Sans crier à la révolution, force est de constater que la pandémie de COVID-19 a donné une bonne poussée dans le dos à l’achat en ligne, si bien qu’on peut parler d’un boom du e-commerce.

Comme elle n’a rien épargné sur son passage, en plus d’avoir bouleversé notre quotidien, la COVID-19 a aussi chamboulé nos habitudes de consommation. Et les données le démontrent bien : selon Statistique Canada, le commerce en ligne représentait 5,6 % de toutes les transactions en commerce de détail en avril 2019 au Canada. Un an plus tard, en avril 2020, cette proportion est passée à 8,7 %, ce qui représente une augmentation de 55 % !

Au Québec spécifiquement, une étude de la firme Adviso, réalisée au début de la pandémie, a révélé que les achats en ligne ont connu une hausse fulgurante de 118 % au cours des 82 premiers jours de 2020 comparativement à la même période de l’année précédente.

Les entreprises aussi ont vécu ce phénomène de virage web. Celles qui n’avaient toujours pas de boutique en ligne ont dû rapidement se tourner vers le e-commerce pour se garder à flots, alors que les commerces jugés non essentiels ne pouvaient accueillir leur clientèle dans leur lieu physique au point culminant de la pandémie.

D’ailleurs, les chiffres de Shopify, une plateforme permettant aux entreprises de mettre sur pied leur site transactionnel en quelques clics, témoignent de ce volte-face nécessaire : le nombre de nouvelles boutiques créées sur sa plateforme a augmenté de 71 % au deuxième trimestre de 2020 par rapport au premier. Selon l’AFP, les commerçants de Shopify constituent désormais le deuxième commerçant en ligne du pays, derrière le géant Amazon !

Chez nous, on a notamment pu voir l’entreprise LOOP Mission prendre cette avenue au début du confinement. La pandémie a frappé alors que l’entreprise connaissant une bonne croissance et qu’elle avait pour ambition d’attaquer le marché des États-Unis.

« Toute l’équipe qui était concentrée sur le projet d’exportation a été affectée au projet de boutique en ligne, raconte David Côté, cofondateur de LOOP Mission. C’était un projet que nous voulions réaliser, mais qu’on repoussait tout le temps parce qu’on ne trouvait pas de façon écologique de le faire. Cependant, nos ventes ont tellement diminué pendant la pandémie qu’on s’est dit qu’on n’avait pas le choix et qu’on devait mettre ça en ligne. »

Trois semaines plus tard, l’entreprise avait un site transactionnel, entièrement monté à l’interne. Et heureusement pour LOOP, les clients étaient au rendez-vous.

Pas une panacée

Si les commerces ont pu maintenir un certain niveau d’activité malgré les circonstances, une boutique en ligne n’est pas la panacée. Car les coûts sont importants : il faut payer les boîtes, le transporteur, des employés qui s’occupent des commandes, d’autres qui s’occupent du service à la clientèle, les retours, et plus encore.

Le cofondateur de LOOP Mission le confirme : les marges sont « très, très minces ». « On ne fait pas tant d’argent que ça quand on vend en ligne. Dans le contexte actuel, tout ce que ça permet, c’est de garder notre équipe en place. »

LOOP

Sandrine Prom Tep, professeure agréée au département de marketing de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, explique toutefois que les coûts que le e-commerce engendre ne devraient pas être un frein aux entreprises qui n’ont toujours pas fait le saut. « Ça fait un bout de temps qu’on dit que pour qu’il y ait une synergie profitable, il faut un commerce pignon sur rue et une boutique en ligne. Le premier apporte les ventes et la deuxième donne le data. Et ces informations valent de l’or, que ce soit pour faire des modèles prédictifs par rapport aux achats, pour des suggestions de publicités et de promotions à faire, entre autres. »

Que réserve l’avenir ?

Une fois que la poussière de la COVID-19 sera descendue, à quoi doit-on s’attendre ? La professeure affirme qu’il sera difficile de revenir en arrière, au niveau prépandémique. « Il risque d’y avoir une petite baisse de la proportion de transactions réalisées en ligne par rapport à toutes les transactions en commerce de détail comparativement à ce qu’on a vu au pic de la pandémie, mais ça ne reviendra jamais au niveau d’avant. On dit qu’une habitude prend entre un et trois mois à s’ancrer ; ça fait maintenant six mois que nous sommes dans cette situation. Ces nouvelles habitudes de consommation resteront longtemps. »

Or, on ne peut pas dire qu’on n’avait pas vu venir l’importance que prend le commerce en ligne : c’est un phénomène qui se prépare depuis une vingtaine d’années, selon la professeure. Chaque année, la proportion de transactions réalisées en ligne augmente graduellement, et la pandémie n’a fait qu’accélérer sa progression.

« On ne peut plus considérer le e-commerce comme un phénomène technologique ; c’est un phénomène socioéconomique. Les technologies font partie du quotidien et les gens le réalisent. Ça fait partie du total global de l’économie », soutient Sandrine Prom Tep.

David Côté confirme le caractère incontournable du commerce en ligne. « C’est un peu comme Facebook il y a 15 ans. Quand tu avais une business, les gens commençaient à dire qu’il fallait avoir une page et plusieurs n’y croyaient pas. Maintenant, c’est pas mal une obligation. Et c’est la même chose avec le commerce en ligne », illustre-t-il.