Lorsque l’art et la créativité sont une raison d’être et de vivre, ça donne la paire Ashley Phillips, alias Ash, et Miro LaFlaga, fondateurs de l’agence Six Cinquième. Entretien polyglotte — tout ce qu’il y a de plus montréalais — en compagnie d’un couple déterminé à tracer sa propre voie pour assister les futures générations.

six cinquieme
Crédit photo : Noire Mouliom

Un sixième sens qui fait du sens
Le toucher, la vue, l’ouïe, l’odorat et le goût… et si le sixième sens se trouvait à être la créativité ? Ashley Phillips et Miro LaFlaga estiment que les créatifs ont ce je-ne-sais-quoi de spécial. « On veut redonner de la valeur et changer la perception du travail créatif. On a un 6e sens, raconte Ashley Phillips. On utilise tous nos sens pour inspirer et produire un travail qui change le monde ». D’autant plus que le duo trouve qu’en raison de son background culturel — leurs parents respectifs viennent de la Jamaïque — les carrières créatives ne sont pas considérées comme des avenues valorisantes. « Souvent, les parents de minorités visibles et ethniques ne veulent pas encourager leurs enfants à poursuivre des carrières créatives parce qu’il y a cette préconception que ce n’est pas lucratif comme profession. » Le duo ne raisonne pas de la sorte et a bien l’intention de changer la donne à travers son agence Six Cinquième.

Le champ des possibles
À peine venait-elle d’entamer une carrière en graphisme que l’environnement dans lequel Ashley Phillips œuvrait lui laissait un goût amer — elle se percevait davantage comme un « outil » plutôt qu’un membre de l’équipe. Un jour, le chemin de Miro Laflaga et le sien se sont entrecroisés au détour d’un projet artistique. Sidérée (et inspirée !) par le fait qu’il ait trouvé sa propre voie en tant que styliste pour plusieurs artistes dans la métropole, Ashley Phillips aspirait elle aussi à devenir sa propre « boss ». Le déclic (et match !) s’est imposé de lui-même. « Elle était designer, j’étais DA. Pourquoi on n’unirait pas nos talents pour fonder une agence qui nous ressemble ? », se souvient Miro LaFlaga.

L’épiphanie. Six Cinquième était née. Une boîte qui se veut un antre pour créatifs noirs et autres personnes de couleurs. Une porte d’entrée que le duo n’osait même pas espérer. Un point de référence, si on veut. La paire Phillips-LaFlaga veut être la preuve que c’est possible. Possible d’être une personne de couleur ayant du succès dans l’industrie. « On est une agence créative et on veut avoir une certaine renommée dans le domaine, certes, mais on ne peut ignorer qu’on est une agence black-owned, évoque Ashley Phillips. Ce n’est pas nouveau et on n’est pas les seuls, mais je ne vois pas d’agence black-owned remportant des prix dans l’industrie et c’est une de nos missions. » D’ajouter Miro LaFlaga : « On veut créer une représentation dans l’industrie de la pub qui n’existe pas ».

Lorsque le couple a débuté dans le milieu, il ne savait pas trop comment s’y prendre. « On veut éviter cette confusion pour les futures générations issues de minorités si elles veulent se lancer dans une carrière créative, poursuit Ashley Phillips. On veut leur montrer que c’est faisable et qu’il y a de la valeur dans le domaine créatif. »  Non seulement Six Cinquième désire paver un chemin pour les générations futures parce que les cofondateurs n’avaient pas nécessairement les repères lorsqu’ils se sont lancés, mais ils ont cette vision de redonner aux plus jeunes, notamment grâce au mentorat. D’ici trois ans, les deux acolytes mettront sur pied un programme éducatif destiné à la relève. « On veut redonner à la communauté et aux plus jeunes, afin de les encourager et de les inspirer », émet Miro LaFlaga.  

Une volonté de changer la société
En plus de signer divers projets pour sa trentaine de clients, le couple planche sur un masterclass qui sera bientôt diffusé en ligne. « Pour être honnête, la pandémie n’a pas été un frein à notre croissance, révèle Miro LaFlaga. Mais le plus grand défi a justement été cette croissance. » En effet, en grandissant aussi précipitamment, le duo n’était pas forcément prêt et a dû apprendre une panoplie d’expertises, comme la gestion d’une agence ! Challenge que le couple relève avec plaisir, et partagera avec la communauté avec son masterclass. « Comment doit-on s’y prendre pour créer une entreprise ? Qu’en est-il du design, du branding ? Comment fait-on pour réussir à bâtir une marque ? », continue Ashley Phillips. Toutes ces questions seront abordées par le duo créateur et entrepreneur.  

Six Cinquième aspire à être la plus inclusive possible dans sa façon de collaborer et de créer. « On fait du visuel, mais imagine une personne qui ne peut pas voir, questionne Miro Laflaga. On oublie souvent les autres — comment fait-on pour les inclure dans nos projets ? » « On vit tous des expériences différentes et il y a de la valeur là-dedans, soutient Ashley Phillips. Oui il y a la diversité ethnique et culturelle, mais la diversité en générale. On veut être exposé à différentes perspectives et différentes façons de voir le monde. »  

Selon le duo, on ne peut ignorer le changement qui se déroule présentement. Surtout dans l’underground créatif montréalais. D’ici quelques années, Six Cinquième estime qu’il y aura un impact majeur dans toute l’industrie créative. « Si tu veux changer le monde, au niveau micro ou macro, que tu veux faire partie du changement, on veut travailler avec toi », termine le duo.

Entendez-vous ce vrombissement à l’unisson ? Ces voix qui s’élèvent pour paver le chemin de l’industrie de demain ? Soyez à l’affût.