Un studio de production montréalais (flanqué d’une incroyable brochette d’artistes de la photo et du vidéo) aura survolé les derniers mois de pandémie grâce à une audacieuse approche de création de contenus. Portrait de L’ÉLOI (et petit résumé d’un conte de fées pandémique) en compagnie d’Éloi Beauchamp.

Éloi Beauchamp

Ça fera bientôt un an. Le 13 mars 2020. Comme bon nombre d’entrepreneurs, Éloi Beauchamp prend à ce moment un grand respire en tentant d’évaluer ses options. Le Québec, comme le reste de la planète, semble faire face à un iceberg dont on ne connaît encore que le sommet de la pointe.

48 heures.

Éloi demande à ce moment à ses employés de lui accorder 48 heures de réflexion pour leur revenir avec un plan de match. 48 heures au cours desquelles les mots mises à pied temporaires commençaient à résonner de plus en plus fort sur les réseaux sociaux. Oh, ce n’était pas la première fois que L’ÉLOI faisait face à une situation complexe (2013 en avait été une d’apprentissage, aussi) ; mais celle-ci allait manifestement commander courage et audace pour arriver à garder intacte et soudée la petite famille de L’ÉLOI. « L’entreprise avait déjà survécu à un moment difficile par le passé, se rappelle Éloi Beauchamp, président-fondateur. Un coach en comptabilité, qui m’avait alors pris sous son aile, me disait à ce moment qu’une business en santé devait être minimalement capable de survivre quatre mois avec ses liquidités pour payer son monde et ses frais fixes, et ce, sans aucune entrée d’argent. Je trouvais ça fou au début, mais j’ai tenté d’appliquer ce conseil au fil des années. Lorsqu’est arrivé le 13 mars 2020, j’ai amorcé ma réflexion avec le constat que l’entreprise avait devant elle environ cinq mois de liquidité. J’ai donc dit à ma gang : ok, on va traverser ça ensemble. Tout le monde reste en place et on fonce tête baissée. On verra ce qu’il advient de tout ça un mois à la fois. »

25 % DE PLUS
L’ÉLOI
célébrait à ce moment son 20e anniversaire. « C’est pas le genre de festivités qui nous seraient venues en tête, s’amuse Éloi Beauchamp, mais de rester unis dans la tempête aura été un genre d’électrochoc pour chacun de nous. Oui, les premières semaines ont été tough. C’était d’abord difficile personnellement : on vivait tous quelque chose d’inédit. Mais tout le monde s’est rapidement ressaisi et nous avons envoyé un message fort au milieu en montrant que nous étions ouverts à la business. On s’est adapté au télétravail dans le temps de le dire et on s’est mis à décrocher des pitchs pour des compagnies pharmaceutiques et énergétiques — ce qui a instantanément fait de nous une entreprise essentielle. Dès le mois de mai, nous étions back on track en production. D’autres beaux pitchs se sont enchaînés - et ont été décrochés (dont la campagne de Verizon pour plus de 1 M$ US !) ; tant et si bien que nous avons réussi à boucler l’année 2020 avec une augmentation de 25 % de notre chiffre d’affaires. L’ÉLOI, c’était cinq, six beaux employés il n’y a encore pas si longtemps, et nous sommes dix-sept aujourd’hui ! »

Verizon
Via Instagram

PLAN D’INTERNATIONALISATION
Un revirement de situation surprenant, certes, mais pas inattendu. « C’est depuis bien avant la pandémie que nous rêvons de voir grand, poursuit Éloi Beauchamp. Disons simplement que la situation a poussé L’ÉLOI à continuer de diversifier la provenance de nos contrats, à poursuivre notre plan d’internationalisation. Les artistes québécois que nous représentons possèdent un talent exceptionnel ; n’en demeure pas moins que Montréal reste un petit bassin d’exploitation. Un bassin exceptionnel, cependant, ainsi qu’un lieu de création incroyable. Il nous fallait trouver une façon de croître dans ce bassin sans changer notre approche créative. Alors on s’est dit que c’était plutôt le milieu qu’il fallait transformer. À partir de ce constat, notre but était d’investir pour mettre en place, par l’entremise de nos artistes, un système qui nous permettrait de créer des contenus. Du matériel original que nous pourrions exposer gratuitement sur des plateformes de renom. Il fallait exporter et faire découvrir le potentiel de nos artistes à l’extérieur des frontières autrement que par leurs portfolios commerciaux — qui peuvent être très beaux, mais qui n’expriment pas la liberté de création des contenus indépendants. Nous investissons donc plus de 100K$ par année pour nous assurer de créer sans contrainte… et d’obtenir une visibilité mondiale. »

FAIRE CE QU’ON AIME
Un pari qui rapporte. « Pas moins de 48 % de notre chiffre d’affaires aujourd’hui provient de l’extérieur du Québec, poursuit Éloi Beauchamp. On a des leads qui proviennent des États-Unis, de l’Europe et même de la Corée ! C’est trippant ! La SNCF en France nous a contactés pour un shoot à Paris ; une œuvre d’un de nos artistes a fait le cover du Wired et un autre s’est fait offrir 50K$ par Google pour un shoot. C’est fou ! Notre but était (et est toujours) de devenir une référence mondiale ; de faire en sorte que le monde nous regarde en se disant, mais who the fu*k are those guys? On nous croyait fous d’employer cette stratégie d’investissement, mais ça marche. Pourquoi ? Parce que les artistes qui font partie de la boîte sont des partenaires d’affaires en qui nous investissons, mais surtout parce que ce sont des créateurs incroyables qui nous interpellent avec leur style, leur art et leur savoir-faire. On décroche des contrats à New York pour lesquels on travaille avec des DA de Chicago et on tourne le tout à Montréal. C’est magique. Et, en plus on fait ce qu’on aime par-dessus tout. »

Wired
Crédit : via Wired