Six ans après être passé aux mains du Groupe Attraction, le Studio Lamajeure retrouve son indépendance. Pour les trois nouveaux actionnaires, la pianiste Alexandra Stréliski, le mixeur sonore Mathieu Morin et le producteur musical Maxime Navert — ces deux derniers sont aussi co-directeurs généraux du studio depuis un an —, c’était une véritable conquête de l’indépendance, « un retour aux sources », décrivent-ils.

« Je suis fier de voir trois jeunes Québécois reprendre les commandes d’une boîte comme Lamajeure. Chez Attraction, nous avons travaillé en collaboration avec les artisans du studio pour soutenir sa croissance, et aujourd’hui, nous leur laissons une organisation en pleine possession de ses moyens et en excellente santé financière. J’aime encourager la relève entrepreneuriale et je leur souhaite beaucoup de succès », mentionne pour sa part Richard Speer, président et fondateur d’Attraction.

Studio Lamajeure
Crédit photo : Le Petit Russe

« On est vraiment heureux de pouvoir enfin piloter ce studio-là en fonction de nos valeurs, en dirigeant le bateau dans une seule direction », explique Mathieu Morin en entrevue au Grenier.

« Nous étions tous les trois actionnaires minoritaires avant le rachat en 2015 et 2016. Ç’a été une occasion manquée à l’époque. Tranquillement, on est revenus là où on le souhaitait », ajoute Maxime Navert.

Si Maxime Navert et Mathieu Morin conservent leurs rôles respectifs au quotidien, Alexandra Stréliski deviendra, pour sa part, une sorte d’ambassadrice du studio pour le faire rayonner à l’international. Sa carrière de pianiste demeure sa priorité, dit-elle. « J’ai toujours considéré Lamajeure comme ma maison-mère, et d’en devenir actionnaire officialise tout ça. J’aimerais éventuellement travailler sur tout ce qui touche la musique à l’image, et peut-être la direction artistique, mais tout ça va se définir plus tard. »

Se donner les moyens de prendre des risques
Les trois nouveaux actionnaires ont des ambitions internationales pour le studio, qui se spécialise en postproduction sonore pour la publicité, le doublage, les expériences immersives et la composition de musique originale, en mettant davantage l’accent sur la créativité. « On voulait se donner les moyens de prendre des risques », souligne Alexandra Stréliski.

« En ayant le pouvoir de décider entièrement de ce qu’on veut faire, on peut prendre les risques que nous avons toujours voulu prendre, sans devoir convaincre personne d’autre que nous, en tant qu’entrepreneurs, et cette liberté-là n’a pas de prix », renchérit Maxime Navert.

Et cette prise de risques se traduit notamment par le fait d’explorer davantage les expériences sonores, les installations immersives, le « sonic-branding », et même l’univers du podcast, en plus des projets publicitaires pour lesquels Lamajeure est réputée. Le studio travaille d’ailleurs sur « des projets d’envergure » à Singapour, Dubaï et Las Vegas, pour n’en nommer que quelques-uns.

Mais prendre des risques signifie aussi que le studio devienne un hub créatif pour les jeunes talents d’ici, « et Dieu sait que les jeunes musiciens et artistes ont besoin de ce type d’infrastructures pour bâtir leur carrière », précise Alexandra Stréliski. « On veut pouvoir fournir des jobs, des projets ici et qui sortent du Québec. Au fond, on veut créer un écosystème créatif et lucratif pour les artistes. »

Car les trois actionnaires se plaisent à dire que le Studio Lamajeure a un potentiel énorme grâce aux équipements de haute qualité sur lesquels sont bâties les assises de l’entreprise. « À sa fondation en 1984, Lamajeure était un studio d’album. Plusieurs albums mythiques y ont été enregistrés ; de gros noms comme Jean Leloup, Michel Rivard et Laurence Jalbert ont enregistré chez nous. Tout ça perdure, et le virage numérique du studio dans les années 90 nous sied encore aujourd’hui, avec un environnement hautement technologique. L’ancien propriétaire Sylvain était un audiophile, il a donc beaucoup investi dans les murs », affirme Mathieu Morin.

« Jongler avec des patates chaudes »
La bonne santé financière du studio lui a permis de traverser sans trop de heurts la crise engendrée par la pandémie de COVID-19, malgré quelques écueils. « Ç’a été l’occasion pour nous de faire travailler notre créativité d’affaires afin d’optimiser nos opérations dans le contexte du travail à distance. On en a profité pour explorer de nouveaux marchés qu’on voulait développer », indique Maxime Navert.

« Étant généralement le dernier maillon d’un projet, on est habitués à jongler avec des patates chaudes », dit Mathieu Morin. On peut ainsi croire que l’adaptation à la situation n’a pas été un défi de trop grande taille pour Lamajeure.

Il raconte d’ailleurs que pour certains projets, le studio s’est rendu jusqu’à envoyer des micros par la poste à des comédiens qui n’étaient pas équipés à la maison. Les équipements de Lamajeure ont même fait le chemin jusqu’en Gaspésie ! « C’est vraiment grâce aux humains formidables avec qui on travaille, des mixeurs qui se sont transformés en soutien technique pour faire du débogage technique à distance, qu’on a pu réussir tout ça. Ça a solidifié notre équipe parce que tout le monde était utile », note-t-il.

Somme toute, Alexandra Stréliski, Maxime Navert et Mathieu Morin se considèrent « très chanceux et privilégiés » de pouvoir reprendre les rênes du Studio Lamajeure, en dépit du contexte actuel difficile, afin de mener à bien leur mission de faire rayonner la culture québécoise ici comme ailleurs.

Studio Lamajeure 2
Crédit photo : Le Petit Russe