Le rôle de gestionnaire de communauté est encore jeune, tout comme la présence des réseaux sociaux dans nos vies. Pour certains, il s’agit d’un rôle d’homme-orchestre qui inclut une myriade de responsabilités, allant de la rédaction de contenu au service à la clientèle, en passant par le montage photo et vidéo. Pour d’autres, c’est plutôt un travail d’équipe qui met à profit les talents de plusieurs pour donner au rôle une essence plus précise, en tant que représentant de la marque et animateur responsable de la section des commentaires. Bref, toutes ces réponses sont valides, parce qu’en fin de compte, tous s’entendent pour dire que le rôle d’un gestionnaire de communauté est d’incarner la marque en ligne, sa personnalité et sa voix unique. Voici le portrait de trois gestionnaires de communauté pour des marques québécoises qui nous font rire (presque) quotidiennement.

Jonathan Côté, porte-parole, chargé d’équipe pour les médias sociaux et la veille médiatique chez Hydro-Québec
Jonathan Côté est certainement un des gestionnaires de communauté qui a le plus d’expérience, cumulant maintenant dix ans dans l’équipe de médias sociaux d’Hydro-Québec. Il était là lorsque la société d’État s’est lancée sur Twitter, en 2012, et ensuite sur Facebook en 2016, et a fait partie intégrante du processus pour trouver la voix d’Hydro-Québec sur les réseaux sociaux. Il occupe maintenant un rôle hybride de porte-parole ainsi que de chargé d’équipe, avec deux gestionnaires de communauté à sa charge.

Pour Jonathan, le rôle de gestionnaire de communauté allie le service à la clientèle et les relations publiques. Puisque c’est souvent un rôle qui contient beaucoup de responsabilités connexes, ça prend beaucoup de flexibilité, de débrouillardise, et de patience, et aussi une curiosité pour la marque qu’on représente: «Il faut vraiment s’intéresser à fond aux organisations pour lesquelles on fait de la gestion de communauté, parce qu’après, dans les conversations, c’est à nous d’incarner l’entreprise, alors il faut être à l’aise avec tous ses messages et ses valeurs pour que ça vienne naturellement.»

Il raconte la première occasion qu’il a eu d’interagir avec une autre marque, ce qui a déclenché le changement de ton d’Hydro-Québec vers la voix plus «baveuse» qu’on lui connaît maintenant. «C’était en novembre 2015, on s’est mis à recevoir plein de notifications qui n’avaient ni queue ni tête de la part de Radio-Canada, dont une qui disait "camion gris.” En quelques minutes, le mot-clic #camiongris est né: c’est devenu viral sur Twitter et tout le monde s’est mis à faire des niaiseries avec ce mot-clic. Je savais qu’on avait déjà eu des camions gris chez Hydro-Québec, alors j’ai trouvé des photos d’archives et j’ai convaincu ma directrice. On a fait ce tweet-là et ça a super bien fonctionné; les gens n’en revenaient pas qu’Hydro-Québec ait participé à cette affaire-là.»

Alexandre Perras, gestionnaire de communauté et de contenu chez Ricardo Média
Après avoir travaillé pour Vice Québec et Quatre95 d’Urbania en tant que gestionnaire de contenu numérique, Alexandre Perras a rejoint l’équipe de Ricardo Média où il évolue depuis un an et demi maintenant. Il décrit son rôle de gestionnaire de communauté comme étant très social et humain, car il ne s’agit pas seulement d’être présent sur les réseaux sociaux, mais bien d’entretenir le dialogue avec la communauté.

D’abord connue pour les réponses comiques aux commentaires sur les recettes de son site web, la voix de marque numérique de Ricardo a beaucoup évolué, et s’est justement inspirée de cette situation: «Ça a soulevé beaucoup de questions et de réflexions à l’interne. Maude (Bourcier-Bouchard, directrice contenu et création) et moi on s’est dit, qu’est-ce qu’on peut faire avec ça? La genèse, ça pourrait partir de ces commentaires-là.» Le fait d’avoir une personne réelle sur laquelle calquer sa voix et son ton l’inspire à rester authentique, une qualité qui est essentielle selon lui lorsqu’on travaille sur les réseaux sociaux.

Une des interactions qui va rester gravée dans sa mémoire longtemps est celle qu’il a entretenue avec Alexandre Champagne en décembre dernier, lorsque celui-ci a repris le contrôle des réseaux sociaux de Trois fois par jour et a créé le personnage de Mardo, un mélange de Marilou et Ricardo. «Il faisait croire qu’il avait piraté la page. J’ai fait un deuxième montage de Mardo, et c’est ça qui a été repris. C’est une super partie d’échanges comiques: la seule intention qu’il y a derrière, c’est de faire sourire les gens. C’est le meilleur moyen que deux marques se rencontrent, et les gens parlent encore de Mardo aujourd’hui dans les commentaires.»

Antoine Cormier, gestionnaire de communauté chez Maxi, et Martina Djogo, directrice au contenu chez LG2
Chez LG2 et Maxi, ça se passe un peu différemment: c’est en effet une équipe au complet qui soutient le gestionnaire de communauté Antoine Cormier, qui a gradué en 2020 et occupe le poste depuis deux ans. À la tête de cette équipe, on trouve Frédéric Tremblay (directeur de création sur Maxi) et Martina Djogo (directrice de contenu). Elle explique que la création de contenu est faite chez LG2, et que le rôle d’Antoine est de maximiser l’engagement avec les publications: «Pour nous, le contenu, c’est une stratégie d’interaction, donc une fois qu’on a publié quelque chose sur les réseaux sociaux, ça prend sa propre vie. Ça vit encore plus dans les commentaires, et le gestionnaire de communauté fait partie de notre équipe de conception par extension, parce que c’est la personne qui fait vivre la tonalité de la marque, et c’est la personne qui est capable de continuer à alimenter la blague et faire en sorte que toute l’audience de Maxi embarque dedans.»

Des listes de réponses, et de blagues, sont donc souvent préparées à l’avance pour chaque campagne, pour donner à Antoine le plus d’outils possibles pour faire son travail et s’amuser dans son carré de sable qu’est la section des commentaires. Pour Antoine, cela veut dire qu’il peut se concentrer sur la communauté et être à l’écoute de celle-ci. Il décrit la communauté numérique de Maxi comme étant drôle et impliquée: «C’est vraiment comme un groupe d’amis avec qui je peux pousser mes blagues plus loin sans gêne. Ce qui est amusant avec Maxi, c’est qu’il y a un groupe d’habitués qui reviennent à chacune des publications, et on se concentre sur avoir du plaisir.» Un membre de cette communauté qui lui réserve beaucoup de surprises est Martin Matte lui-même. En effet, l’humoriste commente parfois sur les publications de Maxi, et ce, de manière tout à fait spontanée, ce qui pousse Antoine à être toujours plus créatif.

Selon Martina, le rôle de gestionnaire de communauté devrait s’éloigner de cette idée de couteau suisse et devenir un travail d’équipe: «C’est difficile quand on commence, on veut tout faire pour prouver qu’on est les meilleurs, mais chacun à ses forces. Il y a des gens qui vont être super bons en analyse et très stratégiques, par exemple. Je ne pense pas qu’on devrait tous tout faire, autant des textes que des photos et des vidéos, mais plutôt tirer profit de ses talents et affirmer ce dans quoi on devrait aller chercher une expertise externe. Mon conseil, ce serait donc de définir le rôle clairement.»

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