C’est sans surprise que Le Grenier a appris que la COVID a affecté la pratique du mentorat entrepreneurial au Québec. Heureusement, des actions ont été mises en place afin de maintenir les programmes, puisque plus que jamais, les entrepreneurs ont besoin de soutien. Catherine Légaré, cofondatrice d’Elo Mentorat et présidente fondatrice d’Academos a répondu à nos questions.

Catherine Légaré

Grenier aux nouvelles : Pandémie ou non, comment ça marche, le mentorat ?

Catherine Légaré : C’est tout simplement une relation d’accompagnement dans laquelle il y a un partage de savoir et d’expérience. Ceux qui se disent que ça prend du courage de demander à un entrepreneur aguerri d’être son mentor, sachez que c’est une pratique assez répandue dans la culture des entrepreneurs. Ce n’est pas un phénomène nouveau et beaucoup d’entrepreneurs à succès ont profité des services d’un mentor. Il n’y a qu’à penser à Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook qui a été accompagné par Steve Jobs. Oprah Winfrey a quant à elle souvent parlé de son expérience de mentorat. Pour faciliter l’accès à des mentors et pour structurer la relation, plusieurs programmes existent au Québec. Souvent, on en retrouve dans les chambres de commerce, dans les Centres locaux de développement (CLD) dans les accélérateurs et les incubateurs pour entrepreneurs. Chez Elo, les entrepreneurs ont la possibilité de s’inscrire via notre application ou notre site Internet et ainsi accéder à une banque de mentors comprenant beaucoup d’entrepreneurs. Elo met d’ailleurs à la disposition des entrepreneurs un programme de mentorat gratuit, le temps de la pandémie.

GAN : Qu’est-ce que les entrepreneurs en retirent ?

CL : Il s’agit d’un moyen de prendre de bonnes décisions, de se sécuriser, d’accélérer le développement de son organisation, etc. Un mentor, c’est quelqu’un qui est passé par là avant, qui est au fait des erreurs et des bons coups possibles. Cette personne n’est pas là pour dire quoi faire ni appliquer des solutions, mais plutôt pour aider à en trouver. Le mentor apporte une vision différente à l’entrepreneur qui peut avoir tendance à regarder les choses sous un seul angle, car il a le nez collé sur sa business. De plus, l’entrepreneur étant souvent seul, c’est rassurant pour lui d’avoir des gens bienveillants autour pour le conseiller, s’y confier et même parfois l’aider à mieux dormir la nuit !

Depuis une vingtaine d’années, le Réseau mentorat est particulièrement actif. Au fil des ans, l’organisme a publié plusieurs données démontrant que le mentorat accroit vraiment la capacité d’une entreprise à passer le cap des cinq ans, à rester en vie et à maintenir une bonne santé financière.

GAN : Qui peut bénéficier du mentorat ?

CL : Si je parle pour Elo, tout le monde peut y avoir accès : pigistes, entrepreneurs seuls ou avec employés, travailleurs autonomes, etc. Les personnes qui travaillent seules ont d’ailleurs tout intérêt à faire appel à un mentor, même que c’est recommandé. Elles ont les mêmes défis que les entrepreneurs avec partenaires ou employés et doivent en plus faire face à l’isolement. Un propriétaire d’entreprise avec des employés peut quant à lui faire des réunions, profiter de l’expérience des membres de son équipe, partager ses inquiétudes avec elle, etc. L’entrepreneur peut avoir un mentor à n’importe quelle étape de développement de son entreprise, à mesure de l’évolution des défis qui se présentent.

GAN : Enfin, comment la pandémie a-t-elle changé le mentorat ?

CL : Certains programmes de mentorat ont complètement arrêté et les gens ne se voyaient plus. D’autres se sont rapidement tournés vers les moyens de communication technologiques. J’ai lu dans la Harvard Business Review que les dernières évaluations menées démontraient qu’il y a autant de bénéfices à faire du mentorat virtuel, à condition de respecter certaines pratiques, soit utiliser tous les outils à notre disposition (courriel, vidéoconférence, collaboratifs comme Miro et Mural).

Mais, le vrai changement, c’est l’horizon des objectifs qui a grandement raccourci. Autrement dit, avant, on travaillait surtout à long terme, alors que depuis la COVID, on regarde aussi des objectifs à court terme. Les entrepreneurs sont passés à travers toutes sortes de péripéties et d’épreuves depuis la pandémie, alors le mentorat est même parfois devenu un soutien moral. Au lieu de parler de croissance ou d’objectifs pour les cinq prochaines années, on va prioriser des éléments bien différents à savoir combien d’employés mettre à pied pour garder son entreprise en vie, comment revoir sa stratégie de cash flow, comment trouver des opportunités dans la crise, etc. Des perspectives à très court terme et urgentes sont apparues dans le domaine du mentorat. Je trouve qu’il faut en tenir compte. Je dis aux mentors et aux mentorés de laisser ces sujets-là émerger. Il faut en discuter, parce que le moment est bien mal choisi de faire des projets pour l’avenir, tandis que la maison brûle. De fait, si des relations de mentorat se poursuivent en ce moment, c’est qu’elles ont été capables de s’adapter à la situation.