On le sait depuis un certain temps déjà — ou, si nous l’ignorions avant, les élections américaines de l’automne ont éclairé nos lanternes —, les chaînes de télévisions nationales américaines (CNN et Fox News, particulièrement) prêchent sans gêne pour un parti plus qu’un autre. Il était en effet très clair de comprendre, le 3 novembre dernier, que CNN défendait l’avance de Jo Biden et qu’à l’inverse, Fox News mettait en lumière les avancées de Trump dans certains États. Pour ceux et celles qui ont assisté en direct à la soirée électorale, vous vous rappellerez même quelques apartés peu nuancés des animateurs.

Ce clivage politique de la part des médias qui font de « l’info-divertissement de masse[1] » ne date pas d’hier, nous avise Rafael Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand à l’UQAM. « Il faut comprendre que l’écosystème médiatique des États-Unis est assez différent du nôtre et qu’il permet ce genre de prise de position publique », ajoute-t-il.

Si cette tradition existe depuis longtemps déjà aux États-Unis (depuis Nixon, assurément), peut-on nous poser la question, à savoir si les grandes chaînes de télévision au Québec peuvent imiter les médias de nos très chers voisins du Sud et alors s’allier du côté d’un parti politique ?

À cette question, Rafael Jacob répond sans hésiter : « Non. La partisanerie des chaînes de télévision est quasi impossible au Québec. » En effet, et comme le chercheur le mentionne, il apparaît clair qu’au Québec, la situation est totalement différente du point de vue politique et que, pour cette raison, la partisanerie, telle que vue dans les médias américains, n’est pas possible. «Nous avons trop de partis politiques, premièrement, renchérit Rafael Jacob, et cette polarisation du paysage politique québécois nous permet d’éviter les pôles extrêmes, à l’inverse des États-Unis qui ne connaissaient vraisemblablement que deux options : républicain ou démocrate.»

Cette division politique s’avère donc bénéfique pour la neutralité des médias québécois, puisqu’il serait insensé de se rallier à un parti politique, sachant que ce dernier ne rejoint souvent pas moins de 30% de la population. L'analyste politique prend comme exemple le parti de la Coalition Avenir Québec pour comparer la situation : « Sachant que la CAQ est entrée majoritaire avec 37,4% des voix, le média qui avouerait ouvertement sa partisanerie envers ce parti prendrait donc le risque de perdre presque 60% du bassin d’auditoire ? Je ne pense pas », dit-il en riant. 

Cela dit, Jacob n’écarte pas la possibilité qu’un média québécois puisse avoir des penchants pour un parti plus qu’un autre. On peut d’ailleurs penser à Québecor, qui est dirigé par l’ancien chef du Parti Québécois, Pierre-Karl Péladeau. «Il est important aussi de souligner que nous avons la chance, au Canada, d’avoir une société d’État, Radio-Canada, et que par le fait même, cette société ne s’autoriserait pas la partisanerie, ajoute finalement le chercheur.»

Nous pouvons finalement nous rassurer, puisqu’il est donc difficile d’imaginer que le Québec pourrait un jour imiter les voisins du Sud. Nous pouvons même presque nous réjouir d’être aussi divisés, car il va sans dire que c’est une bonne chose pour les réseaux d’informations.

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[1] Sophie Eustache et Jessica Trochet, « De l’information au piège à clics », Le Monde diplomatique, août 2017.