À présent qu’on peut se réunir à plusieurs bulles à l’intérieur de nos maisonnées (!), ça a certainement brassé dimanche soir lors de la 56e édition du Super Bowl. Les Rams de Los Angeles et les Bengals de Cincinnati se sont disputé les grands honneurs depuis le SoFi Stadium d’Inglewood en Californie, domicile des Rams — qui ont par ailleurs remporté le match 23 contre 20.

Qu’on soit fan de football, de pubs, qu’on veuille se délecter du fameux halftime show ou simplement se réunir entre ami·es, la soirée de dimanche n’a certainement pas déçu ! La rappeuse Mary J. Blige, les rappeurs Dr. Dre, Kendrick Lamar et Eminem ont carrément brûlé les planches au spectacle de la mi-temps. Nostalgie des années 90, quand tu nous tiens !  

Le record cette année ? Le coût d’une publicité de 30 secondes s’élevant à 6,5 millions de dollars… Jamais un Super Bowl n’aura coûté aussi cher aux annonceurs ! On a demandé à nos publicitaires d’ici de nous dévoiler leurs coups de cœur. Merci de vous être prêté au jeu, c’est pas mal sympa ! :)

Mathieu Lacombe, directeur de création, Rethink 
« Il y a des pubs qui ont d’excellents concepts, d’autres qui peuvent nous émouvoir et d’autres qui sont simplement du pur divertissement. C’est le cas pour moi de la pub de Gm avec Mike Myers. La version longue est un pur régal. Le jeu des comédiens nous replonge directement dans l’univers d’Austin Power sans être travesti par le message que la marque veut passer. (Ce qui est malheureusement souvent le cas quand des personnages de film culte apparaissent dans des pubs.)

L’agence new-yorkaise GREY a frappé fort cette année avec la pub de Pringle, à la fois touchante et ridicule cette pub nous fait voir la vie entière d’un homme qui s’est coincé la main dans un tube de Pringle. Un 60 secondes qui passe trop vite. 

Squarespace nous a habitués à des publicités colorées et entraînantes comme le fameux “5 to 9” de l’an passé. Cette année ils sortent les gros canons en utilisant la coqueluche d’Hollywood Zendaya transporté dans un univers à la Wes Anderson avec une narration qui ferait fourcher la langue de n’importe quelle recrue du conservatoire. Ça aussi ça passe trop vite. 

Gros gros coup de cœur pour le message super simple et humoristique de UBER EAT qui veut faire la promotion de son nouveau service de livraison. Avec la fantastique ligne : THANKS TO UBER EAT, WE DON'T EVEN KNOW WHAT FOOD IS ANYMORE. Ça aussi on en aurait pris plus longtemps, mais le point fort c’est que le message est extrêmement clair ; Now delivering Eats. And don't Eats. 

Le succès inattendu de la pub de Coinbase une compagnie qui œuvre dans la cryptomonnaie, qui a vu son app crasher à cause de la popularité de son "boucing QR" qui reprenait le fameux visuel de l'économiseur d'écran DVD si souvent parodié. Les gens qui scannaient le "QR" étaient redirigés vers le site promotionnel de l'app où on vous invitait à vous abonner à Coinbase en échange de 15$ en Bitcoin. Une autre preuve qu'une bonne publicité peut être extrêmement simple et efficace même au Super Bowl, comme la publicité de Reddit l'an passé. Cela pourrait aussi signer le grand retour en force des QR code dans le monde de la communication (technologie souvent critiquée, mais qui peine à être remplacé).»

Maxime Mercier, directrice de comptes, TAXI
« À chaque exploitation de commandite effectuée pour un client, j’ai toujours le même conseil : embrasser les codes du show et faire en sorte que les placements publicitaires soient un prolongement du divertissement principal. Pour le Super Bowl, c’est complètement l’inverse : j’ai un faible pour les marques qui décident d’investir dans un spot divertissant, en faisant totale abstraction du sport. Après tout, les publicités du Super Bowl sont une tradition en soi. Le téléspectateur n’a pas besoin de voir Jerod Mayo plaquer Pete Davidson pour comprendre que Hellmann’s a investi des millions pour faire partie du show. Les plus mémorables sont celles qui proposent généreusement un contenu divertissant.

