Il n’est pas surprenant de constater que les plateformes en ligne prennent de plus en plus d’ampleur à travers le monde. Avec plusieurs options à la disposition de tous, telles que Netflix, Disney +, Amazon Prime ou même ICI Tou.tv, il serait fou de ne pas profiter de l’éventail d’options de divertissement. Le Québec ne fait pas exception à ce phénomène d’entraînement vers le streaming. Par contre, qu’en est-il de la télévision dans cette situation? Perd-elle du terrain au profit des plateformes en ligne? Ou reste-t-elle encore populaire auprès des Québécois? C’est ce qui sera exploré dans ce face-à-face entre le média de masse et le streaming.

Toujours un média de masse
Tout d’abord, concernant la question de la popularité de la télévision auprès des Québécois, il semblerait que celle-ci conserve une place d’importance dans la population. C’est ce qu’explique Patricia Châteauneuf, directrice générale ventes médias multiplateformes à Radio-Canada: «Même si les plateformes d’écoute se multiplient, l’écoute de la télé n’a jamais été aussi importante», affirme-t-elle. En effet, selon Patricia Châteauneuf, la télévision reste le média le plus consommé par les Canadiens francophones avec une moyenne de 29 heures d’écoute par semaine. Selon elle, c’est plutôt le mode de consommation de ce média qui a changé: «Les gens ne sont plus obligés d’écouter une émission en direct à la télé. Ils peuvent aussi l’écouter en différé, en rattrapage ou sur d’autres plateformes.» C’est donc ce qui expliquerait la continuité de la popularité du média, puisqu’il se diversifie. Marie-Claude Wolfe, directrice principale Stratégies et marques à TV5, est du même avis et mentionne que les Québécois (2 ans et +) ont une consommation télévisuelle moyenne de 27 heures d’écoute par semaine. «Le nombre d’heures d’écoute par semaine nous confirme qu’il y a encore un engouement pour les contenus», explique Marie-Claude Wolfe. La télévision reste donc un média de masse malgré la forte présence de plateformes de streaming.

Une lente diminution de l’écoute télévisuelle
Bien que la télévision reste un média ultra populaire, les cotes d’écoute subissent une tendance à la baisse, surtout chez les plus jeunes: «On retrouve moins certains groupes cibles devant la télé. Par exemple, on remarque une habitude de consommation plus tournée envers les plateformes chez les 18 à 34 ans», pointe Marie-Claude. Par contre, il y aurait une écoute davantage présente chez les groupes plus âgés, soit pour les publics de 24 à 54 ans. Patricia dénote, de son côté, une augmentation des parts de marché au Québec, malgré une légère baisse au niveau de la portée télévisuelle: «Les productions originales francophones demeurent les contenus les plus prisés par les Québécois francophones à la télé et sur l’ensemble des plateformes canadiennes», explique-t-elle. La tendance à la baisse des cotes d’écoute ne semble donc pas constituer un problème du côté de Radio-Canada et de TV5. Selon la directrice principale stratégies et marques, cette diminution existe bel et bien, mais reste tout de même très lente.

Tendance à la hausse pour les plateformes en ligne
D’un autre côté, les plateformes en ligne, elles, gagnent de plus en plus en popularité. Pourquoi exactement? Selon Patricia Châteauneuf: «Ce qui est intéressant, c’est qu’elles permettent d’accéder au contenu à la demande, à un catalogue varié d’émissions», et même d’accéder à des émissions en rattrapage dans le cas d’ICI Tou.tv, explique-t-elle. Marie-Claude Wolfe ajoute que, sur les plateformes, les gens sont avides de consommation pour les fictions en rafales, puisqu’ils ont besoin d’être accrochés à une histoire et d’en connaître le déroulement rapidement: «On sent qu’il y a une attirance envers ce type de consommation. On le voit avec les plateformes étrangères dont le taux d’abonnement est assez important.» Précisément, tel que rapporté dans l’article «2020, l’année des géants de la télévision en ligne» de Radio-Canada, 52% des répondants étaient abonnés à la plateforme Netflix. 19% étaient abonnés à Amazon Prime, 16% au Club illico, ainsi que 14% à Disney +. Ces chiffres démontrent bien l’importance de ces plateformes dans la vie des Québécois, avec un total de 70% de la population qui détient un abonnement. ICI Tou.tv aurait aussi subi une augmentation du nombre d’abonnés et du nombre d’heures d’écoute, toujours selon le même article de Radio-Canada. Cette tendance générale à la hausse du nombre d’abonnements est donc appliquée à son tour au marché canadien francophone.

Un engagement à court terme
Malgré la très grande popularité des plateformes en ligne, une saturation peut être facilement atteinte par ses utilisateurs: «Des études démontrent que les gens ne vont pas s’abonner à plus de trois plateformes en ligne. À un moment donné, les gens font des choix, ils s’arrêtent et trouvent leur contenu parmi les plateformes choisies», explique la directrice principale stratégies et marques. De plus, une tendance à s'abonner et à se désabonner rapidement des plateformes a été observée, surtout chez les jeunes. «Ils ne prennent pas d’engagement à long terme avec les plateformes à cause, entre autres, de leur mois d’abonnement gratuit», affirme-t-elle. Les diffuseurs sur les plateformes se voient donc obligés de changer leur stratégie, en offrant, par exemple, moins de séries complètes en rafale pour soutenir l’engagement des consommateurs.

Consommer local avant tout
Bref, que faut-il en retenir de cette guérilla entre la télévision et les plateformes de streaming? En résumé, la télévision reste populaire, malgré l’importance grandissante et flagrante des plateformes en ligne. Par contre, au lieu d’être mis en opposition, les deux médias pourraient en fait cohabiter et se compléter l’un l’autre: «À la télé, les bons contenus fonctionnent aussi bien que sur les plateformes», énonce Marie-Claude. De plus, avec la pandémie, le divertissement en général est devenu une nécessité: «La télé devenait un service essentiel à sa façon pour briser l’isolement de certaines personnes et aussi informer», ajoute la directrice principale stratégies et marques. De plus, cela a permis à la population de renouer avec les contenus d’ici: «On est choyés au Québec d’avoir des plateformes qui nous permettent d’avoir du contenu original et c’est exactement ce que les gens aiment», explique la Directrice générale ventes médias multiplateformes à Radio-Canada. «Depuis la pandémie, on parle d’encourager les entreprises locales, de manger local. C’est la même chose au niveau du contenu», ajoute-t-elle. La télévision et le streaming devraient donc être perçus comme étant des outils de promotion de productions d’ici. Comme quoi les deux médias pourraient en fait s’entraider et que le succès de l’un n’emmène pas nécessairement le malheur de l’autre.

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