Bals de finissants, party de Noël, rencontres familiales ou conférences, les petits et grands événements de la dernière année se sont tous déroulés sous le signe de la distanciation, l’écran faisant aujourd’hui figure de « respirateur artificiel » des relations sociales et des activités en tout genre. L’industrie de l’événementiel a été aux premières loges de cette impérativité quasiment instantanée de changer l’offre présentiel en pratique exclusivement virtuelle. L’experte en organisation d’événements Andréanne Mathieu, fondatrice de l’agence-boutique Niché – et son équipe ont surfé sur la vague – loin de s’aplatir — du contenu en ligne.

Andréanne Mathieu
Andréanne Mathieu, fondatrice de l’agence-boutique Niché

Bien que de nombreuses entreprises avaient déjà amorcé leur virage numérique avant le déclenchement de la pandémie, peu d’entre elles se doutaient de l’importance que prendrait le volet virtuel, pratiquement indispensable pour leur survie professionnelle, et ce, quasiment du jour au lendemain.

« Quand c’est arrivé, il n’y avait pas beaucoup d’agences qui faisaient du virtuel. Ce n’était même pas une demande qu’on avait. Nous n’étions pas prêts au début. J’avais de la misère à voir comment on pouvait faire le switch. L’ambiance qu’on fait vivre chez Niché, comment on va faire ça en virtuel ? », s’était alors questionnée Andréanne Mathieu, secouée comme ses confrères de la planète entière par le confinement généralisé. 

Faisant de nombreuses recherches et s’inspirant de ce qui se faisait ailleurs, Andréanne et son équipe se sont retroussés les manches rapidement. En repensant entièrement leur offre, ils ont pratiquement dû apprendre un nouveau métier. « Ce sont des compétences complètement différentes puisqu’on parle de parcours client en ligne, plutôt que dans une salle. Au début, les clients ne savaient pas vraiment dans quoi ils s’embarquaient, mais ils nous ont fait confiance, et la rigueur qu’on avait, on a continué à l’appliquer. »

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Crédit photo : Ariane Nantel Gagnon 

Évolution vers une formule gagnante
Alors qu’au printemps, les événements 100 % virtuels en étaient à leurs premiers balbutiements, l’offre a aujourd’hui grandement évolué, et ce, à une vitesse phénoménale. Webinaires, conférences, remises de prix, festivals de musique ou de cinéma, le virtuel s’est adapté à pratiquement tous les types d’événements, privés comme publics.

« Au départ, une des erreurs commises par les organisations, ç’a été de vouloir copier-coller le présentiel en formule virtuelle. Chez Niché, on a plutôt voulu repenser les événements, les transformer, en adoptant une nouvelle formule de façon créative », explique l’entrepreneure.

L’agence organise dorénavant une grande variété d’événements à distance, ayant à cœur de rendre ces derniers le plus humain possible malgré les circonstances : bals, galas, conférences, 5 à 7 professionnels, et même des événements permettant d’inclure les membres de la famille, tous confinés ensemble à la maison. Pour Andréanne Mathieu, les possibilités sont réellement infinies, tant que le contenu et l’attractivité demeurent au cœur de l’événement.

« Je crois que le nerf de la guerre est le contenu, qui doit avoir été réfléchi et être très engageant.  On en parlait aussi en présentiel, mais les clients étaient moins réceptifs en ce qui a trait au contenu, ça passait plus en dernier. Maintenant, avec le virtuel, c’est le contenu qui devient l’enjeu. Je peux le segmenter dans mon événement, le personnaliser. Comme donner un accès privilégié aux participants à certains conférenciers, par exemple. »

Pour l’experte de l’événementiel, il est également primordial pour les entreprises de mettre en place une stratégie d’engagement des participants, et ce, dès l’envoi d’une invitation, en plus de cibler leurs intérêts en amont.

« Il faut que ça soit facile de se connecter, que ça soit clair, et que le branding de l’événement soit fort, pour que le client retrouve l’univers qu’on lui a vendu. C’est aussi important de mettre en place un pacing ; il faut que ça soit rythmé, sans temps mort, un peu comme pour la télé. L’événement a aussi évidemment besoin d’un bon animateur », ajoute Andréanne.

Des avantages et des inconvénients
Est-ce que les Québécois sont « tannés » des réunions en virtuel, en direct de leur table de cuisine ou de leur canapé ? Pour plusieurs d’entre nous, la réponse est oui, mais il n’en reste pas moins que les événements en ligne ont tout de même leurs avantages.

« Le virtuel nous donne plus de jus pour sortir les statistiques, savoir qui décroche et quand, et qui reste connecté. On peut connaître l’intérêt des gens en temps réel en faisant des analyses avec les périodes de connexion. Le virtuel permet aussi de prolonger l’expérience dans le temps, alors que le présentiel non. Les gens peuvent regarder l’événement après sa diffusion. C’est évidemment plus flexible aussi, car les participants peuvent rester à la maison. »

Depuis sa création, l’agence Niché valorise une approche écoresponsable et déploie cette vision verte dans ses diverses réalisations. Parlant d’avantages, un événement virtuel, est-ce que c’est plus écologique qu’un événement physique ?

« Ça dépend, nuance Andréanne Mathieu. Si on organise un congrès présentiel aux États-Unis, avec des vols en avion, par exemple, alors oui, il y a une certaine réduction de l’empreinte avec les congrès internationaux organisés en ligne. Mais reste qu’une réunion en vidéoconférence a beaucoup d’impact au niveau de la pollution numérique. »

Cette pollution en ligne serait entre autres liée au fait que l’utilisation répétée de plateformes telles que Zoom représente une pratique très énergivore, responsable de l’émission d’une quantité non-négligeable de CO2.

Alors dans l’avenir, on se rencontre ou non ?
Le climat actuel étant encore particulièrement incertain, difficile d’être devin et de prévoir dans quelles conditions se dérouleront les événements dans un futur plus ou moins proche. La grande aventure des événements virtuels se terminera-t-elle en même temps que le règne du redoutable coronavirus ?

Pour l’organisatrice, à plus long terme, les événements hybrides permettront de garder le volet virtuel qui a plusieurs bons côtés. Pour les contrats plus « festifs », elle croit cependant que le présentiel sera toujours davantage populaire. Les événements « 0 risque », auxquels seront rigoureusement ajoutées des mesures sanitaires strictes, deviendront le modèle en présentiel que l’on devrait voir apparaître d’ici quelques mois à l’agence Niché.

« Un de nos clients veut investir dans un événement physique à l’automne, et puisqu’on ne sait pas encore comment la situation va évoluer, on mise encore sur le virtuel. Il y aura par contre la possibilité d’une portion présentielle, un volet qui va pouvoir s’ajouter. On sent présentement une fatigue virtuelle, car c’est tout ce que les gens peuvent faire en ce moment. Quand on pourra organiser des événements de façon sécuritaire, je pense que le présentiel va revenir en force », conclut Andréanne Mathieu.

En attendant de pouvoir serrer des mains et manger des canapés, efforçons-nous de garder vivante l’industrie de l’événementiel, confortablement installés dernière nos claviers.

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Crédit photo : Ariane Nantel Gagnon