L’université n’est pas une école des métiers. Durant leur scolarité, plusieurs étudiants se questionnent sur la pertinence qu’aura ce qu’ils apprennent une fois sur le marché du travail. Pour remédier à ces inquiétudes, certains commenceront à travailler avant la fin de leurs études et d’autres se fieront complètement à leurs passeurs de savoir. Comment préparer les étudiants à la réalité du marché ? 

Pour répondre à cette question, je me suis tournée vers un professeur et une chargée de cours qui m’ont enseigné lors mon passage à l’Université de Montréal. Le journaliste Alain Saulnier est professeur dans le département de communication depuis près de 10 ans. Pour sa part, Pascale Lafrance a été chargée de cours pendant huit ans. Voici les méthodes qu’ils pratiquent en classe pour que les étudiants se sentent prêts le jour où ils porteront enfin le mortier : 

Utiliser son vécu et ses expériences dans le contenu du cours
La théorie reste la théorie d’une institution à une autre ou d’un professeur à un autre. Ce qui différencie le tout est souvent les exemples ou les situations dans lesquelles la théorie est intégrée. Alain Saulnier a travaillé pendant 30 ans comme journaliste. Il a été directeur général de l’information (services français) de Radio-Canada. Il est également à l’origine du premier Guide de déontologie de la profession journalistique au Québec alors qu’il était président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. « J’ai donc une préparation pratique qui m’aide grandement. C’est une des raisons pour lesquelles les étudiants aiment assister à mes cours. J’ai des connaissances directes de la pratique sur le terrain et j’ai pu observer et réfléchir à ce qui s’est passé dans le métier de journaliste. » Pascale Lafrance, pour sa part, s’inspirait également de ce qu’elle vivait au travail et des expériences de son entourage pour rendre plus concrets ses cours.

Inciter les étudiants à profiter de leur statut d’étudiant
S’il y a bien une chose qu’on n’utilise pas assez lorsqu’on est étudiant, c’est sa carte étudiante. En plus de pouvoir bénéficier de rabais étudiants, la carte étudiante agit également comme un passeport qui permet d’accéder à des activités exclusives et à de l’information de qualité supérieure. « J’incite les étudiants à profiter du statut d’étudiant pour accéder à certains milieux du domaine de la communication. Le pouvoir de la carte étudiante est sous-estimé, c’est un passe-partout. Je les encourage à solliciter les entreprises et à consulter des professionnels. La carte étudiante permet de participer à moindres coûts à des événements professionnels ou de devenir membre d’une communauté professionnelle. On n’a plus ce pouvoir une fois sur le marché du travail », confie Pascale Lafrance. Avec une carte étudiante, les étudiants peuvent eux-mêmes en connaître davantage sur la réalité du marché.

Présenter des professionnels aux étudiants
Au primaire autant qu’à l’université, il n’y a rien de plus excitant que lorsqu’un professeur invite un professionnel à partager sur un sujet ou sur son métier. C’est l’occasion parfaite pour poser des questions et en savoir plus sur les réalités concrètes d’un métier. « Mon expérience et les gens que j’ai côtoyés m’ont permis de développer un bon carnet d’invités de prestige à inviter dans mes cours », confie Alain Saulnier qui au cours de sa carrière a croisé les chemins de Pierre Nadeau, Madeleine Poulin et Louis Lesage entre autres. « Ils m’ont aidé à parfaire mon écriture journalistique et à bien maitriser les outils de montage audiovisuel. » Quant à Pascale Lafrance, elle invitait souvent à ses cours des conférenciers de plusieurs horizons ; des relations publiques à l’organisation interne. Elle s’assurait de trouver des professionnels au sommet de leur domaine pour capter l’intérêt des étudiants.

Les pousser à aller se trouver des mentors
Dans une lettre envoyée à Robert Hooke en 1675, Isaac Newton avait écrit : « If I have seen further, it is by standing on the shoulders of Giants (Si je vois si loin, c’est parce que je me tiens sur les épaules de géants) ». Autant que le pouvoir de la carte étudiante, on sous-estime souvent tout que ce qu’on peut appendre en allant directement consulter des professionnels pour des conseils. Ils ont eux-mêmes été étudiants et savent exactement à quel point l’entrée sur le marché du travail peut être intimidante ou compliquée. « Tout le monde aime parler de ce qu’il fait, encore plus quand c’est pour aider la relève et jouer le rôle de mentor », explique Pascale Lafrance. Pour Alain Saulnier, le partage de savoir ne s’arrête pas après l’obtention d’un diplôme : « Il y a beaucoup d’anciens étudiants qui me contactent pour valider des choses, pour des conseils ou pour les aider à finaliser un reportage d’enquête journalistique ».

Les aider à développer des compétences au-delà du cadre des cours
C’est bien connu, dans le domaine de la communication, l’excellence académique n’est pas garant systématique d’un succès professionnel. À l’embauche, personne ne demandera à un diplômé sa moyenne cumulative ou ses résultats académiques. Selon Pascale Lafrance, il faut offrir un plus pour se démarquer. « J’encourage les étudiants à trouver ce plus. J’insiste sur le développement d’une manière de se comporter sur le marché du travail autant que sur la théorie. Je débutais mes cours en présentant des offres d’emploi du jour même et je mets la lumière sur les compétences requises : la capacité à travailler en équipe, la pensée critique, le leadership, l’autonomie… ». Elle faisait ensuite des liens entre le contenu pédagogique et l’intérêt de développer ces compétences.

Conseils aux professeurs et chargés de cours de demain
La pénurie de main-d’œuvre frappe également le domaine de l’enseignement à tous les niveaux. Malgré cela, les programmes d’enseignement demeurent contingentés. Alain Saulnier et Pascale Lafrance encouragent ceux et celles qui considèrent cette avenue à s’y plonger. « Il faut avoir confiance en soi. Quand on décide de devenir professeur ou chargé de cours, on possède déjà plus d’informations qu’on le croit. Le défi c’est de savoir comment les transmettre de façon pédagogique, convaincante et animée. Enseigner, c’est une performance. C’est important de transmettre sa passion aux étudiants », partage Alain Saulnier. « Je leur conseille de s’intéresser à la réalité des étudiants et leur permettre d’en parler. La théorie aura plus d’impact sur les étudiants si ça fait sens pour eux et si ça rejoint leur réalité », conclut Pascale Lafrance.

Pour finir, la balle est autant dans le camp des étudiants que celui des professeurs quand il est question de se préparer à la réalité du marché. Comme dit Pascale Lafrance : « Plus tu es curieux, plus tu apprends. Plus tu apprends, plus tu es intéressant sur le marché du travail ».   

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