La possibilité que Meta, la maison mère de Facebook, prive les Européen·nes de ses plateformes Facebook et Instagram a été soulevée au début du mois. Explications.

Le transfert des données au cœur du conflit
Meta
a fait planer la menace dans un rapport annuel soumis à l’US Securities and Exchange Commission (SEC), l’organisme de réglementation des marchés boursiers aux États-Unis — même si elle se défend de l’avoir fait. Enfouie dans un document de plus de 130 pages, cette phrase n’est pourtant pas passée inaperçue: «Il nous sera probablement impossible de fournir en Europe certains de nos produits et services les plus importants, y compris Facebook et Instagram». Le géant fait ici référence à la condamnation en juillet 2020 de l’accord sur les données personnelles, Privacy Shield, signé entre l’Union européenne et les États-Unis.

En bref, Mark Zuckerberg et sa bande appréhendent de devoir se conformer à la réglementation de l’UE empêchant de stocker les données personnelles des utilisateur·trices du vieux continent sur des serveurs américains. Meta indique que la capacité de transférer les données entre les pays est vitale pour la publicité en ligne — qui est sa principale source de revenus. À 98 %, rien de moins. Le cas est présentement examiné par l’Europe, et Meta espère qu’un nouvel accord soit trouvé afin de continuer à gérer les données hors UE.

Meta peut-il vraiment se passer de l’Europe ?
Professeur d’anthropologie à l’UCLouvain, Olivier Servais estime que le retrait des plateformes du géant aurait moins de conséquences qu’on ne le croit. «On voit que Facebook a tendance à diminuer en termes de popularité chez les Belges. Et peut-être que ça pourrait être une chance pour l’Europe d’avoir une alternative européenne », affirmait-il en entrevue au RFTB. Si l’Europe pouvait se passer de Meta, le contraire serait-il possible? Les données montrent que le marché européen compte 427 millions d’utilisateur·trices actifs·ves sur Facebook. Et ce marché serait plus rentable que les autres. Un·e utilisateur·trice européen·ne rapporte en moyenne 19,68 $ versus 4,05 $ pour la région de l’Asie-Pacifique.

Pour l’avocat Jérôme Dalmont, de la firme Itlaw, il s’agirait plutôt d’une «pression politique», puisque Meta se verrait mal se priver du marché européen, et que cette menace servirait à pousser l’UE et les États-Unis de se mettre d’accord, mentionnait-il au journal Le Parisien. Journaliste spécialisé dans les nouvelles technologies et auteur d’une biographie sur le fondateur de Meta, Daniel Ichbiah disait au journal qu’il s’agit d’une menace à ne pas prendre à la légère, puisque des milliers d’emplois pourraient être en péril. Rappelons-nous que l’entreprise avait signifié son intérêt à vouloir créer, d’ici cinq ans, 10 000 emplois pour travailler sur le metaverse.   

Ce n’est pas la première fois que l’entreprise brandit une telle menace. L’an passé, Meta avait temporairement empêché les éditeurs en Australie de partager des informations dans le cadre d’une tactique alarmiste visant à obliger le gouvernement australien à modifier son code de négociation des médias. Les dirigeants européens appellent toutefois au bluff et ne croient pas que la menace sera mise à exécution. Le ministre allemand de l’Économie, Robert Habeck, avait déclaré, lors d’une conférence de presse, qu’après avoir été piraté, sa vie sans Facebook ni Twitter avait été fantastique. Le ministre français des Finances Bruno Le Maire avait également dit que la vie était «très belle» et «qu’on pouvait très bien vivre sans Facebook». Marietje Schaake, la directrice des politiques internationales cybernétique de l’Université de Standford, auparavant membre du Parlement européen des Pays-Bas, estime elle aussi que les chances que Meta se retire sont nulles, puisque le marché européen est trop important pour l’entreprise.

Pour le moment, les habitudes numériques des Européen·nes ne sont pas chamboulées. Donc, pas à la r’voyure de sitôt, Meta.

chiffres

Sources : Zone Bourse, Radio-Canada et Le Parisien

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