S’il y a bien une chose que la pandémie a mise en lumière, c’est la capacité pour de nombreux travailleurs d’effectuer leurs tâches quotidiennes à partir de la maison. Est-ce que cette nouvelle habitude, qui s’est ancrée de force en mars 2020, est signe que l’on devra dire adieu au fameux « métro, boulot, dodo » à l’avenir ?

Selon l’Institut national de santé publique du Québec, environ 40 % des Québécois travaillent à distance depuis un an, restrictions sanitaires obligent. Sachant qu’avant mars 2020, ce taux se situait plutôt entre 10 et 15 %, le constat est clair : il est plus facile que jamais de faire du télétravail.

Alors que la vaccination de masse est maintenant entamée au Québec et que l’on peut commencer à imaginer un éventuel regain de normalité, les employeurs ont déjà entamé leur réflexion sur le retour de leurs employés au bureau. C’est notamment le cas de l’agence de marketing numérique Rablab. En entrevue au Grenier, le cofondateur et PDG de l’entreprise, Jean-Philippe Dauphinais, explique que la pandémie a changé sa vision face au télétravail du tout au tout. « Auparavant, on autorisait le télétravail entre deux et quatre fois par mois. On le voyait plutôt comme une récompense. Maintenant, c’est à nous de le faire correspondre dans un contexte normal de travail. Ce n’est pas quelque chose qu’on avait envisagé avant l’année passée. »

Jean-Philippe Dauphinais
Jean-Philippe Dauphinais, cofondateur et PDG de Rablab

Pour Diane-Gabrielle Tremblay, spécialiste en gestion des ressources humaines, en économie et en sociologie du travail, cette réflexion est peu surprenante. Il ne fait pas de doute pour elle que la pandémie a engendré un certain changement de paradigme face au travail au bureau — tant du côté des employés que des employeurs. « Avant la pandémie, il y avait un bon nombre de gestionnaires qui avaient adopté une attitude plutôt de résistance face au télétravail. Or, les individus ont fait la preuve qu’il est possible d’être productif, même à distance. »

Diane-Gabrielle Tremblay
Diane-Gabrielle Tremblay, spécialiste en gestion des ressources humaines, en économie et en sociologie du travail

Pas que des avantages
Si les avantages du télétravail sont indéniables – meilleure conciliation travail-famille, moins de retards au bureau, possibilité de réduire les coûts, rétention des employés –, il présente aussi certains écueils. Le plus important, selon Diane-Gabrielle Tremblay, est la cohésion d’équipe. « On voit beaucoup moins de liens qui se développent lors de réunions, lors d’échanges spontanés ou quand on décide d’aller luncher ensemble, et qui peuvent mener au développement de projets entre différentes équipes. »

Et c’est aussi ce que constate Jean-Philippe Dauphinais chez Rablab. L’agence utilise le logiciel Officevibe, qui sert à obtenir l’avis des employés sur divers sujets. L’une des métriques ayant le plus souffert du télétravail est le sentiment d’appartenance envers l’entreprise, et ce, même si les gestionnaires ont mis plusieurs initiatives en place pour rallier leur troupe.

« Je me suis rendu compte qu’il y a beaucoup de choses qu’on peut faire en télétravail. Mais l’une des choses que le télétravail ne pourra jamais combler, c’est le côté humain des relations entre collègues qui se développent au bureau, en présence les uns des autres », constate Jean-Philippe Dauphinais.

La formule hybride à l’honneur
Alors, à quoi ressemblera l’avenir du travail ? Si certains employeurs tiennent mordicus à ce que tous les employés reviennent au bureau une fois que la pandémie sera derrière nous, d’autres ont vécu une sorte d’illumination et ont décidé de se départir carrément de leur local pour instaurer le télétravail à temps plein. La réponse se trouve cependant au milieu de ces extrêmes, estime Diane-Gabrielle Tremblay. Elle prône une formule hybride, alliant une présence minimale fixée par l’employeur et la flexibilité pour l’employé de choisir de travailler à distance — ou non — le reste du temps.

La spécialiste rappelle que « l’employeur n’a pas intérêt à rendre ses employés mécontents ». « Tout est une question d’arrangements et de compromis entre les employés et leur employeur, surtout dans les secteurs qui connaissent une pénurie de main-d’œuvre. » Elle suggère ainsi aux gestionnaires de consulter leurs employés et d’évaluer ensemble quelle serait la meilleure formule à adopter dans chaque situation.

Par ailleurs, sans que les employeurs aient à créer une expérience de bureau extraordinaire, une bonne partie des employés y retournera volontiers, ne serait-ce que pour assurer une meilleure séparation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, explique Diane-Gabrielle Tremblay. « Je pense qu’il y a un certain nombre de personnes qui voudront retrouver le soutien plus facile qu’offre un espace professionnel, en plus de voir d’autres personnes que celles faisant partie de leur bulle familiale. Sans compter toutes les activités culturelles qui se déroulent près des bureaux du centre-ville qui retrouveront leurs attraits une fois qu’elles seront de nouveau permises. »

Il n’y a pas à dire, il est peu probable que nous retrouvions le travail de bureau comme nous l’avions laissé en mars 2020 au profit d’une formule renouvelée, et c’est sans doute pour le mieux.

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