Frito-Lay l’a bien compris avec la reprise de Push It par des animaux à la bouche enflammée de Flamin’ Hot, ainsi qu’avec l’histoire d’amitié pleine de rebondissements entre Seth Rogen et Paul Rudd pour Lay’s.

Deux marques qui ont investi de façon efficace en valeur de production et utilisation de célébrités afin de marquer les esprits et donner envie de consommer leurs produits. Le tout soutenu par d’excellents teasers : Doritos a misé sur la grande popularité de Megan Thee Stallion et Lay’s a répondu en brisant le 4e mur. Absolument croustillant. »

Julien Ponton, directeur artistique, FCB
« De cette pléthore de publicité misant sur l’aspect mélancolique, le jeune moi a tout simplement adoré retrouver Dr. Evil pour GM. La pub profitait du 20e anniversaire (WOW 20 ans !) nous séparant du dernier film d’Austin Powers. Au visionnement, j’ai donc été immédiatement catapulté dans le passé, la bouche pleine de Skittles, pouffant de rire à des blagues burlesques à souhait. J’ai été servi ! Le même plaisir imbécile et léger. Du bonbon ! Le script bien dosé et savamment élaboré aurait pu faire partie d’un nouveau film de la série. Belle exécution ! »

Jean-François DaSylva, directeur de création, Cartier
« J’adore la pub du Super Bowl, car c’est le divertissement publicitaire à son meilleur. Par contre, ça ne veut pas dire qu’en se concentrant sur les rires, les grandes vedettes ou les valeurs de prod à tout casser, il faut évacuer le lien à l’annonceur ou au produit.

C’est pourquoi je trouve que Michelob Ultra a réussi un beau coup avec sa pub du… Superior Bowl. En récupérant les codes de Big Lebowski (clin d’œil à Steve Buscemi) et des vedettes de sport telles que Peyton Manning et Serena Williams (il y en a plusieurs autres, de différents sports), Michelob a trouvé la recette parfaite pour brasser bière, sports, vedettariat et joie de vivre. À l’aide d’une trame musicale et d’une facture visuelle nocturne et décontractée, la tonalité low key du message le sort d’un lot typiquement bruyant.

Fait intéressant, ils se sont de toute évidence servi de la production du message principal pour filmer celui d’un autre produit, le Organic Seltzer, dont les canettes apparaissent dans le message Ultra, d’ailleurs. Ce deuxième message est toutefois beaucoup plus prévisible. Finalement, points bonis pour la campagne teaser faite de courtes scènes qui en disent juste assez, autant sur l’ambiance désinvolte que sur les personnages principaux.»

Amélie Martin, stratège de contenu, Cartier
«L’angle d’autodérision qu’a choisi Uber Eats pour sa publicité lui a, selon moi, permis de se démarquer. Avec un nom d’entreprise qui évoque directement la nourriture, l’offre de service de livraison d’articles non alimentaires d’Uber Eats peut soulever la confusion. Aborder cette dualité de front (et avec autant d’humour) était une façon aussi efficace que mémorable d’en faire la promotion, en plus d’assurer l’attribution à la marque. Mention spéciale à Coinbase, qui a réussi le pari de susciter la curiosité autour d’un simple code QR, au point de générer assez de numérisations pour faire planter l’app.»

Sylvain Dufresne, vice-président, chef de la création Montréal, FCB
« Mon coup de cœur, Uber Eats. Un gag simple, absurde à souhait et extrêmement bien poussé. Un plaisir de visionnement pur comme doit l’être une pub du Super Bowl. J’ai bien aimé l’angle d’Amazon “Mind reader” qui représente, en partie, le sentiment d’utiliser des appareils intelligents. Je veux absolument souligner l’audace de Coinbase QR Code, 60 s d’un QR code seul à l’écran qui se promène à la manière d’un “screensaver” du passé. Bravo !»

