrects, si sa compréhension de la réalité de ses destinataires ne transparaît pas dans son message, elle n’aura pas du tout l’impact escompté.

«Quand les choses ne fonctionnent pas dans une organisation, c’est toujours en raison de perspectives divergentes ou d’incompréhension, constate Shahad. Il y a un réel besoin dans le marché de personnes qui maîtrisent l’art de parler des enjeux sociaux.»

C’est là qu’Uena entre en jeu: avant même de soutenir les entreprises dans la création de communications inclusives, l’agence les aide à mieux comprendre les perceptions qui peuvent influencer l’interprétation de leur message.

Relations communautaires mobilisatrices
Le troisième volet des services qu’offre Uena vise à briser les silos entre la société civile, les organismes à but non lucratif et le monde des entreprises. Pour mieux se comprendre, il vaut mieux se connaître, tout simplement.

«On utilise le terme “mobilisatrice” parce qu’il est important que les actions communautaires qui sont prises soient réfléchies, explique Dafina. Les gens pensent parfois qu’en faisant un événement avec un organisme de bienfaisance, un partenariat est créé, mais ce n’est pas le cas. Les entreprises doivent définir leur rôle au sein de la société et établir des relations communautaires qui sont en lien avec leurs valeurs et l’empreinte sociale qu’elles souhaitent avoir.»

Uena amène même sa clientèle à réfléchir à la façon dont leurs produits et services sont pensés. Tiennent-ils compte des enjeux sociaux? Sont-ils inconsciemment conçus de manière à exclure une tranche de la population? Tout cela, dans le but de reconnaître les biais qui créent des barrières et favoriser l’osmose entre les différents milieux.

Une mission incontournable
Pour travailler avec l’équipe d’Uena, les organisations doivent être disposées à se lancer dans de profondes réflexions. Pas question de mettre des pansements sur les bobos, les services d’Uena sont une opération à cœur ouvert.

«Les gens avec qui on collabore voient la nécessité d’abandonner la langue de bois et de réellement comprendre les choses, affirment fièrement les deux entrepreneuses. Nos services les forcent à sortir de leur zone de confort et à se dire “OK, même si mon organisation n’a pas forcément été discriminatoire, il y a quand même des groupes qui vivent des réalités que moi, personnellement, je ne connais pas”.»

Même s’il est vrai que beaucoup d’organisations font appel à Uena en réaction à une crise de communication, de plus en plus de dirigeant·es sont influencé·es par le climat social actuel qui les pousse à entreprendre une véritable prise de conscience.

«Les dernières années ont fait ressortir beaucoup d’enjeux et de réalités sur lesquels la plupart des organisations ne se sont jamais penchées, conclut Dafina. Les entreprises sont désormais conscientes de la nécessité de réfléchir à leur impact social afin d’être cohérentes avec notre époque.»

Pour Shahad et Dafina, toutes ces questions ont toujours été pertinentes. Cependant, la création de leur agence n’aurait pas pu tomber plus à point. Comme elles le disent si bien, «la diversité est un fait et elle ne demande qu’à être reconnue» – pas étonnant qu’elle soit aujourd’hui sur toutes les lèvres. D’ailleurs, l’engouement est tel que l’agence est à la recherche de personnes passionnées qui voudraient se joindre à son équipe et prendre part à l’action!

uena
Shahad Salman et Dafina Savic