Un organisme ayant pour but d’éliminer le fardeau psychologique lié à l’utilisation des médias sociaux chez les adolescents propose aux utilisateurs de RS outils et ateliers pour être à l’écoute de leurs émotions et prendre action sur leur bien-être. Portrait du Centre pour l’Intelligence Émotionnelle en Ligne (le C.I.E.L.) et discussion sur le sujet de la société hyperconnectée en compagnie d’Emmanuelle Parent.

Vous êtes parents, professeurs ou autres proches d’adolescents ? Sentez-vous que le rapport de ces derniers avec leurs réseaux sociaux se complique, s’embrouille ou génère chez eux un sentiment d’anxiété ? La relation qu’ils entretiennent avec leurs appareils de communication est-elle addictive ? Ou malsaine ? Depuis 2020, une fondation vient en aide à ceux et cellesqui souhaiteraient en découvrir davantage sur les bonnes pratiques en matière de RS – et mettre la main sur des outils tangibles permettant d’assainir les pratiques en ligne. Son nom : le C.I.E.L. « Ou le Centre pour l’Intelligence Émotionnelle en Ligne, précise Emmanuelle Parent, Co-fondatrice et doctorante en communication, médias sociaux. Depuis octobre 2020, nous travaillons à rendre la relation entre les gens et leurs réseaux sociaux plus positive par l’entremise de conférences, de vulgarisations scientifiques et autres ateliers d’autodéfense numériques. Des approches qui sont adressées aux jeunes du secondaire, d’abord, mais qui s’appliquent tout autant aux 18 à 108 ans. En gros, si vous êtes un membre actif de cette société hyper connectée dans laquelle nous évoluons, c’est pour vous qu’on travaille. »

Emmanuelle Parent

Parce que les autres le font
Si l’intelligence artificielle est un concept désormais bien implanté dans le quotidien, qu’en est-il de l’intelligence émotionnelle ? « C’est une habileté à laquelle il faut se sensibiliser, et développer, poursuit Emmanuelle Parent. C’est l’aptitude que nous avons à nous questionner sur notre bien-être en lien avec les médias sociaux ; c’est notre capacité à bien identifier nos émotions en regard à notre utilisation des RS, et ce, pour ensuite entraîner des changements concrets quant à leur consommation. On passe des heures et des heures en ligne à se divertir, à s’informer, à magasiner, mais aussi, et surtout ! à communiquer. À partager et à échanger des opinions, à recevoir celles des autres. À épier les faits et gestes d’autrui. Il faut être honnête : les réseaux sociaux ont une pléthore de bons côtés, d’avantages. Il y a énormément de positif à entretenir le relationnel par le biais des réseaux sociaux — la pandémie nous l’a démontré. N’en demeure pas moins qu’ils s’immiscent insidieusement dans nos vies, et ce, sans qu’on l’ait nécessairement demandé. Demandez à n’importe qui : pourquoi avoir souscrit à un réseau social ? La réponse officieuse demeure : parce que les autres le font. On n’a pas intrinsèquement besoin, comme humain, à la base, d’être actif sur Facebook ou Instagram. Mais c’est devenu la norme, parce que c’est gratuit, divertissant… et, pour plusieurs, essentiel. C’est là que le bât blesse. »

Cesser de nourrir l’anxiété
C’est à dire ? « Ce n’est plus un secret : les RS possèdent des algorithmes et des IA conçus pour nous garder captifs le plus longtemps possible sur leurs plateformes, affirme Emmanuelle Parent. On peut passer des heures et des heures à scroller un écran, en quête de quelque chose d’abstrait, de non défini. À passer du temps à ne pas faire quelque chose qui nous aurait fait du bien, de plus constructif, qui aurait pu avoir une incidence sur notre bien-être. On utilise généralement Google et Netflix parce qu’on en a réellement envie, ou encore besoin (pour se détendre, pour faire une recherche) ; mais pas parce qu’on ressent la pression de le faire. Dans le cas des RS, c’est souvent le contraire. Pourquoi j’ai passé des heures à regarder des photos qui me complexent ? Pourquoi j’ai stalké pendant 20 minutes le profil d’une connaissance pour qui j’entretiens de la haine ? Qu’est-ce que ça me fait réellement ressentir et qu’aurais-je pu faire à la place ? » Sans parler de toutes les communications et de tous messages toxiques échangés par l’entremise des RS. « Il faut faire attention, car les médias sociaux n’ont pas inventé l’intimidation, poursuit Emmanuelle Parent. Ni les troubles alimentaires. Cependant, ils les ont exacerbés. Jadis, quand on se faisait écœurer dans la cour d’école, ça s’arrêtait une fois qu’on traversait la porte de la maison. Désormais, on est en contact quasi 24 heures/24 avec ses intimidateurs. Ça nourrit un tout autre niveau d’anxiété. »

Éliminer le fardeau psychologique
C’est en décembre 2019 qu’Alexandre Champagne (connu comme photographe, humoriste et pour ses participations à 3 fois par jour) publie une annonce sur Facebook : il abandonne l’ensemble de ses activités professionnelles pour se consacrer à la création d’un organisme ayant pour but d’éliminer le fardeau psychologique lié à l’utilisation des médias sociaux chez les adolescents. « Il avait besoin d’aide pour lancer son projet et j’ai été interpellée par son cri du cœur, dit Emmanuelle Parent. Alexandre était clair : le but n’était pas de dire aux ados qu’on allait leur enlever leur téléphone des mains. C’était davantage de dire : on va vous montrer comment vous en servir adéquatement. C’était exactement ce que je faisais et voulais continuer de faire avec mon organisme Bien-être numérique, qui a maintenant fusionné avec le C.I.E.L. Et j’ai la sincère conviction que nous répondons en ce moment à un important besoin sociétal. Ce n’est pas d’hier que les nouvelles technologies demandent une adaptation. L’arrivée du télégraphe ne s’est pas faite sans remous ; et plusieurs lecteurs se rappelleront que la télé fut à un moment perçu comme l’outil d’abrutissement idéal des enfants. C’est un tout autre défi pour un individu que d’apprendre à vivre de façon émotionnellement intelligente dans une société hyperconnectée comme la nôtre. C’est la mission du C.I.E.L. de permettre aux jeunes de bénéficier des effets positifs que nous offrent toutes ces extraordinaires avancées technologiques. Mais toujours en étant à l’écoute de ses émotions et de son bien-être. »