Félix-Antoine Belleville, concepteur-rédacteur, lg2
« Mis à part quelques camionneurs, qui n’a pas utilisé de QR ces dernières années ? Eh bien Coinbase, un site dédié à la crypto, frappe un coup de circuit avec son spot 60 secondes. Un simple code QR qui rebondit à l’écran tout en changeant de couleur. Un clin d’œil au fameux logo DVD qui rebondissait, lui aussi. La pub a tellement attiré l’attention que le site et l’application de l’annonceur ont planté quasiment immédiatement après la diffusion. Une idée simple qui se démarque du raz-de-marée de vedettes. »

Joël Letarte, directeur de création adjoint chez Cossette
« Le Super Bowl est devenu avec les années le rendez-vous des vedettes et de la grosse valeur de production. Je n’ai rien contre, mais c’est toujours le fun de voir qu’une bonne idée créative reste probablement le meilleur moyen de se démarquer. Personnellement, je lève mon chapeau à Uber Eats. Oui, il y a des vedettes. Et oui, ça coûte cher à produire. Mais c’est surtout une idée qui a des jambes au-delà de tout ça. Une idée courageuse, efficace et au service de la marque. Je dois dire que j’ai aussi eu une petite émotion avec la pub d’Expedia. Après deux ans où la seule excitation était de recevoir des colis remplis de stuff par la poste, Ewan m’a eu en parlant de se créer de vrais souvenirs. Là, j’ai juste envie de réserver mes prochaines vacances. Et bravo pour le clin d’œil aux autres annonceurs. »



Philippe Brassard, directeur de création adjoint chez Cossette
« Une tendance absente, c’est la pub patriotique de voiture. Depuis la crise de 2008, des messages publicitaires comme Half Time in America, Imported from Detroit, Farmer ou The Middle, dressaient des parallèles entre les valeurs de nos voisins du sud et leurs constructeurs automobiles. Cette année, ce thème a été laissé au vestiaire pour faire place aux voitures électriques, à l’image du message du Silverado avec le clin d’œil aux enfants des Sopranos. Je me demande ce que cela signifie pour le pays de l’oncle Springsteen. »

Martin Bernier, concepteur-rédacteur, Les Évadés
« C’est pas toujours le cas, mais le match a été meilleur que les pubs. Je retiens tout de même celle que s’est payée la NFL à la mi-temps. J’ai l’impression qu’aux prises avec un débat irritant depuis l’affaire Kaepernick, la NFL a tenté de s’acheter une conscience, du bout du genou, en mettant en scène de gros canons de la culture hip-hop. Je peux me tromper, hein… J’avais prédit au début de la saison que les Jets allaient tout gagner… Paix et amour. Bonne Saint-Valentin à tout le monde ! »

Maxime Jenniss, directeur de création adjoint, lg2
« Cette année encore, on s’est vu offrir des pubs à gros budget, remplies de vedettes, mais qui nous racontent des histoires qui tombent à plat. Une chance qu’il y avait un match de football entre les pauses publicitaires. En rafale : Jon Hamm m’a fait sourire dans la pub d’Apple TV+. Le retour de Dr Evil dans celle de GM, c’était miser gros sur la nostalgie mais pas assez sur le script. Budweiser et Toyota ont flanqué leurs logos sur deux beaux courts métrages. Chapeau à Google Pixel 6 pour son message Real Tone, belle solution à un problème auquel plusieurs, dont moi, n’avaient sans doute jamais pensé. Ewan McGregor ne regrettera sûrement pas de ne pas s’être acheté un bic au nez allongé. Et je suis bien déçu de ne pas avoir vu la pub d’Ozempic pendant l’évènement.

Enfin, mon coup de cœur va à la pub qui a sauvé cette cuvée de déceptions, Uber Eats. Une idée simple, réalisée à la perfection, sans artifices mais avec beaucoup d’humour et d’absurdité. Si vous n’avez pas reconnu les célébrités, c’est pas grave, c’est drôle pareil. Et comme j’ai regardé la pub d’Uber Eats à deux reprises et que c’était le Super Bowl, je me suis commandé du junk food pas mangeable. »

Marc Guilbault, directeur de création, lg2
« Mon coup de cœur est la campagne Uber Don’t Eats. C’est clair, drôle et précis sur le message. Pas de gros effets spéciaux et une idée qui fonctionne pour les spectateurs du monde entier. Tout le monde comprend. Je trouve que l’idée (qui peut presque sembler trop simple) est parfaitement livrée et apporte une belle autodérision à la marque qui a un nom qui peut porter à confusion avec leur nouveau service. Les célébrités sont accessoires à l’idée mais aident certainement à l’engouement de celle-ci. Bref, ça marque solidement l’esprit mais n’imitez surtout pas à la maison. (Comme ils le répètent 25 fois en légal.) »

Et vous, quelle pub vous a marqué?