Jeanase Thermil
Jeanase Thermil, Directrice-conseil, LG2
Crédit photo : Luc Robitaille 

  • Une cause qui te tient à cœur : La lutte pour l’égalité assurément. Mais depuis plusieurs années, c’est le health by nature… Pensez à : 20 minutes de yoga au réveil, avec un chai latte saupoudré de curcuma, passer la journée éloignée en forêt, travailler la terre, jouer dans l’eau… Intégrer des plantes indigènes comestibles ou des cannabinoïdes au festin qu’on se prépare en fin de journée, finir ça avec un bain aux chandelles infusé d’huiles riches, fleurs, et autres CBD bath bombs… Je ne suis pas une publicitaire virée hippie, mais c’est tout de même la prémisse d’un projet d’affaires qui sera enfin lancé cet automne !
  • Qu’apportes-tu sur une île déserte : Si je ne peux amener personne, j’amènerais un kit de feu à l’infinie comme Bear Grills (!), une machette + lames, une fibre du genre laine ou coton, du bacon, des semences, une poule, une chèvre, une variété de vape pens, du Sauvignon blanc.
  • Si tu étais une plante/un livre/une œuvre d’art/un événement historique, tu serais : Un animal : Un grand oiseau ou une panthère. Une œuvre : N’importe laquelle de Paul Gauguin.
  • Ton mot favori : Il y en a tellement…. J’hésite entre « ma chiiiiume » et « le kit », comme dans « Oublie pas d’amener ton kit de grillades au parc ! » C’est jamais très clair, mais c’est drôle (!) et les gens qui me connaissent bien ont appris à décoder ce que ça veut dire selon le contexte !
  • Mot qui te décrit le mieux : Perspicace.

Se battre contre le privilège.

Avertissements : Le contenu de ce texte pourrait créer de l’inconfort chez certaines personnes. Consommer avec ouverture et altruisme.

Je commencerais en disant que c’est dur d’écrire pour parler de mes expériences en tant que BIPOC en pub au Québec, avec l’été qu’on vient de passer. Je parle bien sûr de tout ce qui se passe depuis le meurtre de George Floyd ; l’indignation mondiale que ça a soulevé. Après la récente attaque sur Jacob Blake à Kenosha – 7 balles dans le dos à bout portant – je ne sais pas si, entre le moment de livraison de ce texte et sa parution, il n’y aura pas eu un autre acte d’insanité policière qui nous aura été annoncé, encore une fois, avec un #hashtag Remember his/her name...

Il y a 1 an et demi, j’ai écrit ce texte pour souligner mes 15 ans dans le domaine de la pub. Dans le contexte actuel, c’est la conclusion qui résonnera, bien que je relis l’ensemble aujourd’hui, je repasse le travail acharné dont je fais mention, et je me rends compte que mon amour-haine pour le milieu transparaît sous la surface. Je déterre inconsciemment les souvenirs des failles du système. Ces situations professionnelles où le racisme, la discrimination ou la simple nonchalance sont souvent subtils, mais parfois carrément flagrants. 

Ces situations que j’ai dû apprendre à transformer en carburant pour me relever et me rappeler qu’il faut continuer. Continuer d’avancer, d’essayer de s’épanouir, de faire sa place, comme on a peu de chances qu’on le fasse pour nous, nous les BIPOC. On n’a pas ce privilège.

En tant que femme de couleur, dans le milieu depuis presque 17 ans, je pourrais en dire long sur le « toujours travailler 2 fois plus fort qu’une femme blanche » pour arriver à la même reconnaissance. Et l’épuisement que ça cause. À répétition. Puis quand tu accèdes à des postes de supervision et de direction, les commentaires qu’il peut y avoir — comme un conseil d’ami — qui te font comprendre que ce n’est pas tout le monde qui « accepterait d’avoir un boss femme et de couleur… »

Si tu réagis aux micro-agressions, évidemment après avoir tourné ta langue 7 fois, dormi là-dessus parfois plus d’une nuit, etc., on te sert les mêmes explications qui invalident automatiquement tes vécus :

  • Tu l’as juste mal interprété ;
  • Tu t’imagines des choses ;
  • Focus pas làdessus, passe à autre chose ;
  • Ben non... X est tellement sweet, jamais il/elle ne dirait ça ;
  • Il faut faire attention à ton brand… ne pas faire trop de vagues avec ça, ça pourrait te nuire…

Really là ?

Pour un changement profond, une meilleure compréhension du problème, la première étape est d’écouter. Retenir le réflexe habituel du « Oui, mais moi… », vraiment assimiler l’information transmise puis user d’empathie et d’ouverture dans sa réponse immédiate. Il faut accepter l’inconfort que ça créera ; se faire shaker, réfléchir, apprendre à reconnaître ce qui est problématique, faire une introspection et discuter ensemble pour faire ressortir l’insight.

C’est ce qu’on fait au quotidien dans notre métier, non ?

Les dirigeants de notre industrie doivent inclure les artisans issus de la diversité dans ce processus. Il n’y a pas de ratio, pas de quota. Ils doivent juste être présents, à tous les échelons. Je remercie les gens qui, au début de ma carrière, ont su reconnaître en moi la fougue de leurs jeunes années. Qui ont osé me donner des responsabilités que j’idéalisais et pour lesquelles je ne me sentais pas prête, à force d’entendre toute ma vie « Ah oui, toi ? Faire ça ? T’es sûre ?? ». Qui m’ont rappelé fréquemment l’importance de mon travail dans le big picture et l’appréciation de la rigueur que j’appliquais à celui-ci. (Une pratique que j’intègre encore aujourd’hui, aussi souvent que possible, envers mes collègues qu’ils soient juniors, séniors, brun, vert ou jaune.) Ces gens qui ont osé, sans se soucier de ma couleur ou de comment elle pourrait paraître auprès d’un nouveau client par exemple.

C’est cette audace qu’il faut normaliser !

Gens de la pub, nous sommes faits de talents, d’audace et de solutions, nous sommes naturellement des acteurs de changement. Faisons-le ensemble. Maintenant.

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Afin que toute notre industrie se fasse davantage voir et entendre, le Grenier aux nouvelles souhaite présenter des modèles inspirants issus de la diversité culturelle, de sexe, d’identité de genre, d’âge et en situation de handicap dans sa série « Dans l’œil de… ». Cette série vise à donner l’espace à des talents cachés de l’univers de la communication – publicité, production, côté agence et côté client, et à nous faire découvrir des personnes qui auraient lancé une initiative pour favoriser l’équité, la diversité et l’inclusion dans leur organisation. Si vous souhaitez soumettre votre portrait, ou connaissez une personne qui serait intéressée, écrivez-nous à [email protected].