Drôle de nouvelle : en mai dernier, la France bannissait des écoles françaises et de l’administration publique quelques variantes grammaticales de l’écriture inclusive, sous prétexte que la nouvelle grammaire était « nuisible à la pratique et à l’intelligibilité de la langue française », en plus d’être « particulièrement néfaste pour les élèves en difficulté ». Nous invitant à considérer cette pratique sous un regard différent, Anik Pelletier, vice-présidente du Langage de marque chez Bleublancrouge, insiste sur la portée symbolique de la pratique de l’écriture inclusive : « Beaucoup de gens essaient d’en faire un débat extrémiste, mais ce n’est pas comme ça qu’il faut le voir… il faut plutôt être enthousiaste de la nouvelle perspective que cette grammaire apporte à la langue, c’est-à-dire plus d’inclusion et de diversité ».

Anik Pelletier
Anik Pelletier, vice-présidente du Langage de marque chez Bleublancrouge

Bien que, comme le précisait Anik Pelletier, le débat anime actuellement l’espace public, il reste que l’écriture inclusive est un sujet qui ne date pas tout à fait d’hier. « Déjà dans les années 80, le débat sur la féminisation des noms de métiers, de grades et de fonctions faisait rage dans la francophonie. Le Québec a été à l’avant-garde avec une recommandation officielle de l’Office de la langue française (l’ancien nom de l’OQLF) de féminiser les titres dès 1979 », nous explique la traductrice de formation. Une chose est certaine, la féminisation de la grammaire ne laisse personne indifférent, comme le démontre la virulente réaction de Mathieu Bock-Côté qui décrit l’écriture inclusive comme un « massacre de la langue française pour plaire aux franges radicales du féminisme universitaire » face à la réforme rédactionnelle de l’administration de la Ville de Montréal. Parallèlement, de nombreux guides de rédaction inclusive font leur apparition, notamment dans les universités, dans les instituts de recherche scientifique, telle qu’INRS, ou encore dans les plateformes web comme les3sex. Devant ces deux courants opposés qui touchent la langue, il est légitime de s’interroger sur cette nouvelle norme linguistique, car la question paraît compliquée pour la plupart d’entre nous. En effet, que gagne-t-on à intégrer l’écriture inclusive dans nos communications, surtout dans les domaines du marketing et de la publicité ? Anik Pelletier n’hésite pas à appuyer l’idée que cette nouvelle norme concerne plus l’inclusion et l’ouverture que de simples questions de grammaire : « Il me semble que la publicité et le marketing sont, ou doivent être à l’avant-garde sur ce débat. Ça ne veut pas dire que c’est facile de convaincre la clientèle et il faut y aller graduellement dans plusieurs cas. Chose certaine, il faut amorcer les changements dans notre manière de rédiger puisqu’en ayant ce type d’approche, on ratisse plus large et on interpelle davantage d’auditoires. L’écriture inclusive s’inscrit dans un effort  de communication. Ce n’est pas seulement une question de masculin/féminin, mais bien une question de représentation de tout le monde ».

Mythes VS réalité… Les principes de l’écriture inclusive
Alourdissement de la langue ou complication de la lecture et de l’apprentissage de la lecture, voilà quelques mythes qu’Anik Pelletier nous invite à reconsidérer et à laisser derrière nous avant de nous aventurer dans l’écriture inclusive : « Quand on y regarde de plus près, on se rend bien compte que derrière ces croyances se cache souvent une méconnaissance des outils dont on dispose pour rendre l’écriture plus inclusive ». Les règles sont effectivement assez simples à retenir, nous explique-t-elle : « D’un côté plus pratico-pratique, les principaux procédés se résument à ceci : doublets, doublets abrégés (dont le point médian, le tiret et les parenthèses), termes épicènes (gens, personnes, clientèle, population, etc.) et alternance de genres. Mais ce ne sont que les principaux ; il en existe d’autres, souvent utilisés en rédaction professionnelle. Quand on aborde la rédaction dans un esprit d’inclusion, ça devient vite un automatisme ». Et il apparaît clair que de se poser des questions lors de la rédaction est déjà le signe que nous sommes pleinement capables d’adopter la nouvelle grammaire.

Épicène, non binaire ou inclusive : savoir reconnaître les termes pour établir une rédaction claire

Trois principes sont encouragés dans la féminisation de la grammaire et il faut faire attention à ne pas les mélanger : l’écriture épicène est un terme technique qui désigne la représentation des hommes et des femmes de manière égale ; la rédaction non binaire représente l’inclusion relative aux identités de genre et se remarque par l’utilisation de néologismes comme le pronom iels ; la rédaction inclusive représente plus globalement l’écriture épicène et non binaire, dans la mesure où elle inclut les variantes du genre, ainsi que l’égalité des représentations du genre dans sa grammaire.

Ainsi, l’écriture inclusive consiste à ajouter à la rédaction des formulations neutres et une féminisation syntaxique. La première se voit par les formulations comme le corps professoral pour remplacer les professeurs de français, par exemple. Le second s’articule autour de l’utilisation de doublet (les professeurs et les professeures) et du point médian, un outil absolument intéressant aux yeux de plusieurs linguistes.

La langue évolue, la société aussi
Alors que les propos réfractaires résonnent fort dans l’espace public, il reste que la plupart des gens ne sont pas contre l’application de la nouvelle grammaire. En effet, Anik Pelletier remarque une belle ouverture au sein même de sa clientèle : « Il faut y aller doucement, c’est sûr, et il faut s’adapter au niveau de confort, mais l’intérêt est là. La clientèle le demande de plus en plus et cherche des outils, des mécanismes et des guides qui pourraient aider à appliquer l’écriture inclusive dans les communications. »

Aucune langue n’est figée. C’est le temps et les besoins toujours renouvelés de la société qui poussent les langues à s’adapter et à se moderniser. Ainsi, parler d’inclusion devient une question importante qui touche le langage et la manière dont une société se définit : inclure la différence, c’est reconnaître l’autre et sa place dans le monde.

Anik Pelletier nous dit qu’un changement s’opère vis-à-vis des questions de diversité dans l’univers de la publicité et que cette prise de conscience serait tout à fait cohérente si le jumelage entre la mise en scène des gens issus de la diversité et l’écriture inclusive devenait une pratique courante en marketing : « Les spécialistes de la rédaction sont là pour aider les gens qui veulent utiliser l’écriture inclusive dans leurs communications. Chez Bleublancrouge, par exemple, notre équipe est là pour conseiller, montrer les possibilités et surtout pour accompagner la clientèle qui souhaite développer cette nouvelle manière d’écrire ».

*Cet article a été écrit de manière inclusive !
Vous êtes à la recherche d’un guide ? Cliquez ici.