Force est d’admettre que le gouvernement actuel est à la recherche de solutions pour répondre à la crise qui afflige le marché du travail au Québec et au Canada. Le 12 octobre dernier, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, a d’ailleurs lancé un appel de projets doté d’une enveloppe budgétaire de 47,4 millions de dollars pour soutenir l’arrivée des jeunes dans le monde de l’emploi. Ainsi, « aider [les jeunes] à intégrer le marché du travail de façon durable est primordial » aux yeux du ministre Boulet. Le Grenier s’est intéressé à la perspective parfois peu entendue de la jeunesse, et a choisi d’interroger plusieurs étudiants.es diplômés.ées de l’université pour connaître leur vision du monde du travail et surtout pour savoir si l’école les aide à intégrer le marché de manière durable.

Des compétences absentes au baccalauréat
« L’accompagnement a été déficient à la fin de mes études. Ma sortie de l’école a été difficile, je n’arrivais pas à trouver un emploi alors je suis allée faire un certificat, puis une maîtrise. J’ai fait du bénévolat aussi pour acquérir l’expérience tant désirée par les employeurs. » C’est ce que nous confie Noémie Goulet, Conseillère en communications et des relations publiques. Cette réalité, Noémie n’a pas été la seule à l’expérimenter. Beaucoup d’étudiants.es se confient que l’entrée sur le marché du travail se fait parfois difficilement, comme en témoigne les dires de cette gestionnaire de communauté, qui a voulu rester anonyme : « J’aurais aimé être mieux préparé à l’université, qu’on sorte de la théorie et qu’on aille aussi vers le pratique. Ça a été complexe d’intégrer un milieu qui impose des responsabilités concrètes ». Est-ce que l’école prépare adéquatement les étudiants.es au marché du travail ? Certain.s interviewés.ées n’en sont pas si convaincus.es. Émilie Poirier, maintenant Présidente d’agence et diplômée en administration des affaires, souligne que quelques notions auraient dû se retrouver sur son chemin universitaire : « Ce qu’il manquait, à mon avis, ce sont des cours poussés sur les technologies actuelles et sur les algorithmes présents sur les plateformes populaires comme Wordpress, Mailchimp, etc. ». 

Pour d’autres, comme cette diplômée en Relations publiques et qui a voulu rester anonyme, la surprise est grande quand on sort de l’école et la spécialisation devient la seule véritable option : « J’ai décidé de poursuivre à la maîtrise parce qu’à la fin de mon bac, j’avais l’impression que je ne savais pas trop ce qui était supposé être mon “métier”. Je regardais les offres et je n’étais pas certaine d’avoir le bagage nécessaire pour bien remplir les tâches ».

La réalité du marché
D’où vient ce sentiment d’avoir manqué des apprentissages à l’université ? Pour une autre diplômée en communication, il est clair que les employeurs ont souvent des demandes irréalistes : « Tout le monde s’attend à beaucoup d’expérience de la part des étudiants.es qui sortent de l’université. C’est trop exigeant pour les nouveaux diplômés et puis c’est d’autant plus difficile d’avoir droit à ta chance ». Pour cet Attaché politique, diplômé en sociologie et en médias numériques, c’est la précarité du marché qui l’a étonné : « J’ai trouvé mon premier emploi comme webmestre en sortant de l’école, pour subir des coupures un an plus tard ». 

Florence Gauthier, travailleuse autonome en communications, relations de presse et médias sociaux, a fini par se lancer à son compte, à la suite de quelques déceptions vécues au sein du marché : « Les demandes des employeurs sont parfois démesurées. On s’attend de nous à ce que nous soyons des pros dans tout : communication, médias sociaux, marketing, Photoshop, etc. Leurs attentes sont très grandes et nous ne savons pas toujours comment nous placer. Je ne crois pas que ce soit toujours la responsabilité de l’université de s’ajuster au marché du travail, mais le marché devrait aussi prendre conscience qu’une seule personne ne peut pas tout faire, ou que le temps et l’apprentissage en entreprise peut lui permettre de répondre à ces exigences ». Autrement dit, beaucoup d’étudiants.es reprochent au marché de ne pas laisser la chance et la place à l’apprentissage. Alors qu’on entend parler de pénurie de main-d’œuvre, certains.es interviewés.es ont avoué avoir trouvé difficile leur sortie d’école et se sont retrouvés.es sans réponse ou parfois désemparés.es par les demandes des employeurs. Mais est-ce un problème de l’école ?

Repenser le baccalauréat
« Je me pose la question : est-ce que l’université est là pour enrichir les esprits ou pour former la main-d’œuvre de demain ? Ou les deux ? » Cette question posée par Geneviève Jetté, conceptrice-rédactrice, lance le débat autour de la fonction de l’université dans la vie professionnelle des étudiants.es. En effet, est-ce que l’école forme des esprits plus aptes à penser et à développer des solutions ? Est-ce qu’elle enrichit les connaissances générales ? Étend la culture, forme la manière de réfléchir à des problèmes complexes ? Absolument. Pour Valérie Ladouceur, agente de développement et communication, l’université a servi de base importante pour la professionnelle qu’elle est devenue et lui a permis de développer des réflexes d’apprentissage indispensables : « J’ai vite compris que l’expérience et la confiance s’acquièrent en pratiquant, en observant les séniors, en usant de ma créativité et de ma débrouillardise. Je ne sentais pas que les outils acquis à l’école étaient adaptés, mais j’ai rapidement trouvé des moyens pour parfaire mes méthodes de travail ». 

« Ces manières de savoir solutionner et de développer des techniques d’ajustement, je les ai apprises au bac, affirme une Directrice en service-conseil qui a voulu rester anonyme, j’ai été formé pour penser et c’est drôle, mais ça se retrouve au cœur de mon travail aujourd’hui. »

En terminant, il est clair que l’université aurait tout intérêt à former les étudiants.es dans les domaines des relations humaines, mais aussi employé/patron. La solution résiderait quant à elle peut-être dans les programmes de style coop, offerts notamment à l’UdeS, comme le souligne finalement Emmanuelle Boutin Gilbert, coordonnatrice aux communications marketing : « Je dirais que le programme Coop m’a permis de faire des stages et de vivre les deux : le marché et les bancs d’école. Ça a été très enrichissant ». 

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Illustration : Marie-Eve Turgeon