Dès les débuts de la pandémie de COVID-19, l’industrie de l’événementiel a connu ses contrecoups d’une manière qu’on pourrait qualifier de foudroyante. En plein développement de projets plus intéressants les uns que les autres, le couperet est tombé: tout devait être annulé. Micah Desforges, président-fondateur de l’agence Tribu Expérientiel, nous raconte comment son équipe et lui ont su naviguer en eaux troubles, pour finalement en ressortir plus outillés et optimistes que jamais.

Au déclenchement de la crise, Micah Desforges était en voyage au Mexique, confiant de créer de futurs partenariats pour Tribu. À ce moment, près de 99% du chiffre d’affaires de la firme spécialisée en production d’expériences de marque et d’événements de sports extrêmes (à qui l’on doit notamment le très couru festival Jackalope) provenait de projets en présentiel. Mais, sans qu’il ait le temps de s’en rendre compte, tout s’est arrêté net. 

«Ça faisait deux ans que j’étais dans un avion tous les mois pour développer un réseau de contacts et d’opportunités en Amérique du Nord et à l’international. On avait plein de projets, j’avais même un deal pour exporter Jackalope au Brésil et à San Diego. Et finalement, tout ça a été annulé d’un coup.»

Une triste histoire qu’il n’a malheureusement pas été le seul à vivre durant ces premières semaines particulièrement anxiogènes qu’ont été celles de mars 2020. Ne se laissant pas décourager pour autant, Micah Desforges a hissé bien haut les voiles du bateau pour lui faire prendre une nouvelle direction à travers cette tempête d’imprévus.

De boîte événementielle à boîte de production vidéo
Comme plusieurs autres entreprises, Tribu Expérientiel a d’abord dû se départir temporairement de la majorité de ses employé·es, qui ont ensuite été rapatrié·es à l’annonce des subventions gouvernementales. «On était 15 employé·es, et on en a laissé aller 11 temporairement. On est resté 4 en cellule de crise pour transformer et repartir la machine», précise Micah Desforges

Dans l’impossibilité de produire des événements en personne et alors que la vidéo ne représentait qu’entre 1 et 5% du chiffre d'affaires de l’entreprise, l’agence a décidé de lancer un tout nouveau service de création de contenu. 

«Étant une agence événementielle, on n’était, jusque-là, pas trop dans le storytelling ou la vidéo documentaire, mais plus dans le recap ou le teaser. On a développé depuis les deux dernières années cette expertise-là, celle de créer des histoires pour garder actives les communautés de nos festivals, comme Jackalope. On a aussi commencé à faire du contenu vidéo pour nos clients, comme des offices touristiques, ou sous forme de «micro-événements». On a mis de côté les événements à plus gros déploiement pour vraiment nous concentrer sur ce type de productions, mais nos événements d’importance, Jackalope entre autres, reviennent cette année.» 

Bien que la machine événementielle reprenne tranquillement, cette nouvelle expertise vidéo est loin d’être perdue – ou mise de côté – par l’équipe de Tribu. Au contraire, pour Micah Desforges, la production de contenu est une belle opportunité de garder la conversation vivante avec les publics et les fans et ce, à longueur d’année. 

«On aide maintenant les marques à connecter avec les consommateur·trices. Avant, notre contenu était plutôt utilisé de façon promotionnelle, pour l’achat de billets ou la réservation d’une date, et pour remercier les participant·es à la fin d’un événement. Maintenant, on produit et on lance du contenu toutes les semaines. Voyage, documentaire, profils d'athlètes, on touche à beaucoup de choses et ça nous a aussi permis de proposer des concepts télé. On peut maintenant non seulement créer un événement grand public ou un festival, mais aussi proposer une activation ou une stratégie de contenu complète.»

Hybride, présentiel? Telle est la question
En ligne ou en personne, comment se définissent les contours de l’industrie de l’événementiel au tournant d’un bouleversement sans précédent des pratiques? Face à cette question que plusieurs se posent, Micah Desforges s’avance avec réflexion et sagesse. 

«Avec la pandémie, le numérique a fait un bond de 10 ans et on sent que l’avenir est hybride. Mais préférer être en personne ou en ligne, ça dépend de beaucoup de choses, comme la tranche d’âge, les croyances ou même l’opinion politique. Il n’y a pas de one size fits all dans le retour qu’on vit. Comme aux États-Unis par exemple, où dans plusieurs états, les événements en personne ont toujours été perçus comme sécuritaires, même en temps de pandémie.»

Chose certaine pour le président fondateur de Tribu, les décennies à venir seront de plus en plus connectées. «Il a une “digitalisation” humaine qui est un train pas mal plus gros que la COVID. L’avenir de l’événementiel est comme un compartiment dans un wagon de ce train, et est-ce qu’il sera hybride? La réponse courte est oui. Je pense que si les interactions sont authentiques et bien pensées, il y a plein de bonnes choses qui peuvent être faites avec le numérique. Je pense aussi que les gens veulent surtout vivre des expériences et des événements qui vont être significatifs pour eux.»

Les années folles prise 2?
Période de renouveau et d’euphorie qui a suivi la fin de la Première Guerre mondiale, les années folles ont été synonymes d’un profond goût de vivre après un long moment où régnaient désolation et sacrifices. Est-on en train de la revivre? Pour Micah Desforges, ce début d’après-pandémie ressemble drôlement à cette époque de renaissance collective et culturelle. 

«C’est fou, ça n’a pas de sens! On dirait les années folles parce que les gens dépensent, ils veulent juste vivre, avoir du plaisir, ils sont tannés de la trame narrative de la COVID au Québec. Le retour est explosif, on veut vivre des voyages, des expériences, célébrer et surtout profiter. Cet état d’esprit va assurément créer des opportunités pour nous. Je veux exporter notre savoir-faire hors du Québec, avec nos événements de skate et d'escalade entre autres. Je pense que le meilleur est à venir.»

Et comment Tribu voit-elle  le possible retour d’une Xe vague (et d’un énième confinement) qui signifierait de nouveaux bouleversements pour son industrie?

«C’est sûr que la pandémie, ça fait peur, mais je vois ça comme sur un bateau. Il est en train de voguer, mais, peu importe quand tu pars et vers où tu vas, ultimement, tu ne peux pas tout contrôler. On va essayer de protéger notre bateau et notre équipage le plus possible. On avance, on fonce et on verra.»

D’un ton qui se veut plus optimiste que craintif, Micah Desforges conclut sur cette phrase: «On part à la conquête du monde et on commence à Virginia Beach!». 

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PHOTOS : Tribu.co