La question est sur toutes les lèvres depuis les années 70: quel est l’avenir du papier dans un monde qui est en pleine transformation numérique? Il est clair que notre utilisation du papier a changé avec le temps. Nous consultons nos médias en ligne, nous imprimons peu ou moins — surtout, nous le faisons quand nous le jugeons nécessaire seulement — et nous avons embarqué dans le virage des relevés bancaires et de la facturation en ligne. Ce que nous pouvons appeler la «révolution numérique» a bel et bien changé nos existences et nos sociétés, mais elle a tout aussi, paradoxalement, contribué à la croissance de l’industrie du papier.

«Papier» et «pénurie»: des mots-clefs entrelacés
«En décembre, on dresse souvent ici et là un palmarès des mots les plus couramment utilisés dans l’année, qui la résument le mieux. En 2021, “pénurie” peut assurément aspirer au podium.» C’est ce que nous indique le journaliste Antoine Robitaille, dans un article de TVA Nouvelles. Mais le journaliste n’est pas le seul à s’intéresser au phénomène de la pénurie. En entrevue à Radio-Canada, Gilles Blais, président de l’entreprise d’imprimerie Précigrafik, explique que pour lui, «ce manque de papier représente du jamais vu en 35 ans de carrière. Certaines usines de papier […] se sont converties vers des lignes pour produire du papier d’emballage qui, lui, connait une forte croissance dans l’industrie». La demande de plus en plus grande pour les boites et l’emballage en général — directement reliée au commerce électronique — frappe de plein fouet cette industrie qui, visiblement, n’était pas préparée à une hausse de demande si fulgurante, comme le rapporte Jaclin Ouellet, journaliste au Maître papetier: «Les approvisionnements pour certains grades de papier sont si serrés qu’il est impossible pour quelques imprimeurs commerciaux de trouver du papier, et ce à n’importe quel prix!»

Le papier constitue-t-il l’avenir des communications?
Comme nous l’avons vu, l’essor des technologies numériques, tel le commerce électronique, bouleverse l’industrie du papier. Mais qu’en est-il des domaines de la communication? Bien que le numérique constitue une avenue plus riche en options de communication (hypertexte, indexation, motion, vidéo, etc.), il reste que le document imprimé ne perd pas la place importante qu’il occupe dans la société, dans l’économie et dans l’œil des personnes qui le consomment, car la matérialité de certains documents reste encore à ce jour importante aux yeux des gens. S’appuyant sur une étude menée sur la population française qui rapporte que les communications papier bénéficient d’un excellent indice de 59 % en matière d’attention publicitaire, Nicole Abenhaïm, DGA Marketing et expérience client de MEDIAPOST, affirme que «l’imprimé publicitaire crée un lien fort entre une marque et sa clientèle».

La valeur d’un objet vivant
Pour le chercheur Stéphane Labbé, le support papier est encore à ce jour une option recherchée et appréciée de la clientèle: «Du plan économique, les gens valorisent moins le format numérique, car il n’y a pas d’objet qui s’y rattache.» Dans sa thèse intitulée L’achat et l’emprunt de livres au Québec: une analyse communicationnelle, Stéphane Labbé montre clairement «que les gens ne sont pas encore prêts à changer leurs habitudes de lecture pour le numérique». Cette révélation vient appuyer l’analyse de Nicole Abenhaïm, qui explique que le papier génère encore «des émotions positives comme de la curiosité, du plaisir ou de la satisfaction». Les gens s’attarderaient non seulement plus longtemps à une publicité papier, mais ils seraient aussi plus enclins à réagir face au contenu, nous indique l’étude en question. Et tout est question de rituel, selon Nicole Abenhaïm et c’est «ce qui explique la lecture attentive et approfondie des prospectus».

La pandémie et le numérique
Qu’on le veuille ou non, la pandémie a eu un impact sur beaucoup d’aspects de nos vies. Alors que le monde entier se consacre à développer des événements virtuels, que les réseaux sociaux augmentent en popularité — comme TikTok, qui est devenu le site web le plus visité, surpassant ainsi Google — que les plateformes de lecture numériques continuent de se développer et que l’offre se multiplie de jour en jour, pour le public, il est clair que le numérique fait désormais partie intégrante du quotidien. Au Québec, le portrait de groupe des utilisateur·trices du numérique publié récemment par NETendances démontre que «six adultes sur dix (58%) ont avoué avoir augmenté beaucoup ou un peu les heures passées devant les écrans». Or, cette surcharge du numérique pourrait justifier l’affection marquée des gens pour le papier. En effet, selon Nicole Abenhaïm, dans plusieurs cas, «le catalogue papier a de bien meilleures performances» et la population «apprécie particulièrement ce média qui atteint des niveaux très élevés de taux de mémorisation et d’attention». De fait, la place du papier n’est pas à craindre. En entrevue à Stratégies, Nicolas Cassar, DG de HighCo Nifty, «la cohabitation entre le papier et le numérique est durable. Les marques utiliseront les deux supports en fonction des objectifs prioritaires de chaque campagne».

En terminant, même si le numérique gagne du terrain, il reste qu’il n’est pas le seul moyen pour entrer en contact avec la clientèle. Comme le montre une étude de Kantar Worldpanel, les campagnes de distribution d’imprimés peuvent faire grimper les chiffres d’affaires jusqu’à 13%. Les spécialistes s’entendent aussi pour dire que les publicitaires et les marques ont tout avantage à poursuivre leurs initiatives créatives et à faire preuve d’hybridité quant au format. Ainsi, une publicité papier munie d’une mise en page originale, un papier écoresponsable, des couleurs attrayantes et des typologies tendances peut parfaitement s’ajouter aux stratégies de communication et se joindre à une campagne, le tout selon les besoins. Dans tous les cas, les communications papier restent indispensables et «sont porteuses de quatre enjeux pour les grandes enseignes: la création de trafic, l’augmentation du chiffre d’affaires, la fidélisation et le recrutement de nouveaux clients et nouvelles clientes».

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