Avec le recul, j’avoue que c’était de la folie.

Ouvrir une agence quand tout commençait à fermer…

De la pure folie.

Puis, je me suis souvenu de mes expériences dans une de mes vies antérieures, quand j’étudiais le théâtre à New York. Quand on montait une pièce, c’était toujours le chaos total : répéter, changer, répéter encore, se buter contre des murs… jusqu’à la dernière seconde avant d’entrer en scène, où je prenais un grand, grand respire… et je me lançais, entouré d’une équipe qui faisait exactement la même chose, mais qui finissait par y arriver. Et inévitablement, tout rentrait dans l’ordre.

Voilà comment je me suis senti au printemps. Malgré le vertige, je me suis lancé, avec une équipe formidable — des associés qui partageaient ma folie. Des gens d’affaires hyper créatifs, motivés et optimistes qui m’ont fait confiance, et, par le fait même, m’ont donné confiance en moi-même.

On a signé notre entente la première journée de confinement, dans un climat d’incertitude totale. On savait que ce serait « particulier », mais jamais on ne pouvait imaginer le défi qui nous attendait : la pandémie, les manifs, George Floyd, les soubresauts de l’économie, la tension palpable dans l’air… Heureusement, on n’avait tout simplement pas le temps de succomber à nos craintes.

Bien sûr, il y avait un plan d’affaires derrière tout ça, une sorte de feuille de route… qui a pris le bord assez vite. On était dans le même bateau que tout le monde dans l’industrie, un navire un peu à la dérive dans une tempête comme on n’en avait jamais vue.

Très vite, c’est le sentiment d’urgence qui a pris le dessus. Il fallait être pratique et réagir sur-le-champ à tout ce qui se passait autour de nous. On s’est mis au travail – et on s’est donné à fond.

Au début, c’est certain que le défi semblait encore plus colossal que d’habitude. Une espèce de brouillard entourait tous les projets, toutes les décisions. C’était comme si on repartait toujours à zéro, toujours en train de se réinventer – et c’était épuisant. 

Dans tout ce chaos, il fallait aussi bâtir un esprit d’équipe, une culture d’agence et une énergie positive à travers la magie du Zoom. Pas de machine à café, pas de lunches de bureau, pas de tables de billard, juste des écrans d’ordi.

Contre toute attente, ces circonstances exceptionnelles ont donné lieu à plus d’ouverture, de partage et de générosité. 

Première leçon : le bouleversement, ça favorise l’empathie — une empathie vraie, authentique et sans compromis qui s’est manifestée à tous les échelons de notre entreprise. 

Et pendant qu’on essayait de comprendre le changement et de s’y adapter, cette empathie s’est manifestée par de la bienveillance, envers soi et envers les autres et par de la curiosité. Et ça, ça aide à créer une dynamique plus saine, qui inévitablement se traduit par de meilleurs résultats. C’est comme ça qu’on a commencé à prendre de la force, individuellement et collectivement. À défaut d’être unis par une ville ou un bureau commun, on était unis par une volonté de réussir, malgré tout, tout le monde ensemble. Cœurs ouverts.

À force de mettre les bouchées doubles, on a vu que nos efforts commençaient à porter fruit. Le téléphone s’est mis à sonner, les choses ont commencé à bouger. De leur côté, les clients devaient aussi s’adapter à la nouvelle réalité, et notre expertise était en demande. Et là, ça démarre.

Disons qu’on a visé juste en s’appelant « No Fixed Address » — sans adresse fixe. Personne n’aurait pu voir venir tous les changements qu’on a vécus cette année, dans notre façon de travailler, de communiquer, de voir le monde. Mais chose certaine, rien ne sera plus jamais comme avant. Ça faisait un bout de temps que ça ne tournait pas rond dans notre industrie… le moment est donc venu de la réinventer.

Je suis persuadé que l’instabilité est un catalyseur de créativité. D’ailleurs, notre agence a dû faire preuve de beaucoup de créativité pour avancer, et l’industrie au complet doit faire la même chose. On vit un moment absolument unique, et étrangement, ça me donne espoir. J’ai vraiment le sentiment que l’avenir est rempli de promesses, malgré la crise, malgré les hauts et les bas qui vont sans doute se succéder dans les mois à venir. On n’a pas d’autre choix que de prendre une grande respiration et se lancer, et d’espérer le meilleur.

Alors, c’est quoi l’idée d’ouvrir une agence en pleine pandémie ?

De la folie. De la pure et douce folie.